Vu le recours, enregistré le 21 décembre 2007, complété par un mémoire enregistré le 18 novembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502383 du 31 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a déchargé Mlle X des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;
2°) de remettre lesdites impositions à la charge de Mlle X ;
Il soutient que :
- Mlle X a été mise à même d'engager une discussion avec l'administration et elle n'a ainsi été privée d'aucune garantie légale liée à la procédure contradictoire ;
- un éventuel vice dans la procédure conduite à l'égard de la SCI Alliance Stanislas resterait sans incidence sur la régularité de la procédure dont résultent les impositions en litige ;
- en tout état de cause, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la procédure conduite à l'égard de la SCI Alliance Stanislas a été régulière dès lors que la réponse faite par l'administration aux observations de cette SCI, à la suite de la notification de redressement, a bien été notifiée au représentant légal de cette société, qui a été régulièrement avisé de la mise en instance du pli contenant cette réponse, ainsi que l'atteste le responsable de la distribution du courrier du bureau de poste de Faulquemont dans un courrier adressé le 28 avril 2006 à l'administration fiscale ;
- aucun des autres moyens invoqués par Mlle X devant le tribunal n'était de nature à justifier la décharge des impositions litigieuses ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2008, présenté pour Melle X, par Me Le Bec, qui conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une notification régulière à la SCI Alliance Stanislas de la réponse faite par l'administration aux observations de ce contribuable, ce qui vicie radicalement la procédure dont sont issues les impositions en litige dès lors que, l'administration ayant reconnu que la procédure de redressement menée à son encontre a été effectuée par référence à celle suivie à l'encontre de la SCI, elle peut directement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure suivie à l'égard de cette dernière ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :
Considérant que les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que d'après l'article 60 de ce code, les sociétés de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels ; qu'en vertu de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la procédure de redressement contradictoire des bénéfices d'une société de personnes n'est suivie qu'avec cette société, l'administration ayant seulement l'obligation de notifier à chacun des membres de la société, à proportion de ses droits, sa quote-part des rehaussements des bénéfices ; que la notification de redressement adressée à la société implique directement certains effets pour l'imposition personnelle des associés, tels que l'interruption du délai de prescription à leur égard ou l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des redressements auxquels la société aurait acquiescé ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, Mlle X peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été personnellement assujettie, l'irrégularité de la procédure de rectification des résultats fonciers de la SCI Alliance Stanislas, qui fonde les cotisations supplémentaires en litige ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales :
« ... lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. (...) » et qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. » ;
Considérant qu'en cas de retour à l'administration fiscale du pli recommandé contenant sa réponse aux observations du contribuable, avec la mention « non réclamé », il incombe à celle-ci d'établir que le préposé de la Poste a délivré, conformément à la réglementation postale en vigueur, un avis de passage prévenant le destinataire de ce que ce pli est à sa disposition au bureau de poste ; que cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur les documents retournés à l'administration, soit, à défaut, d'une attestation délivrée par les services postaux ou de tous autres éléments établissant la délivrance d'un avis de passage ;
Considérant qu'il résulte de la réglementation postale en vigueur à la date de la présentation du pli contenant la réponse de l'administration fiscale, datée du 16 février 2005, aux observations de la SCI Alliance Stanislas, qu'en cas d'absence du destinataire, le facteur doit, en premier lieu, porter la date de présentation sur le feuillet « preuve de distribution » de la liasse postale, cette date se dupliquant sur les autres volets, à savoir l'avis de passage et l'avis de réception, en deuxième lieu, détacher l'avis de passage en y mentionnant le motif de non-distribution, le nom et l'adresse du bureau d'instance ainsi que la date et l'heure à partir desquelles le pli peut y être retiré, en troisième lieu, déposer l'avis dûment complété dans la boîte aux lettres du destinataire, enfin porter sur l'enveloppe le motif de non-remise ainsi que le nom et l'adresse du bureau d'instance ;
Considérant que, compte tenu des modalités susrappelées d'organisation de la délivrance des plis recommandés, doit être regardé comme pourvu de mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve requise, le pli recommandé retourné au service accompagné de sa liasse postale, lorsque, d'une part, cette dernière ne contient plus que le volet « avis de réception », sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de la vaine présentation du pli et que, d'autre part, l'enveloppe comporte l'indication du motif de non-remise du pli ainsi que le nom et l'adresse du bureau d'instance, une telle production attestant que, conformément à la réglementation postale, le facteur a détaché le volet « avis de passage » de la liasse pour le déposer, après l'avoir dûment complété, dans la boîte aux lettres du destinataire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le feuillet « preuve de distribution » de la liasse postale apposée sur le pli adressé par l'administration fiscale le 17 février 2005 à
M. Richard X, en sa qualité de gérant de la SCI Alliance Stanislas, ne mentionne pas la date de présentation de ce pli au domicile de l'intéressé, qui ne figure pas davantage sur le volet « avis de réception » ; que l'enveloppe contenant ce pli ne comporte pas l'indication du motif de non-remise ; que, si la liasse postale ne comporte plus le volet « avis de passage », cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à établir que cet avis a été distribué dans la boîte aux lettres du contribuable ; que, par ailleurs, si les mentions manuscrites figurant sur une étiquette apposée sur le pli litigieux, qui sont d'ailleurs entachées d'une erreur de plume quant à l'année qui y est mentionnée, indiquent que le destinataire a été avisé le 18 février de la mise à disposition du pli à l'agence postale communale de Teting jusqu'au 5 mars suivant, ces mentions sont contredites par le courrier adressé le 15 décembre 2005 à M. Richard X par le responsable de la distribution du courrier du bureau de poste de Faulquemont, qui indique que la liasse postale apposée sur le pli litigieux contenait encore, à son retour au bureau de poste, l'avis de passage qui aurait du l'aviser de la mise en instance du pli, erreur qu'il impute au « recours à de la main d'oeuvre peu qualifiée lors du remplacement du titulaire de la tournée » ; que, si ce même responsable, saisi par l'administration fiscale, a adressé à celle-ci un courrier daté du
28 avril 2006 dans lequel il indique confirmer la date du 18 février 2005 comme date de dépôt de l'avis de passage, cette attestation non circonstanciée n'est pas de nature à remettre en cause le caractère probant des indications qu'il avait données dans son précédent courrier du
15 décembre 2005 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'administration ne peut être regardée comme établissant de façon certaine le dépôt par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant M. Richard X, en sa qualité de gérant la SCI Alliance Stanislas, de la mise en instance du pli contenant la réponse de l'administration aux observations de ce contribuable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a déchargé Mme X des impositions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mlle X une somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à Mlle Sandrine X.
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N° 07NC01797