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28/01/2010 | FRANCE | N°08NC00676

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2010, 08NC00676


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 mai 2008 et complétée par mémoire enregistré le 26 février 2009, présentée pour Mme Isabelle A et ses enfants mineurs Estelle, Alexia et Sébastien B, demeurant ..., par Me Salichon ;

Les CONSORTS B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500951-0601751 du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation des Hôpitaux civils de Colmar à réparer les conséquences des fautes médicales commises lors de la naissance d'Alexia le 17 jui

llet 1995 ;

2°) de condamner les Hôpitaux civils de Colmar à verser à Mlle Al...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 mai 2008 et complétée par mémoire enregistré le 26 février 2009, présentée pour Mme Isabelle A et ses enfants mineurs Estelle, Alexia et Sébastien B, demeurant ..., par Me Salichon ;

Les CONSORTS B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500951-0601751 du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation des Hôpitaux civils de Colmar à réparer les conséquences des fautes médicales commises lors de la naissance d'Alexia le 17 juillet 1995 ;

2°) de condamner les Hôpitaux civils de Colmar à verser à Mlle Alexia B une indemnité provisionnelle de 120 000 euros, à Mme Isabelle A une indemnité provisionnelle de 30 000 euros et à Mlle Estelle B ainsi qu'à M. Sébastien B respectivement une indemnité provisionnelle de 10 000 euros en raison des fautes médicales commises lors de la naissance d'Alexia le 17 juillet 1995, ces sommes portant intérêts à compter de la demande préalable, subsidiairement à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge des Hôpitaux civils de Colmar une somme de 1 500 euros pour chacun des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas tenu compte du mémoire enregistré le 24 janvier 2008 ; or, ce mémoire comprenait une partie non négligeable de l'argumentation des requérants ;

- les demandes formées en première instance étaient recevables, les Hôpitaux civils de Colmar ayant défendu au fond avant de soulever une fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux ;

- les Hôpitaux civils de Colmar ont commis plusieurs fautes lors de la naissance d'Alexia ; en premier lieu, la surveillance médicale d'Alexia, dans les heures suivant l'accouchement, n'a pas été assurée par un pédiatre, mais par un interne qui ne bénéficie pas d'une pleine et entière capacité d'exercice de la profession ; en deuxième lieu, dès la 14ème heure de vie, Alexia a présenté des convulsions avec cyanose ; or, aucune oxygénothérapie de prudence n'a été mise en place ; cette carence a accru considérablement l'hypoxie cérébrale ; en troisième lieu, dans la période précédant l'accouchement, Mme A s'est vu administrer du Salbutamol, qui est contre-indiqué pour une personne atteinte d'hyperglycémie ; alors qu'elle avait un diabète gestationnel, Alexia, qui présentait des risques d'hypoglycémie en raison d'un développement pondéral excessif du foetus, n'a pas fait l'objet d'une surveillance particulière à la différence de sa soeur ; il aurait fallu réaliser une recherche d'hypoglycémie néonatale ; l'intervention d'un non-lieu dans le cadre de la procédure pénale ne lie pas le juge administratif ;

- les retards dans la délivrance de soins adaptés à l'état d'Alexia ont contribué à l'accroissement de ses lésions cérébrales ;

- le préjudice d'Alexia ainsi que celui de ses proches sont considérables ; l'enfant n'est pas autonome et ne le sera jamais ; sa mère a dû cesser toute activité professionnelle pour s'occuper d'elle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2008 et 2 mars 2009, présentés pour les Hôpitaux civils de Colmar par Me Monheit, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge des CONSORTS B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les demandes formées en première instance étaient irrecevables ; aucune demande préalable n'ayant été formulée, le contentieux n'était pas lié ;

- l'expert ne retient que deux négligences mineures dans la surveillance néonatale d'Alexia ; il souligne la qualité et la célérité des soins apportés à l'enfant ; les experts désignés par le juge pénal ont conclu que les lésions cérébrales sont dues à l'existence fortuite d'un insulinome pancréatique ; le Pr C consulté va dans le même sens ; la procédure pénale s'est conclue par un non-lieu prononcé par le juge d'instruction ; la preuve d'un diabète gestationnel de la mère n'est pas rapportée ; d'ailleurs, la soeur jumelle Estelle est dépourvue de toute pathologie ; aucune surveillance particulière de la glycémie n'était nécessaire pour Alexia qui pesait 3,22 kilogrammes ;

- les négligences commises dans la surveillance d'Alexia ne sont pas la cause des lésions cérébrales qui se sont produites avant la 20ème heure de vie ; les lésions cérébrales sont dues à la double pathologie dont souffrait Alexia à la naissance, à savoir une cardiopathie cyanogène et une hypoglycémie par hyperinsulinisme ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 10 décembre 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Monheit, avocat des Hôpitaux civils de Colmar ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si les requérants font valoir que le tribunal administratif a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire qu'ils ont produit dans les deux instances, lequel avait été enregistré le 24 janvier 2008, soit avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs ;

Sur la responsabilité :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les Hôpitaux civils de Colmar et tirée de l'absence de liaison du contentieux :

Considérant qu'il ressort des conclusions de l'expert désigné en référé qu'à sa naissance, le 17 juillet 1995, dans les services du centre de la mère et de l'enfant le Parc appartenant aux Hôpitaux civils de Colmar, Alexia B était atteinte d'une cardiopathie cyanogène et d'une hypoglycémie par hyperinsulinisme ; que cette double pathologie lui a causé des lésions cérébrales générant une encéphalopathie caractérisée par une microcéphalie, un retard psychomoteur important et une amblyopie partielle en rapport avec une atrophie cérébrale irréversible ;

Considérant qu'il résulte toutefois des conclusions de l'expert désigné par le juge pénal que ces lésions trouvent principalement leur origine dans l'hypoglycémie par hyperinsulinisme, maladie génétique congénitale extrêmement rare chez le nouveau-né, dès lors difficilement dépistable et intraitable médicalement ; qu'en effet, seule une exérèse de la queue du pancréas, telle que celle qu'a subie Alexia le 22 août 1995 à l'hôpital Necker, permet de maîtriser les épisodes d'hypoglycémie à l'origine des lésions cérébrales ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, Alexia, pesant 3 220 grammes à la naissance, ne présentait pas de facteurs de risque particuliers d'hypoglycémie dès lors que le diabète gestationnel de sa mère n'est pas démontré ; que, dans ce contexte, aux dires de l'expert désigné en référé, les Hôpitaux civils de Colmar n'ont commis que deux négligences, en ne pratiquant pas une oxygénothérapie de prudence dès la 14ème heure de vie de l'enfant lorsque celle-ci a connu un épisode modéré de cyanose qui s'est vite résorbé et en mettant neuf jours pour obtenir du laboratoire les résultats du test de glycémie pratiquée sur Alexia le 19 juillet 1995 (dosage du peptide C), période au cours de laquelle toutefois sa glycémie, bien qu'instable, était surveillée et était restée satisfaisante ; qu'en revanche, il n'est pas démontré que la surveillance néonatale d'Alexia n'ait pas été assurée par un médecin pédiatre qualifié ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les manquements ci-dessus relevés du service public hospitalier soient à l'origine des lésions cérébrales dont est atteinte Alexia, ni même d'une perte de chance sérieuse que celle-ci aurait subie de ne pas les voir s'aggraver ; qu'il s'ensuit que, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le lien de causalité entre les négligences sus-analysées, en admettant qu'elles soient fautives, et les préjudices dont les CONSORTS B demandent réparation ne peut être considéré comme établi ; que, dès lors, la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar ne peut être engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la pathologie présentée par Alexia ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux civils de Colmar, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les CONSORTS B au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des CONSORTS B la somme que réclament les Hôpitaux civils de Colmar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée des CONSORTS B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des Hôpitaux civils de Colmar tendant à la condamnation des CONSORTS B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle A, aux Hôpitaux civils de Colmar et à la caisse primaire d'assurance maladie de Colmar.

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08NC00676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00676
Date de la décision : 28/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL SALICHON et CHARPENTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-28;08nc00676 ?
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