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26/02/2009 | FRANCE | N°07NC00788

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 février 2009, 07NC00788


Vu la requête enregistrée le 26 juin 2007, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER, par Me Monheit ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301291 et n° 0301292 du 12 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à payer à

M. Jean , à Mme Christiane , à M. David , à Mlle Vanessa , à

M. Jean et à Mme Renée K, épouse , des indemnités en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de Yannick , leur fils, frère et petit-f

ils et, d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de C...

Vu la requête enregistrée le 26 juin 2007, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER, par Me Monheit ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301291 et n° 0301292 du 12 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à payer à

M. Jean , à Mme Christiane , à M. David , à Mlle Vanessa , à

M. Jean et à Mme Renée K, épouse , des indemnités en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi suite au décès de Yannick , leur fils, frère et petit-fils et, d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Chaumont le garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de rejeter les demandes des consorts présentées devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chaumont une somme de 1 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) subsidiairement, de condamner le centre hospitalier de Chaumont à le garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;

Il soutient que :

- le juge pénal a prononcé un non-lieu du chef du délit de violences involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; le juge d'instruction a souligné que les causes de la mort ne sont ni inconnues, ni suspectes ;

- Yannick a fait l'objet d'une surveillance constante dès son admission au centre hospitalier de Saint-Dizier ; ce dernier n'a pas été informé des résultats de l'analyse toxicologique pratiquée sur le jeune homme ; le Dr L n'a pas donné une information suffisante au Centre hospitalier de Saint-Dizier ; de plus, Yannick n'avait jamais été hospitalisé au Centre hospitalier de Saint-Dizier ;

- le centre hospitalier de Chaumont aurait dû garder Yannick pour le surveiller dans un service de réanimation avec ventilation artificielle, intubation, curarisation ou benzodiazépines ; telles sont les conclusions de l'expert, le Dr M ; le centre hospitalier de Saint-Dizier qui est un établissement psychiatrique ne dispose d'aucun service de réanimation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2007, présenté pour M. Jean , Mme Christiane , M. David , Mlle Vanessa , M. Jean et

Mme Renée K, épouse , par Me Alfonso, qui conclut :

1°) à la réformation du jugement à fin que les indemnités allouées aux frère et soeur de Yannick ainsi qu'à leurs grands-parents maternels soient portées respectivement à 8 000 € et 4 500 € ;

2°) subsidiairement, à la condamnation solidaire du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER et du Centre hospitalier de Chaumont à leur payer ces sommes et à ce qu'une somme de 4 000 € soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- tant le centre hospitalier de Chaumont que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER ont commis des fautes qui ont concouru au décès de Yannick ;

- le préjudice moral subi par Vanessa et David ainsi que celui enduré par les grands-parents de Yannick ont été sous-évalués ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2009, présenté pour le centre hospitalier de Chaumont par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il a communiqué au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER les informations dont il disposait ;

- le transfert à Saint-Dizier dans une ambulance non médicalisée n'est pas à l'origine du décès de Yannick ;

- plusieurs manquements ont été commis lors de l'admission de M. au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2009 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, le 27 avril 1998 en fin d'après-midi, M.Yannick a tenté de mettre fin à ses jours en ingérant des médicaments à forte dose ; que, pris en charge par le SAMU vers 21 heures, il a été transféré au centre hospitalier de Chaumont, où a été pratiqué un lavage d'estomac ; que son état mental étant critique, il a alors été décidé de ne pas le garder en observation en médecine générale ; qu'à 22 h 30, il fut acheminé vers le CENTRE HOSPITALIER de SAINT-DIZIER pour y être hospitalisé à la demande d'un tiers ; que, placé en chambre d'isolement, il a été retrouvé sans vie le 28 avril 1998 à 7 h 30 ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise réalisé dans le cadre de l'instance pénale, qu'alors que Yannick présentait à son arrivée au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER le 27 avril 1998 vers 23 h 15 des symptômes évidents d'un syndrome sérotoninergique pouvant engager un pronostic vital tels que mydriase, état de confusion et d'agitation, perte d'équilibre, le médecin psychiatre qui l'a ausculté, qui certes ne connaissait pas les résultats de l'analyse toxicologique pratiquée sur le patient, a posé un diagnostic erroné, ne lui prescrivant qu'une injection intramusculaire d'anxiolytiques ; qu'ultérieurement, au cours de la nuit, alors que Yannick a manifesté un état d'agitation anormal, se déplaçant sur les coudes et les genoux, puis rampant voire s'affaissant parfois sur le carrelage tête en avant, ce qui lui laissera des traces d'hématomes sur le corps, les infirmiers psychiatriques chargés de le surveiller n'ont pas alerté le médecin de garde, qui n'a pu que constater le décès de la victime au matin du 28 avril 1998 ; que cette faute médicale et cette faute dans l'organisation du service sont de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier et ceci quand bien même le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 6 août 2001 du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu sa responsabilité dans le décès de Yannick ;

Sur le préjudice :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions d'appel incident formées par M. et Mme , épouse N :

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice moral enduré par M. Jean et Mme Renée K, épouse , grands-parents maternels de Yannick , en l'évaluant à 2 500 € pour chacun d'eux dès lors qu'il est constant qu'ils ne pas partageaient pas l'existence de leur petit-fils ; qu'en revanche, eu égard à la cohabitation au domicile de leur père de Vanessa et David avec leur frère décédé, le tribunal a fait une évaluation insuffisante du préjudice d'affection qu'ils ont subi ; qu'il en sera fait une juste appréciation en le fixant à 8 000 € pour chacun d'eux ; que l'article 1er du jugement attaqué sera réformé en ce sens ;

Sur l'appel en garantie du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER dirigé contre le centre hospitalier de Chaumont :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise réalisé dans le cadre de l'instance pénale que Yannick a ingéré en fin d'après -midi du 27 avril 1998 du Moclanine et du Deroxat à doses létales ; qu'alors que ces médicaments absorbés dans de telles proportions pouvaient déclencher un excès de sérotonine au niveau des neurones cérébraux dénommé syndrome sérotoninergique et provoquer le décès de l'intéressé, le chef du service du SAMU du centre hospitalier de Chaumont s'est contenté de pratiquer sur l'intéressé un lavage d'estomac avant de l'orienter vers le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER alors qu'il aurait dû le garder sous surveillance dans le service de réanimation avec ventilation artificielle, intubation, curarisation ou benzodiazépines, service dont est dépourvu l'hôpital appelant eu égard à sa vocation exclusive d'établissement psychiatrique ; qu'au surplus, s'il a informé le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER de l'arrivée de Yannick , le centre hospitalier de Chaumont a omis d'indiquer la nature des substances qu'il avait ingérées ; que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER est ainsi fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Chaumont à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ; qu'eu égard aux fautes respectives commises par chacun des deux établissements dans la survenance du décès de l'intéressé, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant cette obligation de garantie à 75 % ; que, par suite, l'article 2 du jugement attaqué rejetant lesdites conclusions en garantie doit être annulé ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Chaumont à payer au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIIZIER une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner solidairement le centre hospitalier de Chaumont et le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER à payer à M. David et à Mlle Vanessa une somme globale de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER est condamné à payer respectivement à Mlle Vanessa et à M. David une somme de 8 000 € en réparation de leur préjudice moral.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 12 avril 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT-DIZIER et le centre hospitalier de Chaumont sont condamnés solidairement à verser à Mlle Vanessa et à M. David une somme globale de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel incident de M. Jean , de

Mme Christiane , de M. Jean et de Mme Renée K, épouse , est rejeté.

Article 5 : Le centre hospitalier de Chaumont est condamné à garantir le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre.

Article 6 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 12 avril 2007 est annulé.

Article 7 : Le centre hospitalier de Chaumont versera au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Article 8 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DIZIER est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE SAINT-DIZIER, au centre hospitalier de Chaumont, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne et à M. Jean , à Mme Christiane , à M. David , à Mlle Vanessa , à M. Jean et à Mme Renée K, épouse .

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N°07NC00788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00788
Date de la décision : 26/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP MONHEIT LOOS ANDRE MAI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-02-26;07nc00788 ?
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