Vu la requête, enregistrée le 20 février 2008, présentée pour Mme Joy Y, demeurant ..., par Me Kling ; Mme Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705040 du 29 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 octobre 2007 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a ordonné de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le séjour notamment en raison des risques de représailles encourus ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle encourt des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2008, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 11 avril 2008, admettant Mme Y au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2008 :
- le rapport de M. Barlerin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.(...) » ; qu'aux termes de l'article R .316-3 du même code : « Une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale d'une durée minimale de six mois est délivrée par le préfet territorialement compétent à l'étranger qui satisfait aux conditions définies à l'article L. 316-1 et qui a rompu tout lien avec les auteurs présumés des infractions mentionnées à cet article. La même carte de séjour temporaire peut également être délivrée à un mineur âgé d'au moins seize ans, remplissant les conditions mentionnées au présent article et qui déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée ou suivre une formation professionnelle. La demande de carte de séjour temporaire est accompagnée du récépissé du dépôt de plainte de l'étranger ou fait référence à la procédure pénale comportant son témoignage. La carte de séjour temporaire est renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale mentionnée à l'alinéa précédent, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, interpellée par les services de police le 17 octobre 2006, a procédé à la dénonciation d'individus dirigeant un réseau de proxénétisme ; qu'elle a obtenu, à ce titre, deux autorisations provisoires de séjour successives pour la période du 30 octobre 2006 au 28 avril 2007 ; que le préfet du Bas-Rhin, par décision du 8 octobre 2007, a décidé de rejeter sa demande de délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions sus-mentionnées aux motifs que, d'une part, le juge instruisant l'affaire en cause avait estimé, par courrier en date du 11 septembre 2007, que le maintien en France de Mme Y n'était plus nécessaire alors que l'intéressée n'était ni mise en cause, ni partie civile et, d'autre part, que l'intéressée n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ou résident ses parents, son frères et sa soeur et que ses liens en France n'étaient pas tels qu'ils justifiaient la délivrance du titre de séjour ; que, dans ces conditions, en invoquant les seuls risques de rétorsions qui pèseraient sur elle, Mme Y n'établit pas que le préfet du Bas-Rhin, en lui refusant le séjour, aurait méconnu les dispositions sus-évoquées ou commis une erreur d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision obligeant Mme Y à quitter le territoire français à raison de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé doit être écarté ;
En ce qui concerne le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que ce dernier texte énonce que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. » ;
Considérant, en tout état de cause, que Mme Y, en se bornant à évoquer les représailles qu'elle pourrait être amenée à subir de la part des membres du réseau de proxénétisme qu'elle a dénoncé en cas de retour au Nigéria et la circonstance que les autorités de son pays d'origine ne seraient pas en mesure d'assurer sa sécurité, n'établit pas la réalité des risque qu'elle invoque ; que par suite elle n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant le Nigéria comme pays de destination le préfet du Bas-Rhin a méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sus-rappelées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation formulées par Mme Y, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme Y la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme Y, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Joy Y et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
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N° 08NC00283