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07/01/2010 | FRANCE | N°08NC00752

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2010, 08NC00752


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2008, présentée pour M. Marc A, demeurant ..., par Me Blindauer ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403361 du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de La Poste à l'indemniser des différents préjudices qu'il a subis du fait de l'inexécution du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 1996 ;

2°) d'enjoindre La Poste de lui proposer une affectation conforme à son grade de contrôleur divisio

nnaire ;

3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 82 272,55 euro...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2008, présentée pour M. Marc A, demeurant ..., par Me Blindauer ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403361 du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de La Poste à l'indemniser des différents préjudices qu'il a subis du fait de l'inexécution du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 1996 ;

2°) d'enjoindre La Poste de lui proposer une affectation conforme à son grade de contrôleur divisionnaire ;

3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 82 272,55 euros en réparation de son préjudice financier correspondant à des pertes de rémunérations et de pensions ;

4°) de condamner La Poste à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de la perte de chance de progresser dans sa carrière ;

5°) de condamner La Poste à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

6°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la première affectation qui lui a été proposée en juin 1997 ne correspondait pas à son grade de contrôleur divisionnaire et ne saurait être regardée comme une mesure d'exécution du jugement du 10 décembre 1996 ;

- il a dû attendre février 1999 pour que La Poste recueille ses voeux d'affectation ; l'exécution a été tardive ; La Poste ne démontre pas pourquoi trois des cinq voeux qu'il a exprimés étaient irrecevables ;

- La Poste devait lui proposer une affectation à Metz où il avait sa résidence administrative ; il existait des postes vacants en Moselle à la date où La Poste était tenue d'exécuter le jugement du 10 décembre 1996 ; en 1999, le grade de contrôleur divisionnaire était en voie de disparition ; La Poste a attendu afin de rendre l'exécution du jugement impossible ; il ne saurait lui être reproché d'avoir opté pour conserver un grade de reclassement ;

- son préjudice résulte de la différence de traitement existant entre un contrôleur et un contrôleur divisionnaire tout au long de sa carrière et de la différence de pension une fois atteint l'âge de la retraite ; il a également subi un préjudice de carrière et un préjudice moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2008, présenté pour La Poste par Me Techel, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Elle soutient que :

- la requête de M. A est tardive et, par suite, irrecevable ;

- les conclusions de première instance de M. A sont partiellement irrecevables dès lors que ses prétentions dépassent celles formulées dans sa demande préalable d'indemnité datée du 5 janvier 2004 ; l'appelant ne pouvait ni saisir directement le juge d'une demande d'injonction ou de réparation de chefs de préjudices non invoqués dans sa demande préalable, ni augmenter ses prétentions indemnitaires au titre de ses pertes de rémunérations au-delà de 28 106,57 euros ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du jugement du 10 décembre 1996; dès le 12 mars 1997, elle a étudié une solution permettant d'exécuter la chose jugée ; le 10 juin 1997, était proposée à M. A une affectation sur un emploi de niveau II.3 dans le grade II.3 correspondant à l'ancienne classification de contrôleur divisionnaire ;

- les préjudices invoqués par M. A ne sont établis ni dans leur réalité, ni dans leur ampleur ;

Vu l'ordonnance en date du 16 octobre 2009 du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 6 novembre 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Techel, avocat de La Poste ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par La Poste :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (..) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à M. A le 29 mars 2008 ; que la requête d'appel, qui a été enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2008, n'est, par suite, pas tardive ;

Considérant, d'autre part, que si La Poste soutient que les demandes de première instance de M. A seraient partiellement irrecevables en tant qu'elles excèdent l'objet et le montant de sa demande préalable d'indemnité datée du 5 janvier 2004, elle a défendu au fond devant les premiers juges et a ainsi lié le contentieux ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. A :

Considérant que, par jugement du 10 décembre 1996, le Tribunal administratif de Strasbourg a enjoint La Poste de rétablir M. A dans ses droits au bénéfice du concours de contrôleur divisionnaire auquel il avait été admis et de procéder à un nouvel examen de ses voeux en vue de son affectation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que, par lettre du 19 février 1999, la direction de La Poste de la Moselle a informé M. A de son inscription rétroactive sur la liste spéciale pour l'accès au grade de contrôleur divisionnaire et lui a demandé de lui communiquer ses souhaits en vue d'une affectation au sein du département de la Moselle ; qu'il résulte de l'instruction que si aucune nomination n'a pu être prononcée à compter de cette date, la responsabilité en incombe à l'appelant, qui a refusé certains postes vacants et n'a pas élargi le champ géographique de ses voeux ; qu'ainsi, M. A ne peut prétendre que La Poste n'a pas exécuté le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 1996 ; qu'il n'est, par ailleurs, pas fondé à demander à la Cour d'enjoindre La Poste de lui proposer une affectation conforme à son grade de contrôleur divisionnaire ;

Considérant qu'en revanche, M. A est fondé à soutenir que La Poste n'a pas exécuté ledit jugement dans le délai qui lui était imparti par le tribunal ; que la proposition faite à l'intéressé, par courrier du 10 juin 1997, ne peut être regardée comme procédant à cette exécution puisque le poste proposé à M. A ne correspondait pas à son grade de contrôleur divisionnaire ; que le retard fautif mis par La Poste à exécuter le jugement du 10 décembre 1996 a causé à l'appelant un préjudice financier constitué par des pertes de rémunérations de 1997 à 1999, celui-ci n'étant pas tenu d'accepter le poste offert le 10 juin 1997 quand bien même sa rémunération eût été alors supérieure à celle d'un contrôleur divisionnaire, et un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à 10 000 euros ; qu'en revanche, le préjudice de carrière et les pertes de pensions invoqués par M. A, dont la réalité et l'ampleur ne sont pas démontrées, ne sont pas en lien direct avec la faute commise par La Poste et ne sauraient ainsi être réparés ,

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a intégralement rejeté ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 mars 2008 est annulé.

Article 2 : La Poste est condamnée à verser à M. A la somme de 10 000 euros (dix mille euros) en réparation des préjudices causés par son retard à exécuter le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 1996.

Article 3 : La Poste versera à M. A une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de La Poste tendant à la condamnation de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc A et à La Poste.

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N° 08NC00752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00752
Date de la décision : 07/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP NERRY BIGOT TECHEL NUNGE PETTOVICH DERRENDINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-07;08nc00752 ?
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