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08/01/2009 | FRANCE | N°07NC00493

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2009, 07NC00493


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2007 et complétée par mémoire enregistré le 3 novembre 2008, présentée pour M. Pierre-Laurent X, demeurant ..., par Me Escalé ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501658 du 6 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Briey à l'indemniser des pertes de loyers qu'il a subies suite à la réalisation d'une placette jouxtant son habitation située ... ;

2°) de condamner la commune de Briey à lui payer une somme de 38 112,25

€ en réparation de son préjudice, portant intérêts au taux légal à compter du 2...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2007 et complétée par mémoire enregistré le 3 novembre 2008, présentée pour M. Pierre-Laurent X, demeurant ..., par Me Escalé ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501658 du 6 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Briey à l'indemniser des pertes de loyers qu'il a subies suite à la réalisation d'une placette jouxtant son habitation située ... ;

2°) de condamner la commune de Briey à lui payer une somme de 38 112,25 € en réparation de son préjudice, portant intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1999, date de dépôt du rapport d'expertise, et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Briey une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- des fautes grossières ont été commises lors de la démolition de l'ancien cinéma en 1993, qui sont à l'origine de l'insalubrité de son immeuble ; lors de son acquisition, l'immeuble ne présentait aucun désordre ; il a été mis en location ;

- la commune de Briey connaissait l'origine des désordres ; elle a tardé à réagir ; la commune de Briey a acquis l'immeuble pour une somme de 25 620 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 26 août et 6 novembre 2008, présentés pour la commune de Briey par la société d'avocats Cossalter et De Zolt, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 € soit mise à la charge de M. X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de négligences fautives dans la conception ou l'exécution des travaux de démolition du cinéma ;

- M. X n'a pas entretenu son bien ; un constat d'huissier réalisé le 19 septembre 2000 en atteste ; l'immeuble a fait l'objet d'un procès verbal provisoire puis d'un procès verbal définitif d'abandon manifeste au cours de l'année 2003 ; une procédure d'expropriation a été engagée ; les pertes de loyers n'ont pas pour origine les infiltrations d'eau auxquelles d'ailleurs l'appelant n'a jamais cherché à mettre fin ;

- elle a entrepris des travaux visant à mettre fin aux désordres (drainage de la placette et couverture par un auvent du mur pignon), qui ont été achevés en janvier 2001 ; en tout état de cause, elle ne peut être responsable du préjudice invoqué à compter de cette date ;

- les prétentions indemnitaires de M. X ne sont pas justifiées ; à la date d'apparition des désordres, rien ne dit que le bien était loué ou que, dans cette hypothèse, le départ du locataire aurait été motivé par les infiltrations ; le rapport d'expertise qui se borne à reprendre les dires de M. X et qui comprend de nombreuses contradictions n'est étayé par aucun élément probant ;

- à titre subsidiaire, les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la demande introductive d'instance et non de la date de dépôt du rapport d'expertise ;

Vu l'ordonnance en date du 28 octobre 2008 du Président de la Cour portant clôture de l'instruction au 17 novembre 2008 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les observations de Me Cossalter, avocat de la commune de Briey,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par le président du tribunal administratif, qu'en vue de réaliser une place publique, la commune de Briey a entrepris en 1993 la démolition de l'ancien cinéma jouxtant l'immeuble de M. X, situé ..., mettant ainsi à nu l'ancien mur mitoyen ; que cette opération, laquelle constitue un travail public, a provoqué dès 1996 des infiltrations dégradant le rez-de-chaussée et le premier étage de l'habitation de M. X, la commune intimée n'engageant des travaux susceptibles de remédier aux désordres qu'en 2000 dans le cadre de la « requalification » du site de l'ancien cinéma ; que ces dommages sont de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune vis-à-vis de l'intéressé, qui a la qualité de tiers par rapport aux travaux publics en cause ; que, toutefois, en l'absence de traitement d'étanchéité de la partie « à découvert » du mur pignon qui n'était recouverte que d'un enduit rustique et en l'absence de pose d'une bande de rive ou de tuiles entre le mur pignon et la toiture empêchant la pénétration de l'eau, l'appelant doit aussi être regardé, du fait de son inaction, comme partiellement à l'origine de l'humidité qui a affecté sa propriété ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que la négligence du requérant est de nature à atténuer la responsabilité de la commune à concurrence de la moitié des conséquences dommageables des désordres ; qu'ainsi, M. X est fondé à soutenir que la commune de Briey doit être condamnée à réparer la moitié des préjudices qu'il a subis de 1996, date d'apparition des désordres, à janvier 2001, date à laquelle les travaux de réhabilitation de la place publique ont été achevés ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations de revenus remplies par M. X au titre des années 1995 à 1997, que l'immeuble situé ... n'a été loué que jusqu'au mois d'octobre 1996 ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'à compter de cette date, il n'a plus été loué en raison de son état d'insalubrité croissante ; que, dès lors que le bail ayant lié l'appelant à son locataire n'est pas davantage produit en appel qu'en première instance, il sera fait une juste appréciation des pertes de loyers subies par M. X au cours de la période de responsabilité sus-définie en les évaluant à 12 000 € ; qu'eu égard au partage de responsabilité retenu ci-dessus, la commune de Briey doit être condamnée à payer à M. X une somme de 6 000 € ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de la commune de Briey à lui verser une somme de 6 000 € en réparation des pertes de loyers qu'il a subies ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 7 500 € à compter du 24 juin 2005, date de la demande préalable d'indemnités et non, contrairement à ce qu'il soutient, à compter du 29 novembre 1999, date de dépôt du rapport d'expertise ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière » ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X a demandé dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 10 avril 2007 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Briey une somme de 500 € au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la M. X, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Briey au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nancy en date du 6 février 2007 est annulé.

Article 2 : La commune de Briey est condamnée à payer à M. X une somme de 6 000 € (six mille euros). Cette somme portera intérêts légaux à compter du 24 juin 2005. Les intérêts échus à la date du 10 avril 2007, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Briey versera à M. X une somme de 500 € (cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté, ainsi que les conclusions de la commune de Briey tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre-Laurent X et à la commune de Briey.

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N°07NC00493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00493
Date de la décision : 08/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ESCALE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-01-08;07nc00493 ?
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