La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2009 | FRANCE | N°09NC01140

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 décembre 2009, 09NC01140


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 au greffe de la Cour sous le n° 09NC01140 et complétée par le mémoire enregistré le 1er octobre 2009, présentée par le PREFET DU HAUT RHIN ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 22 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant la Tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient que :

- dè

s lors que la demande d'asile de M. A en date du 22 juin 2009 ne faisait état d'aucun fait nouv...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 au greffe de la Cour sous le n° 09NC01140 et complétée par le mémoire enregistré le 1er octobre 2009, présentée par le PREFET DU HAUT RHIN ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 22 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant la Tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient que :

- dès lors que la demande d'asile de M. A en date du 22 juin 2009 ne faisait état d'aucun fait nouveau et qu'elle n'était présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement, il pouvait légalement refuser l'admission provisoire au séjour de M. A et ordonner sa reconduite à la frontière;

- M. A ne peut soutenir que l'arrêté attaqué le prive de l'exercice de son droit de demander l'asile dans de bonnes conditions ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2009 et complété par le mémoire enregistré le 26 novembre 2009, présenté pour M. A par Me Andreini, qui conclut :

1°) au rejet de la requête du PREFET DU HAUT-RHIN ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500€ à Me Andreini au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

M. A soutient que :

- sa demande de reconnaissance du statut de réfugié n'est pas dilatoire et se fonde sur des faits nouveaux ;

- son droit constitutionnel d'asile a été méconnu en ce que sa demande d'asile n'a pu être faite dans de bonnes conditions ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu le principe d'unité familiale ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu, en date du 13 novembre 2009, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- et les conclusions de M. Collier , rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.(...) ; qu'aux termes de l'article L.742-5 du même code : Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 ; qu'aux termes de l'article L 742-6 du même code : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visé aux 2° à 4° de l'article L 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office et qu'aux termes de l'article L.511-1 du même code : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de reconnaissance du statut de réfugié présentée par M. A a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 15 janvier 2008, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 30 mars 2009, aux motifs que les déclarations de l'intéressé relatives aux menaces et persécutions dont il aurait fait l'objet sont apparues superficielles, inconsistantes, incohérentes et stéréotypées ; que le PREFET DU HAUT-RHIN a alors pris le 30 avril 2009 un arrêté portant refus de séjour et obligation pour l'intéressé de quitter le territoire français ; que M. A, qui était reparti volontairement au Kosovo fin avril 2009, est rentré irrégulièrement en France le 21 juin ; que si lors de son interpellation le lendemain par les services de police, il a déclaré être revenu rejoindre sa concubine et ne plus vouloir retourner au Kosovo, le préfet a estimé que M. A pouvait être ainsi regardé comme sollicitant à nouveau la reconnaissance de statut de réfugié ;

Considérant, que si, pour annuler l'arrêté du PREFET DU HAUT-RHIN du 22 juin 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le motif tiré de ce que les nouvelles menaces et l'agression invoquées par l'intéressé à l'audience pouvaient être regardées comme des faits nouveaux, il ressort toutefois des pièces du dossier que les éléments produits devant le Tribunal administratif sont la photographie d'un véhicule dont la plaque minéralogique est illisible, la copie d'une carte grise en langue étrangère non traduite et deux traductions, non certifiées conformes, de deux témoignages contradictoires ; que ces éléments ne peuvent être considérés comme rapportant la preuve de nouveaux risques de menaces et de persécutions personnelles, autres que ceux sur lesquels l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile se sont déjà prononcés ; qu'ainsi, le PREFET DU HAUT-RHIN a pu refuser d'admettre provisoirement au séjour M. A et ordonner sa reconduite à la frontière en vertu des dispositions de l'article L.741-4-4° et L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'existence d'éléments nouveaux pour annuler l'arrêté du PREFET DU HAUT-RHIN en date du 22 juin 2009 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire: pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale; pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue; pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la même convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ;

Considérant que si M. A soutient que sa sécurité et sa vie sont en danger en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucune précision ni aucune justification susceptible d'établir la réalité des risques personnels allégués ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de l'unité familiale :

Considérant que si M. A, qui est entré pour la première fois en France en 2007 à l'âge de 29 ans, fait valoir qu'il vit depuis deux ans avec Mme B, ressortissante kosovare, laquelle bénéficie du statut de réfugié et est enceinte, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est marié et que sa femme vit au Kosovo ; qu'ainsi, compte tenu de ces circonstances, alors même qu'une procédure de divorce serait engagée avec son épouse, l'arrêté du 22 juin 2009 du PREFET DU HAUT-RHIN ne méconnaît pas le principe de l'unité familiale et ne porte pas au droit de M. A à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du droit constitutionnel d'asile :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 13 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ;

Considérant, comme il a été dit ci-dessus, qu'une première demande a été présentée devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis devant la Cour nationale du droit d'asile : que la circonstance, que le préfet, qui a estimé être saisi d'une nouvelle demande lors de l'audition de M. A le 22 juin 2009, n'a pas délivré une admission provisoire au séjour, ne constitue pas une violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni du principe constitutionnel du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU HAUT-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 22 juin 2009 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à verser à l'avocat de M. A, en application desdites dispositions et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 juin 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Besim A devant le Tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Besim A.

''

''

''

''

2

N°09NC01140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NC01140
Date de la décision : 17/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD Président de la CAA
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-12-17;09nc01140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award