La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2008 | FRANCE | N°07NC00355

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 octobre 2008, 07NC00355


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2007, présentée pour la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE, dont le siège est 1 rue de Rosheim à Schiltigheim (67300), représentée par son président national, par Me Paul-Henri Schach, avocat au barreau de Strasbourg ; la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501944 en date du 22 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saulxures à lui verser la somme de 161 846,07 € en réparation du préjudice qu'elle imp

ute à l'exercice illégal du droit de préemption par ladite commune ;

2°)...

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2007, présentée pour la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE, dont le siège est 1 rue de Rosheim à Schiltigheim (67300), représentée par son président national, par Me Paul-Henri Schach, avocat au barreau de Strasbourg ; la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501944 en date du 22 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saulxures à lui verser la somme de 161 846,07 € en réparation du préjudice qu'elle impute à l'exercice illégal du droit de préemption par ladite commune ;

2°) de condamner la commune de Saulxures à lui verser la somme de 145 523,48 € avec les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2004 ;

3°) de remettre à la charge de la commune la somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'illégalité fautive entachant la délibération du 5 août 2002 du conseil municipal de Saulxures décidant de préempter sa propriété dénommée « Manoir de Bénaville » lui ouvre droit à indemnité, ainsi que l'a admis la commune elle-même ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le préjudice invoqué, tenant au retard avec lequel elle a perçu le montant de l'aliénation invoqué de son bien et aux frais de personnel et d'entretien qu'elle a exposés jusqu'au paiement intégral du prix de vente ne présentait pas un caractère certain ;

- l'antériorité de la vente à l'acquéreur évincé par rapport à la vente à la commune est établie ;

- son préjudice est constitué par la privation des intérêts de la somme correspondant à la vente qu'elle aurait pu percevoir entre le 11 août 2002 et le 14 avril 2003, date de paiement par la commune, ainsi que par le montant des frais de gardiennage, d'entretien et de personnel, qu'elle a dû assumer jusqu'à cette date ;

- elle a également subi un préjudice moral du fait de l'impossibilité de mener à bien le projet initial d'accueil d'enfants de la communauté turque auquel la commune s'est opposée en exerçant son droit de préemption ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 13 avril 2007, le mémoire en défense présenté pour la commune de Saulxures, par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, avocats au barreau de Strasbourg, qui conclut au rejet de la requête et demande la somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

- la délibération du 5 août 2002 a été annulée par le Tribunal administratif de Strasbourg pour vice de forme en sorte que cette illégalité n'ouvre pas droit à réparation ;

- le calcul des intérêts escomptés de la vente du bien en cause pour la période du 4 juin 2002 au 31 mars 2003 est purement théorique, dès lors qu'il n'existe aucune certitude sur la date à laquelle aurait été signé l'acte de vente avec l'acquéreur évincé ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'il était impossible d'établir avec certitude l'antériorité de la vente entre la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE et l'acquéreur évincé, par rapport à la vente conclue avec la commune ;

- les dépenses de gardiennage et les frais d'entretien ont été exposés en pure perte, dès lors que l'activité du manoir avait cessé depuis 2001 et que le transfert de propriété avait été réalisé au 5 août 2002 ;

- les frais de personnel ne présentent aucun lien de causalité avec l'exercice illégal du droit de préemption ;

- le préjudice moral allégué n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Mazzega, présidente de chambre,

- les observations de Me Brigratz de la SELARL Soler-Couteaux-Llorens, avocat de la commune de Saulxures,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE interjette appel du jugement en date du 22 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saulxures à lui verser la somme de

14 846,07 € en réparation du préjudice qu'elle impute à l'illégalité fautive entachant la délibération du conseil municipal en date du 5 août 2002, décidant d'exercer le droit de préemption de la commune sur une propriété dénommée « Manoir de Bénaville », qu'elle envisageait de vendre, en vertu d'un compromis de vente signé le 4 juin 2002, à la SCI Octagon ;

Sur l'exception tirée par la commune de Saulxures de l'incompétence de la juridiction administrative :

Considérant que la demande indemnitaire présentée par la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE est fondée sur le préjudice allégué résultant de l'illégalité de la décision de préemption exercée par la commune de Saulxures par délibération du conseil municipal en date du 5 août 2002 et non sur l'acte de cession, passé ultérieurement en exécution de ladite délibération ; que, dès lors, le litige relève de la compétence de la juridiction administrative ;

Sur la responsabilité de la commune de Saulxures :

Considérant que la délibération du 5 août 2002 par laquelle le conseil municipal de Saulxures a décidé d'exercer, en application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, le droit de préemption de la commune a été annulée, au motif, notamment, que la commune ne justifiait pas d'un projet précis, par jugement du 12 octobre 2004 du Tribunal administratif de Strasbourg, devenu définitif ; que l'illégalité ayant entraîné l'annulation de cette délibération est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saulxures à l'égard de la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE, dès lors qu'elle est à l'origine d'un préjudice ; que tel est le cas lorsque la décision annulée n'était pas justifiée au fond par l'existence d'un projet d'aménagement répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que la décision de préemption n'étant pas légalement justifiée, elle ouvre droit à réparation du préjudice invoqué au profit du vendeur, la MUTUELLE DELA POLICE NATIONALE, qui s'est trouvée dans l'impossibilité de donner suite au compromis de vente conclu avec la SCI Octagon, le 4 juin 2002 ;

Sur le préjudice :

Considérant que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE soutient en premier lieu qu'elle a subi un préjudice en raison de l'absence de paiement intégral du prix de la vente avant le 14 avril 2003, date de son acquisition par la commune, alors qu'un compromis de vente avait été signé le 4 juin 2002 avec l'acquéreur évincé et qu'elle aurait dû bénéficier des intérêts des sommes dont la SCI Octagon devait s'acquitter jusqu'à la date de versement du prix de vente par la commune ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE est fondée à soutenir qu'en l'absence de la décision de préemption émanant de la commune de Saulxures, le notaire ne se serait pas abstenu de notifier le projet d'aliénation du fonds à la SAFER en temps utile et que la signature de l'acte de vente avec la SCI Octagon aurait pu avoir lieu au plus tard le 5 octobre 2002, compte tenu du délai de réponse dont disposait la SAFER et du fait que cet organisme, ayant, le 4 février 2003, informé le notaire de son intention de ne pas préempter le fonds agricole dans le cadre de sa vente à la commune, il aurait vraisemblablement adopté la même position quelques mois auparavant ; que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE a ainsi perdu une chance sérieuse de disposer 6 mois plus tôt du produit de la vente ; que le prix de vente convenu devant être acquitté par la SCI Octagon en quatre fois, la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE a été privée d'une chance de percevoir les intérêts qu'elle aurait pu tirer de ces versements ; qu'il n'est toutefois pas établi que le solde du prix de vente aurait été perçu dès le 31 décembre 2002, alors qu'il avait été stipulé qu'il était payable pour le 31 mars 2003 au plus tard ; que dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE de la perception tardive du prix de vente de son bien en l'évaluant à 10 000 € ;

Considérant en deuxième lieu que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE fait valoir qu'elle aurait subi un préjudice de 61 489,74 € au titre des frais supplémentaires d'entretien de sa propriété ; que toutefois, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il n'y a lieu de prendre en compte que les seuls frais exposés entre les mois d'octobre 2002 et avril 2003, au titre du gardiennage, de travaux, et d'assurance ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qui en résulte pour la Mutuelle en le fixant à 18 000 € ; que par contre, les dépenses de fuel, d'entretien des ascenseurs, de téléphone et d'électricité n'apparaissent pas liées à l'entretien d'un immeuble réputé inoccupé ;

Considérant en troisième lieu que la SCI Octagon s'était engagée à prendre en charge une part de la taxe d'habitation payée en 2002 par la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE ; qu'il y a lieu d'allouer à cette dernière la somme de 500 € en réparation du préjudice résultant pour elle de la non réalisation de cet engagement qui, comme il a été dit, avait une chance sérieuse d'être tenu ;

Considérant en quatrième lieu que si la SCI Octagon s'était engagée à reprendre le personnel de la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE, celle-ci ne saurait se prévaloir du préjudice qui aurait résulté pour elle de ce qu'elle aurait été contrainte d'assurer les frais de personnel et les charges correspondantes, alors que la décision de préemption de la commune aurait dû la conduire à engager des procédures de licenciement ;

Considérant en cinquième lieu que le préjudice moral allégué, à supposer qu'il soit établi, n'est en tout état de cause pas lié à la décision de préemption de la commune de Saulxures, mais à l'interprétation de cette décision qu'en ont faite la presse et les habitants ;

Sur les intérêts :

Considérant que les sommes mises à la charge de la commune de Saulxures porteront intérêts à compter du 1er janvier 2005 compte tenu de la date d'envoi de la demande préalable qui lui a été adressée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'indemnisation et en a demandé l'annulation ;

Sur les conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que par voie de conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saulxures le paiement de la somme de 1 500 € à la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par contre, les conclusions présentées au même titre par la commune de Saulxures doivent être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La commune de Saulxures versera à la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE la somme de 28 500 €, avec les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2004.

Article 3 : La commune de Saulxures versera à la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE la somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Saulxures présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE et à la commune de Saulxures.

2

N° 07NC00355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00355
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Danièle MAZZEGA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BETTCHER - SCHACH - STEINMETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-10-09;07nc00355 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award