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04/02/2009 | FRANCE | N°08NC00704

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 février 2009, 08NC00704


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2008, complétée par un mémoire enregistré le 19 janvier 2009, présentée pour M. Jean-Pierre Y, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Wisniewski/Vaissier-Catarame ;

M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601922 du 4 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 septembre 2006 par laquelle le Maire de la commune de Favières a décidé de préempter la parcelle cadastrée ... dont il s'était porté acquére

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2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la cha...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2008, complétée par un mémoire enregistré le 19 janvier 2009, présentée pour M. Jean-Pierre Y, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Wisniewski/Vaissier-Catarame ;

M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601922 du 4 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 septembre 2006 par laquelle le Maire de la commune de Favières a décidé de préempter la parcelle cadastrée ... dont il s'était porté acquéreur ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Favières le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- à titre principal, que la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors qu'il n'existait plus, à la date de cette décision, de droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Favières, le plan d'occupation des sols de cette commune ayant été modifié par délibération du 26 mai 2000, sans que le conseil municipal adopte ultérieurement une nouvelle délibération instituant le droit de préemption urbain ;

- à titre subsidiaire, que la décision de préemption contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la commune de Favières n'avait pas un besoin urgent de terrains à bâtir pour développer la construction de logements, comme le montre le fait que les parcelles du lotissement qu'elle a créé sur un terrain acheté en 1998 n'avaient pas toutes trouvé un acquéreur à la date de la décision contestée et alors qu'il y avait au même moment sur le territoire de la commune 11 immeubles à vendre ;

- que les objectifs énoncés dans la décision attaquée, à savoir maintenir le redressement démographique, soutenir et pérenniser la crèche et l'école et augmenter les rentrées financières de la commune, n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- que la commune de Favières ne justifiait pas, à la date de la décision attaquée, de l'existence d'un projet d'aménagement suffisamment précis et certain, dès lors qu'elle n'a produit aucun document antérieur au 22 septembre 2006 démontrant son intention de créer un lotissement sur le terrain préempté ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2008, présenté pour l'établissement public foncier de Lorraine, représenté par son président en exercice, par la SELARL Burle-Lime, avocats, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- M. Y n'est pas recevable à soulever en appel le moyen tiré de ce qu'il n'existait plus, à la date de la décision attaquée, de droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Favières, ce moyen n'ayant pas été invoqué devant les premiers juges ;

- la modification du plan d'occupation des sols de la commune de Favières au cours de l'année 2000 n'a pas concerné la zone à l'intérieure de laquelle se situe la parcelle en litige, de sorte que cette parcelle pouvait être préemptée sans qu'il soit nécessaire d'adopter une nouvelle délibération instituant le droit de préemption urbain ;

- le recours au droit de préemption est justifié en l'espèce au regard des dispositions de l'article

L. 300-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il a pour objet de lutter contre la baisse de la population communale en offrant à tous les acquéreurs potentiels des lots de terrains à bâtir ;

- la décision attaquée est suffisamment motivée, en ce qu'elle fait référence à la baisse de la population de la commune depuis 1968, au manque de terrains à bâtir et à la vente de tous les lots du précédent lotissement réalisé par la commune ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2008, présenté pour la commune de Favières, représentée par son Maire en exercice, à ce dûment habilité, par Me Lebon ; la commune de Favières conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- à titre principal, que la requête est irrecevable, faute pour M. Y d'avoir joint à sa requête une copie du jugement qu'il conteste ;

à titre subsidiaire :

- que le moyen tiré par M. Y de la prétendue inexistence du droit de préemption doit être écarté comme nouveau en appel ;

- que, en tout état de cause, la zone 1 NA à laquelle appartient la parcelle préemptée restait soumise au droit de préemption urbain institué précédemment, sans que la modification du plan d'occupation des sols intervenue le 26 mai 2000, qui ne concernait pas cette parcelle, nécessite l'adoption d'une nouvelle délibération fixant le périmètre du droit de préemption urbain;

- qu'elle a parfaitement motivé et justifié son recours au droit de préemption urbain au regard des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- les observations de Me Larère, avocat de la commune de Favières et de Me Lime-Jacques, avocat de l'établissement public foncier de Lorraine ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Favières :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requête de M. Y enregistrée au greffe de la Cour était accompagnée d'une copie du jugement attaqué, conformément aux dispositions précitées ; que, par suite, doit être écartée la fin de non-recevoir opposée à titre principal par la commune de Favières et tirée de la méconnaissance de ces dispositions ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de préemption du 22 septembre 2006 :

- En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de base légale :

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la commune de Favières et l'établissement public foncier de Lorraine, M. Y est recevable à invoquer pour la première fois en appel un moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée, dès lors que ce moyen ne se rattache pas à une cause juridique distincte de celles qui fondaient sa demande devant les premiers juges ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : «Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...)» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 23 septembre 1994, le conseil municipal de la commune de Favières a modifié le périmètre du droit de préemption urbain qu'il avait institué par délibération du 27 octobre 1989, afin que ce droit puisse être exercé sur l'ensemble des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par le plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 27 octobre 1989 et modifié le 25 février 1994 ; que si, par délibération du 26 mai 2000, le conseil municipal de la commune de Favières a de nouveau modifié le plan d'occupation des sols de la commune, il ressort des pièces du dossier que cette délibération n'a pas eu pour effet de modifier le classement de la parcelle cadastrée ..., qui est demeurée en zone 1 NA, d'urbanisation future ; que, dès lors, cette parcelle pouvait légalement faire l'objet d'une décision de préemption sur le fondement de la délibération du 27 octobre 1989 instituant un droit de préemption urbain, telle que modifiée par la délibération du 23 septembre 1994 ;

- En ce qui concerne les moyens relatifs à l'application des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : «Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l'article L. 300-1 (...). / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...)» et qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : «Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat (...)» ; qu'il résulte des dispositions précitées que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan d'occupation des sols de la commune de Favières, ainsi que de l'acquisition amiable par celle-ci en 1998 d'un terrain qu'elle a loti en vue de la construction de bâtiments à usage d'habitation, opération qu'elle a réalisé en deux phases au cours des années 2000 à 2006, que ladite commune menait depuis plusieurs années à la date de la décision attaquée une politique destinée à accroître la population communale, en réalisant l'urbanisation sous forme de lotissements des terrains classés en zone 1 NA au plan d'occupation des sols ; que l'acquisition par la commune de Favières de la parcelle cadastrée ..., qui se situe dans cette zone, en vue d'y créer un nouveau lotissement de 3 parcelles, s'inscrit dans le cadre de cette politique, qui relève de la politique de l'habitat ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la commune de Favières ne justifiait pas, à la date de la décision contestée, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme doivent être écartés ;

Considérant, en second lieu, que si M. Y, qui reprend son argumentation de première instance à l'appui de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision de préemption contestée, fait en outre valoir que certaines parcelles du lotissement créé par la commune de Favières sur le terrain qu'elle a acheté en 1998 n'avaient pas encore trouvé un acquéreur à la date de ladite décision, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur de droit en écartant ledit moyen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 septembre 2006 par laquelle le Maire de la commune de Favières a décidé de préempter la parcelle cadastrée ... dont il s'était porté acquéreur ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Favières, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ; que, en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner

M. Y, sur le fondement des mêmes dispositions, à verser une somme de 800 euros chacun à la commune de Favières et à l'établissement public foncier de Lorraine ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : M. Y versera à la commune de Favières et à l'établissement public foncier de Lorraine une somme de 800 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre Y, à la commune de Favières, à

Mme Claudine X et à l'établissement public foncier de Lorraine.

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08NC00704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00704
Date de la décision : 04/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : WISNIEWSKI VAISSIER-CATARAME

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-02-04;08nc00704 ?
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