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07/01/2010 | FRANCE | N°09NC00521

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2010, 09NC00521


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 avril 2009, présentée pour Mme Elisabeth A, demeurant ..., par Me Cahen ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500966 du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la décision en date du 23 février 2005 par laquelle le conseil d'administration de l'Office Public d'Aménagement et de Construction (OPAC) de Reims a prononcé sa révocation pour faute grave et, d'autre part, à ce que soient mises à la charge de l'OPA

C une somme correspondant aux rémunérations qu'elle aurait dû percevoir du 2...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 avril 2009, présentée pour Mme Elisabeth A, demeurant ..., par Me Cahen ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500966 du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la décision en date du 23 février 2005 par laquelle le conseil d'administration de l'Office Public d'Aménagement et de Construction (OPAC) de Reims a prononcé sa révocation pour faute grave et, d'autre part, à ce que soient mises à la charge de l'OPAC une somme correspondant aux rémunérations qu'elle aurait dû percevoir du 22 février 2005 au jour du prononcé du jugement, majorées des intérêts de droit, une somme de 138 590 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence pendant sa période d'éviction, et une somme de 23 098 euros à titre de rappel des salaires des mois de décembre 2004, janvier et février 2005 ;

2°) d'annuler la décision en date du 23 février 2005 par laquelle le conseil d'administration de l'OPAC de Reims a prononcé sa révocation ;

3°) de mettre à la charge de l'OPAC une somme correspondant aux rémunérations nettes qu'elle aurait dû percevoir du 22 février 2005 au jour du prononcé du jugement, majorées des intérêts de droit, une somme de 138 590 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence pendant sa période d'éviction, et une somme de 23 098 euros à titre de rappel des salaires des mois de décembre 2004, janvier et février 2005 ;

4°) de condamner l'OPAC de Reims à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal, qui aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Reims, ne s'est pas prononcé sur sa demande de sursis, ce qui constitue une violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 paragraphe 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a retenu le grief lié à la vente de logements HLM alors que le juge pénal ne l'a pas retenu ; le tribunal n'a ni visé ni communiqué son mémoire du 26 novembre 2008 par lequel elle a présenté sa demande de sursis à statuer ;

- la procédure disciplinaire a méconnu les dispositions de l'article 6 paragraphe 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pas pu, du fait du contrôle judiciaire dont elle faisait l'objet, assister personnellement à la réunion au cours de laquelle le conseil d'administration de l'OPAC a décidé sa révocation, alors que l'article 20 de son contrat stipule qu'elle doit être entendue par le conseil d'administration statuant en matière disciplinaire ;

- les motifs sur lesquels la décision litigieuse est fondée sont erronés, et plusieurs griefs formulés par l'OPAC pour justifier sa révocation ont été au demeurant écartés par le juge pénal ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'une faute lourde ;

- elle a droit à une indemnité d'éviction en application de l'article 24 de son contrat de travail, ainsi qu'au paiement de ses salaires des mois de décembre 2004, janvier et février 2005, dès lors que la mesure de contrôle judiciaire ne fait pas partie des cas de suspension du contrat de travail limitativement prévus ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2009, présenté pour Reims Habitat Champagne Ardenne, anciennement dénommé OPAC de Reims, par Me Carnoye ;

Reims Habitat Champagne Ardenne conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- il appartenait à Mme A de demander au juge d'instruction un aménagement de son contrôle judiciaire, si elle souhaitait être présente le jour de la réunion du conseil d'administration ; Mme A pouvait en outre se faire représenter par son conseil à la séance du conseil d'administration statuant sur son cas ;

- les faits retenus par le tribunal administratif, de nature à justifier une révocation pour faute grave, avaient bien fait l'objet de deux condamnations pénales au jour du prononcé du jugement, confirmées depuis en appel ; les motifs de la décision litigieuse sont ainsi établis ;

- les demandes indemnitaires de Mme A sont injustifiées, l'intéressée n'ayant droit qu'aux indemnités versées au titre de la législation sur l'assurance-chômage ; l'article 24 du contrat de Mme A est en particulier inapplicable en l'espèce ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2009, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 novembre 2009, présenté pour Reims Habitat Champagne Ardenne, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance du 9 novembre 2009 du président de la troisième chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 24 novembre 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après voir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Carnoye, avocat de Reims Habitat Champagne Ardenne ;

Considérant que Mme A a été recrutée par l'OPAC de Reims à compter du 1er juin 1978 et y a occupé divers postes avant d'être nommée directeur général de l'Office par délibération de son conseil d'administration en date du 22 octobre 1993 ; que, par décision de ce même conseil en date du 23 février 2005, elle a été révoquée pour faute grave ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif n'était pas tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Reims, appelée à se prononcer sur le bien-fondé des poursuites pénales dirigées contre Mme A ; que le juge administratif, qui dirige seul l'instruction, n'est pas davantage tenu de répondre à des conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce qu'une autre juridiction ait rendu sa décision ; qu'au demeurant, la demande de sursis présentée par Mme A a été rejetée implicitement par les premiers juges, dès lors qu'ils ont statué au fond et rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par l'intéressée ; que le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté ;

Considérant, en second lieu, que si Mme A soutient que le tribunal n'a pas communiqué son mémoire du 26 novembre 2008, par lequel elle conclut au sursis à statuer sur sa demande dans l'attente de l'issue de la procédure pénale la concernant, il ressort de l'analyse de ce mémoire que celui-ci ne comportait pas de moyens nouveaux de droit ou de fait ; qu'il n'est pas soutenu que le tribunal administratif se serait fondé sur des éléments de droit ou de fait auxquels Mme A n'aurait pas été mise en mesure de répondre ; qu'au surplus, l'intéressée ne conteste pas avoir transmis à Reims Habitat Champagne Ardenne une copie de ce mémoire ; que, par suite, le moyen tiré du non respect du principe du contradictoire doit être écarté ainsi que celui tiré du défaut de visa de ce mémoire, auquel le juge n'est au demeurant jamais tenu de procéder dès lors qu'il y répond, dans toute la mesure où ce mémoire comporterait des moyens nouveaux de droit ou de fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularités de nature à entraîner son annulation ;

Sur la légalité de la décision du 23 février 2005 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 21 février 2005 adressée à la présidente de l'OPAC de Reims, Mme A a fait connaître qu'elle n'entendait pas se présenter devant le conseil d'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire aurait méconnu les dispositions de l'article 20 de son contrat de travail, stipulant qu'elle doit être entendue par le conseil d'administration statuant en matière disciplinaire, doit en tout état de cause être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1- Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par lui, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que Mme A soutient que la procédure disciplinaire aurait méconnu son droit à un procès équitable garanti par les stipulations précitées, dès lors qu'elle n'a pas pu, du fait du contrôle judiciaire dont elle faisait l'objet et qui lui interdisait de se rendre au siège social de Reims Habitat Champagne Ardenne, assister personnellement à la réunion du 22 février 2005 au cours de laquelle le conseil d'administration a prononcé sa révocation ; que, toutefois, si, lorsqu'il est suivi d'une demande de son président tendant à la révocation pour faute de son directeur, le conseil d'administration de Reims Habitat Champagne Ardenne doit être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la circonstance que la procédure suivie devant cet organe ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions précitées est en elle-même sans incidence sur l'appréciation du respect du droit au procès équitable qu'elles garantissent, dès lors que cette appréciation porte sur l'ensemble de la procédure administrative et juridictionnelle et que la juridiction saisie par la requérante, laquelle répond par son organisation et son fonctionnement à l'ensemble des prescriptions dudit article, dispose du pouvoir d'examiner l'ensemble des questions de droit et de fait relatives à la légalité de la décision prise par le conseil d'administration ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il n'est pas établi que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ait méconnu le droit de Mme A à un procès équitable en statuant sur sa requête dirigée contre la décision du conseil d'administration ; qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les seuls faits retenus par le tribunal administratif comme étant constitutifs de fautes de nature à justifier la révocation avaient fait l'objet, au jour du prononcé de son jugement, de deux condamnations pénales prononcées les 15 mars 2005 et 3 juin 2008 par le Tribunal correctionnel de Reims, confirmées par deux arrêts en date du 27 mai 2009 de la Cour d'appel de Reims ; qu'ils concernent l'entrave aux vérifications et au contrôle du commissaire aux comptes, l'atteinte à la liberté d'accès ou d'égalité des candidats dans les marchés publics (affaire SYLOGIS), des prises illégales d'intérêts (structure AC Constructions, affaire Services câbles) et le financement de travaux dans le logement personnel ; que la circonstance que le juge pénal n'aurait pas retenu à l'encontre de Mme A le grief relatif à la vente de logements HLM n'interdisait pas au tribunal administratif d'en faire mention, les procédures pénale et disciplinaire étant distinctes ; que les faits précités, retenus par le juge pénal et qui constituent le support nécessaire de ses décisions, doivent ainsi être regardés comme établis ; qu'ils sont constitutifs de fautes graves et, à eux seuls, de nature à justifier une révocation ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A tendant à ce que soit mise à la charge de Reims Habitat Champagne Ardenne une somme correspondant aux rémunérations nettes qu'elle aurait dû percevoir du 22 février 2005 au jour du prononcé du jugement du tribunal majorées des intérêts de droit, ainsi qu'une somme de 138 590 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence du fait de son éviction, doivent être rejetées ;

Considérant, en second lieu, que Mme A demande également que lui soit versée une somme de 23 098 euros à titre de rappel de salaires afférents aux mois de décembre 2004, janvier 2005 et février 2005 dont elle a été privée du fait de son placement sous contrôle judiciaire à compter du 2 décembre 2004 ; que, toutefois, le traitement d'un agent public n'étant pas dû en l'absence de service fait, de telles conclusions ne peuvent être que rejetées alors même que l'OPAC de Reims n'aurait ni suspendu son contrat de travail, ni prononcé une mise à pied à titre conservatoire consécutivement à la décision du juge d'instruction, dont il ne pouvait que prendre acte, plaçant l'intéressée sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre au siège de l'OPAC de Reims et d'exercer toute activité en rapport avec lui ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Reims Habitat Champagne Ardenne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros à verser à Reims Habitat Champagne Ardenne au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera à Reims Habitat Champagne Ardenne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Elisabeth A et à Reims Habitat Champagne Ardenne.

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09NC00521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00521
Date de la décision : 07/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP CAYOL CAHEN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-07;09nc00521 ?
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