La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2009 | FRANCE | N°07NC01799

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 janvier 2009, 07NC01799


Vu le recours, enregistré le 21 décembre 2007, du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600948 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à la commune d'Audincourt une indemnité d'un montant de 91 888, 51 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi au cours de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 du fait du transfert illégal par l'Etat à ses services de la gestion des demandes de passeports et des cartes nation

ales d'identité à la suite de l'intervention des décrets n° 99-973 du...

Vu le recours, enregistré le 21 décembre 2007, du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600948 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à la commune d'Audincourt une indemnité d'un montant de 91 888, 51 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi au cours de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 du fait du transfert illégal par l'Etat à ses services de la gestion des demandes de passeports et des cartes nationales d'identité à la suite de l'intervention des décrets n° 99-973 du 25 novembre 1999 et n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

2°) de réduire le montant de l'indemnité accordée à la commune d'Audincourt ;

Il soutient que :

- il n'y a pas de lien certain de causalité entre la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat et le préjudice allégué ;

- en tout état de cause, l'indemnité accordée au titre du préjudice allégué résultant de l'augmentation des charges de personnel doit être réduite de manière très significative, compte tenu du fait que le temps moyen de traitement d'une demande de document d'identité par un agent municipal peut être évalué au maximum à 16 minutes et est en moyenne de 12 minutes lorsque cette demande est traitée dans les services de l'Etat, de sorte que, compte tenu du nombre de demandes traitées par les services de la commune d'Audincourt, il convient d'estimer sur la base de 370 heures par an et d'un maximum d'un quart d'un emploi d'agent administratif à temps plein le préjudice en cause, alors que les premiers juges l'ont évalué à tort sur la base d'un emploi d'agent administratif à temps plein ;

- il convient de retenir comme coût moyen annuel d'un agent de catégorie C la somme de 20 710 euros ;

- au surplus, les préjudices allégués par la commune ont été compensés, d'une part, par l'intervention du décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification administrative et suppression de la fiche d'état civil, qui a sensiblement allégé les tâches administratives des maires agissant en tant qu'agents de l'Etat et, d'autre part, par les dotations financières versées par l'Etat, telles que la dotation globale de fonctionnement et la dotation de solidarité urbaine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2008, présenté pour la commune d'Audincourt, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, par Me Dufay ; la commune d'Audincourt conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le ministre ne conteste pas l'engagement de la responsabilité de l'Etat ;

- le temps moyen de traitement d'une demande de titre d'identité par les agents de la commune d'Audincourt varie entre 25 et 30 minutes au titre du traitement de la demande elle-même et des tâches indirectes, dont la réponse aux demandes de renseignement formulées par les usagers et il convient également de majorer le coût des frais de personnel de 15 % au titre des frais généraux induits par les nouvelles tâches assumées par la commune à la place des services de l'Etat ;

- les charges de personnel transférées illégalement à la commune n'ont fait l'objet d'aucune véritable compensation de la part de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

Vu le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 ;

Vu le décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

Vu la décision du Conseil d'Etat n° 232888 du 5 janvier 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2008 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- les observations de Me Dufay, avocat de la commune d'Audincourt ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 8 novembre 2007, le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à la commune d'Audincourt une indemnité d'un montant de 91. 888, 51 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'appliquer au cours de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 les dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 susvisé et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 susvisé, qui ont eu pour effet d'imposer indirectement aux communes des dépenses, antérieurement à la charge de l'Etat, concernant la gestion des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports, alors que le pouvoir réglementaire n'était pas, eu égard aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, compétent pour édicter ces dispositions ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, qui ne conteste pas l'existence d'illégalités fautives de nature à engager la responsabilité de l'Etat, conteste en revanche l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et le préjudice allégué par la commune d'Audincourt et demande en appel la réduction du montant des indemnités mises à la charge de l'Etat ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il est constant que la commune d'Audincourt a créé par délibération du conseil municipal en date du 28 juin 2001 un emploi budgétaire d'agent administratif à temps non complet, qui a été pourvu par un arrêté du maire de cette commune procédant à la nomination d'un agent dans cet emploi à compter du 1er septembre 2001 ; qu'il est également constant que cet agent a été affecté au service « accueil / état civil » de la commune, où il a notamment été chargé de la gestion des demandes de titres d'identité ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre, il n'est pas établi que les coûts induits par la gestion de ces demandes de titres aient été compensés soit par la suppression de la fiche d'état civil opérée par le décret n°2000-1277 du 26 décembre 2000 et dont le ministre ne précise pas les incidences financières pour la commune d'Audincourt, soit par le versement par l'Etat de compléments de dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation de solidarité urbaine, alors qu'il ne résulte pas des articles L. 2334-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, qui définissent le régime de liquidation et d'actualisation de ces dotations, que de nouveaux critères de calcul auraient été introduits afin de compenser les charges induites pour les communes par la gestion matérielle des demandes de documents d'identité ; qu'ainsi, le préjudice dont se prévaut la commune d'Audincourt, portant sur les charges de personnel inhérentes à la gestion par les services de la commune des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité, résulte de manière directe et certaine de l'illégalité des décrets litigieux ;

Considérant que si, par la décision susvisée du 5 janvier 2005, le Conseil d'Etat a annulé le premier alinéa de l'article 7 du décret susvisé du 26 février 2001, qui confie aux maires la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur sont adressés par ces derniers, il est constant que la commune d'Audincourt a continué postérieurement à l'intervention de cette décision à assumer l'ensemble de ces tâches de gestion pour le compte de l'Etat, qui est donc également tenu d'indemniser la commune des dépenses qu'elle justifie avoir exposées après le 5 janvier 2005, alors qu'aucune disposition législative n'est intervenue pour imposer de telles dépenses aux communes conformément aux dispositions de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que, par une attestation en date du 12 avril 2007, l'agent chargé, au sein du service « accueil / état civil » de la commune d'Audincourt, de la gestion des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité, a déclaré consacrer « une partie essentielle » de son temps de travail à cette tâche ; que, sur la base d'un temps moyen de traitement d'une demande de document d'identité par cet agent estimé à 25 minutes, et compte tenu du nombre de demandes traitées par celui-ci au cours des années 2002 à 2005, qui n'est pas contesté par le ministre, la commune d'Audincourt évalue respectivement à 777,5 heures, 834,2 heures, 777,1 heures et 715,4 heures le temps consacré par cet agent à la gestion de ces demandes, soit respectivement 48,59 %, 52, 14 %, 48,57% et 44,52 % de son temps de travail annuel au cours de chacune des quatre années en litige ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES fait valoir, en reprenant son argumentation de première instance, que le temps moyen de traitement d'une demande de document d'identité par un agent municipal peut être estimé au maximum à 16 minutes et est de 12 minutes lorsque cette demande est traitée dans les services de l'Etat et soutient que, dans ces conditions, il convient d'évaluer sur la base de 370 heures par an et d'un quart au maximum d'un emploi d'agent administratif à temps plein le préjudice afférent aux charges de personnel supportées par la commune d'Audincourt ; que, toutefois, le temps moyen de traitement de 25 minutes estimé par la commune d'Audincourt n'apparaît pas excessif compte tenu de l'ensemble des tâches confiées à l'agent en cause, à savoir la vérification du caractère complet du dossier, l'enregistrement du dossier dans un logiciel spécifique et les réponses aux demandes des usagers ; qu'il y a donc lieu d'évaluer le préjudice de ladite commune sur la base du nombre d'heures qu'elle indique pour chacune des années en cause, correspondant au temps effectivement consacré par l'agent à la gestion des demandes de titres d'identité, et non sur la base de la totalité du temps de travail annuel de cet agent, comme l'a fait le Tribunal administratif de Besançon, qui a jugé à tort que celui-ci n'était pas affecté à d'autres tâches ;

Considérant que si le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande que le coût moyen annuel de l'agent en cause soit évalué à 20.710 euros, il ressort du certificat établi le 21 août 2007 par le maire de la commune d'Audincourt que le coût annuel de cet agent a été respectivement de 21 167,85 euros, 22 194,23 euros, 24 704,42 euros et 24 925,65 euros au cours des années 2002 à 2005 en litige ; que, compte tenu de la part de son temps de travail annuel consacrée par cet agent à la gestion des demandes de titre d'identité au cours de chacune des quatre années en cause, les charges de personnel y afférentes doivent être évaluées pour l'ensemble de cette période à la somme de 44 953,37 euros ; que, si la commune d'Audincourt soutient qu'il y a lieu de majorer de 15 % le montant des charges de personnel qu'elle a supportées, pour tenir compte des frais généraux induits par les tâches de gestion des demandes de titres d'identité, elle ne fournit aucun élément de nature à justifier cette majoration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est seulement fondé à demander que l'indemnité d'un montant de 91 888, 51 euros que l'Etat a été condamné par le Tribunal administratif de Besançon à verser à la commune d'Audincourt pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005 soit ramenée à 44 953,37 euros ; que le jugement attaqué doit donc être réformé en ce sens ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Audincourt demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité d'un montant de 91 888,51 euros que l'Etat a été condamné à verser à la commune d'Audincourt est ramenée à 44 953,37 euros (quarante-quatre mille neuf cent cinquante-trois euros et trente-sept centimes).

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 8 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à la commune d'Audincourt.

2

N° 07NC01799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01799
Date de la décision : 22/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-01-22;07nc01799 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award