La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2008 | FRANCE | N°07NC00892

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 octobre 2008, 07NC00892


Vu I) la requête enregistrée le 11 juillet 2007, complétée par mémoire complémentaire enregistré le 26 septembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE WARCQ, représentée par son maire dûment habilité à cet effet, par la SCP d'avocats Huglo - Lepage et associés, avocats à la Cour ; la COMMUNE DE WARCQ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401854 du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes, en date du 7 octobre 2004, portant création de la commun

auté d'agglomération de Charleville-Mézières ;

2°) d'annuler l'arrêté sus-ment...

Vu I) la requête enregistrée le 11 juillet 2007, complétée par mémoire complémentaire enregistré le 26 septembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE WARCQ, représentée par son maire dûment habilité à cet effet, par la SCP d'avocats Huglo - Lepage et associés, avocats à la Cour ; la COMMUNE DE WARCQ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401854 du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes, en date du 7 octobre 2004, portant création de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ;

2°) d'annuler l'arrêté sus-mentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur les moyens tirés du détournement de procédure et de la violation du principe de libre administration des collectivités locales ;

- l'arrêté en cause est entaché d'illégalité externe, en raison de l'information insuffisante donnée aux communes concernées et de l'absence de consultation préalable des conseils municipaux sur les transferts de compétences optionnelles et sur l'affectation des personnels ;

- l'arrêté en cause est entaché de détournement de procédure car l'unique finalité de la création de cette intercommunalité est de remédier aux difficultés de la ville chef-lieu et non l'existence d'un projet commun qui, seul, peut justifier la création d'un espace de solidarité ;

- l'arrêté viole le principe de libre administration et d'indépendance des collectivités locales puisqu'il intègre de force dans le périmètre de la communauté d'agglomération plusieurs communes, dont elle-même ;

- le préfet des Ardennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en intégrant dans un espace urbain la COMMUNE DE WARCQ qui a une vocation rurale ;

- le périmètre limité à huit communes n'est pas cohérent et a uniquement été retenu en raison de l'opposition des autres communes rurales du secteur qui empêchait la création de la communauté d'agglomération voulue à l'origine et comportant douze communes ;

- la COMMUNE DE WARCQ a été, de ce fait, privée de la capacité de rejoindre l'agglomération des autres communes de Plaines et Forêts de l'Ouest Ardennais avec lesquelles elle a un projet commun de développement ;

Vu, enregistré le 31 mars 2008, le mémoire en intervention présenté pour la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes en date du 7 mars 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu II) la requête enregistrée le 25 juillet 2007, présentée pour la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE, représentée par son maire, dûment habilité à cet effet, par Me Vital-Durand, du cabinet d'avocats Gide - Loyrette - Nouel, avocats à la Cour de Paris ; la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0401980, en date du 16 mai 2007, par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes en date du 7 octobre 2004 portant création de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ;

2) d'annuler l'arrêté sus-mentionné ;

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté en cause est entaché d'illégalité externe, en raison de l'information insuffisante donnée aux conseils municipaux des communes concernées ;

- le préfet des Ardennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant un périmètre dépourvu de cohérence, au sein duquel elle n'a aucun projet de développement commun avec la ville-centre qui est, en définitive, l'unique bénéficiaire de l'opération ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 27 septembre 2007, le mémoire en intervention présenté pour la COMMUNE DE WARCQ, tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux et à l'allocation de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 28 septembre 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui conclut au rejet des requêtes aux motifs que :

- les conseils municipaux des communes concernées ont disposé des informations exigées par les dispositions de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales ;

- la consultation des conseils municipaux sur l'étendue des compétences transférées et sur les conditions d'affectation du personnel n'intervient que postérieurement à l'arrêté de création de l'établissement public de coopération intercommunale ;

- l'arrêté en cause n'est pas entaché de détournement de procédure et répond à la nécessité de créer un espace solidaire de développement cohérent et planifié ;

- l'intégration forcée d'une commune est prévue par les dispositions législatives et ne peut donc être regardée comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités locales ;

- le périmètre retenu est pertinent, dans la mesure où il correspond à l'unité urbaine de l'agglomération de Charleville-Mézières ;

- la circonstance qu'une communauté plus vaste ait été envisagée n'enlève pas au périmètre retenu en définitive sa cohérence, puisqu'il regroupe l'ensemble des communes limitrophes de Charleville-Mézières ;

- les COMMUNES DE WARCQ et DE VILLERS-SEMEUSE se situent dans la sphère d'attraction économique et sociale de Charleville-Mézières ;

Vu, enregistrés les 3, 6 et 7 décembre 2007, les mémoires en intervention présentés par les communes d'Aiglemont, Nouzonville, Prix-les-Mazières, La Francheville, représentées par leurs maires respectifs, qui concluent au rejet des requêtes, aux motifs que :

- les conseils municipaux qui ont été appelés à délibérer sur le principe et sur les modalités de la création de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ont été régulièrement et suffisamment informés ;

- le périmètre retenu est pertinent et correspond à l'unité urbaine au sens de l'INSEE ;

- les relations entre les communes concernées qui se trouvent dans le bassin d'emplois et la zone d'influence de Charleville-Mézières sont fortes, anciennes et permanentes dans tous les domaines ;

- la cohérence du développement de cette aire urbaine et le renforcement de son attractivité commandent une coopération renforcée entre les communes qui la composent ;

Vu, enregistré le 28 avril 2008, le mémoire en défense présenté pour la commune de Charleville-Mézières, représentée par son maire dûment habilité à cet effet, par Me Pugeault, avocat au barreau de Reims, qui conclut au rejet des requêtes, aux motifs que :

- le fait de ne pas répondre à des moyens inopérants n'entraîne pas l'irrégularité du jugement attaqué ;

- l'information des conseils municipaux a été régulière et suffisante ;

- l'arrêté de création d'un établissement public de coopération intercommunale n'a pas à être précédé d'une délibération spécifique sur les conditions financières et patrimoniales du transfert des compétences, ni sur les transferts de personnel ;

- le moyen tiré de la violation du principe de libre administration des collectivités locales est inopérant ;

- les COMMUNES DE WARCQ et DE VILLERS-SEMEUSE appartiennent à l'aire urbaine de Charleville-Mézières et partagent l'ensemble des équipements qui s'y trouvent ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Mazzega, présidente de chambre,

- les observations de Me Berthelon, avocat de la COMMUNE DE WARCQ, et de Me Vital-Durand, avocat de la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes présentées par les COMMUNES DE WARCQ et DE VILLERS-SEMEUSE sont dirigées contre le même arrêté et présentent à juger des questions identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur les interventions :

Considérant que les communes d'Aiglemont, Nouzonville, Prix-les-Mézières, et La Francheville ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; que leur intervention est recevable ;

Considérant que, dans l'instance 07NC00892, la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE, qui a d'ailleurs présenté des conclusions séparées dans ce sens, a intérêt à l'annulation de l'arrêté litigieux ; que son intervention est recevable ; que, de même, dans l'instance 07NC01000, la COMMUNE DE WARCQ a intérêt à l'annulation de l'arrêté litigieux, que son intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement n° 0401854 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que la COMMUNE DE WARCQ avait soulevé devant ce dernier un moyen tiré du détournement de procédure et un moyen tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités locales entachant l'arrêté du préfet des Ardennes, en date du 7 octobre 2004, portant création de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ces moyens qui n'étaient pas inopérants ; que son jugement est ainsi entaché d'omission à statuer et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la COMMUNE DE WARCQ devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ainsi que sur la requête de la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 5211-5-II, la création d'un établissement public intercommunal peut être décidée par le préfet « après accord des conseils municipaux des communes intéressées sur l'arrêté dressant la liste des communes » ; que ces dispositions impliquent seulement de mettre les conseils municipaux des communes intéressées en mesure de se prononcer sur le principe de leur adhésion à la communauté, sur les compétences à lui transférer et sur le nombre et la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant de la future communauté ; qu'est, dès lors, inopérant le moyen tiré de ce que les conseils municipaux auraient dû en plus disposer d'informations sur les conséquences financières et patrimoniales du transfert des compétences à l'établissement public intercommunal ;

Considérant, en second lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet d'inviter les communes incluses dans le périmètre d'une communauté à délibérer, avant la création de la communauté d'agglomération, sur les conditions financières et patrimoniales du transfert des compétences concernant le développement économique et la création de ZAC, ni sur les transferts de personnels ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : « La communauté d'agglomération est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. Le seuil démographique de 15 000 habitants ne s'applique pas lorsque la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département... Ces communes s'associent au sein d'un espace de solidarité, en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au regard de la cohérence spatiale et économique nécessaire à la mise en oeuvre des compétences dévolues par la loi à la communauté d'agglomération, le préfet des Ardennes ait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la vocation des communes situées dans l'agglomération de Charleville-Mézières à constituer ensemble un espace de solidarité en vue de l'élaboration d'un projet commun de développement, conformément au principe énoncé par l'article L. 5216-1 précité ; qu'en effet, le périmètre retenu regroupe les communes de la conurbation carolomacérienne entretenant avec la commune centre des liens essentiels de nature économique, culturelle, d'éducation, de santé et de loisirs ; que la circonstance que la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE possédait déjà l'ensemble des compétences transférées et aurait des objectifs différents de ceux de la commune centre n'est pas non plus de nature à établir, par elle-même, une erreur manifeste d'appréciation dans la création de la communauté d'agglomération ;

Considérant, en second lieu, que ni l'existence d'un projet de regroupement intercommunal plus vaste qui n'a pu aboutir en raison de l'opposition de certaines communes ni l'intérêt prépondérant que constitue, pour la commune chef-lieu, la création de cette communauté d'agglomération, ne révèlent un détournement de procédure ;

Considérant, enfin, que si le fait pour un arrêté portant création d'une communauté d'agglomération d'y inclure des communes sans que celles-ci aient donné leur assentiment affecte la libre administration des collectivités territoriales, un tel principe ne peut être regardé comme méconnu lorsque, comme en l'espèce, la décision de création de cette communauté d'agglomération est légalement intervenue ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les COMMUNES DE WARCQ et DE VILLERS-SEMEUSE ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes en date du 7 octobre 2004 portant création de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 0401854 en date du 16 mai 2007 est annulé.

Article 2 : Les requêtes de la COMMUNE DE WARCQ et de la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE sont rejetées, ainsi que les demandes de la COMMUNE DE WARCQ et de la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE WARCQ, à la COMMUNE DE VILLERS-SEMEUSE, à la commune de Charleville-Mézières, à la commune d'Aiglemont, à la commune de La Francheville, à la commune de Montcy-Notre-Dame, à la commune de Nouzonville, à la commune de Prix-les-Mézières et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

2

N° 07NC00892, 07NC01000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00892
Date de la décision : 30/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Danièle MAZZEGA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE et ASSOCIÉS - SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-10-30;07nc00892 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award