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01/08/2008 | FRANCE | N°08NC00620

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 01 août 2008, 08NC00620


Vu le recours, enregistré le 29 avril 2008, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501517 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la Société des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) la décharge de l'amende qui lui a été assignée au titre des exercices 2000, 2001 et 2002, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice ad

ministrative ;

2°) de décider le rétablissement de la SARL APBP à l...

Vu le recours, enregistré le 29 avril 2008, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501517 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la Société des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) la décharge de l'amende qui lui a été assignée au titre des exercices 2000, 2001 et 2002, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de décider le rétablissement de la SARL APBP à l'amende de l'article 1768 du code général des impôts, alors en vigueur ;

Il soutient que l'application du principe de rétroactivité de la loi répressive « plus douce » à l'amende de l'ancien article 1768 du CGI procède d'une erreur de droit au regard des modalités particulières de mise en oeuvre de cette sanction , dans la mesure où la législation désormais applicable organise un système de cumul de sanctions nécessairement plus sévère que l'ancien dispositif ; que c'est à tort que la requérante soutient que les droits qu' elle a acquis auprès de l'association VDMFK correspondent seulement à des droits de reproduction, et non à des droits d'auteur ; que, dès lors, l'opération litigieuse entre dans le champ d'application de retenue à la source prévue à l' article 182 B du code général des impôts ;

Vu le jugement attaqué ;

Cette requête ayant fait l'objet d'une dispense d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2008 :

- le rapport de M. Commenville, président,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Société des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) a pour activité de reproduire par impression sur des cartes postales, des calendriers ou d'autres objets les oeuvres des artistes peignant de la bouche et du pied, dont les droits lui sont concédés par l'Association des artistes du monde entier qui peignent avec la bouche ou le pied (Vereinigung der Mund- und Fussmalenden Künstler in aller Welt - VDMFK) dont le siège est situé à Vaduz (Liechtenstein) ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2000, 2001 et 2002, le service a regardé les sommes versées par la société intimée à l'association VDMFK comme des droits d'auteur soumis à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts et lui a réclamé l'amende, égale au montant des retenues non effectuées, instituée par les dispositions de l'article 1768 du code général des impôts, alors en vigueur ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE fait appel du jugement en date du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la Société des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) de l'amende d'un montant de 2 205 290 € mise en recouvrement le 26 mai 2004 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : « I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) / c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) ; » ; qu'aux termes de l'article 1671 A du même code, dans sa rédaction applicable à la date des faits reprochés à la société : « Les retenues prévues aux articles 182 A et 182 B sont opérées par le débiteur des sommes versées et remises à la recette des impôts accompagnées d'une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration, au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. Les dispositions des articles 1768, 1771 et 1926 sont applicables à ces retenues. » ; qu'aux termes de l'article 1768 du même code, alors en vigueur : « Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s'est abstenu d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A ou qui, sciemment, n'a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées. » ; qu'aux termes du 28° de l'article 22 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 : « A l'article 1671 A, le mot : « 1768, » est supprimé » ; qu'en vertu de l'article 17 de la même ordonnance, les dispositions de l'article 1768 ont été abrogées ; que les dispositions de ces articles 17 et 22, insérées dans le chapitre II de cette ordonnance, sont, en application de l'article 25, entrées en vigueur le 1er janvier 2006 ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 1768 du code général des impôts avaient pour objet et pour effet de sanctionner le comportement du débiteur lorsque l'administration établissait qu'il s'était s' abstenu, en méconnaissance de l'article 1671 A du même code, d'opérer les retenues à la source prévues notamment à l'article 182 B de ce code ou que, sciemment, il n'avait opéré que des retenues insuffisantes ; qu'elles instituaient ainsi une sanction tendant à réprimer de tels agissements et à en empêcher la réitération, alors même qu'elles faisaient obstacle à ce que l'administration réclamât au débiteur, en sus de l'amende qu'elles instituaient, le montant du prélèvement éludé et que l'amende mise à la charge du débiteur correspondait au montant de ce prélèvement ; qu'une telle amende ne pouvait d'ailleurs être assortie, ni de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du même code, dans sa rédaction alors applicable, ni des pénalités prévues aux articles 1728 et 1729, dans leur rédaction alors applicable, et venant en majoration de droits mis à la charge d' un contribuable ; qu'elle ne pouvait pas davantage, en application du 2. de l'article 39 de ce code, être déduite du bénéfice du redevable, alors qu'il pouvait procéder à la déduction de la retenue prévue à l'article 182 B du même code s'il l'avait régulièrement opérée et versée ; qu'ainsi, le tribunal administratif n'a pas méconnu la portée de l'article 1768 du code général des impôts et n'a pas donné à cette amende une qualification juridique erronée en lui reconnaissant, sans entacher son jugement d'une contradiction de motifs, le caractère d'une sanction et en recherchant, par suite, si le principe, applicable aux sanctions administratives, selon lequel la loi répressive nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, devait recevoir application ;

Considérant, en second lieu, qu'en jugeant que les dispositions de l'article 1768 avaient été abrogées par les dispositions précitées de l'ordonnance du 7 décembre 2005 et qu'elles n'avaient pas été remplacées par d'autres dispositions réprimant les manquements qu'elles sanctionnaient, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que, si l'administration a, depuis le 1er janvier 2006, la possibilité de procéder auprès du redevable à un rappel de droits correspondant au montant de la retenue à la source non effectuée et assorti d'intérêts de retard ainsi que, le cas échéant, des majorations prévues aux articles 1728 et 1729 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration, d'activité occulte ou d'insuffisance délibérée de déclaration, ces majorations n'ont pas pour objet de sanctionner les mêmes agissements que ceux qui étaient visés par l'article 1768 désormais abrogé ; que, par suite, le tribunal administratif a, sans commettre d'erreur de droit, tiré les conséquences de la suppression de l'infraction prévue par cet article en prononçant la décharge de l'amende appliquée à la société sur le fondement de cet article, sans faire application du nouveau régime résultant de l'ordonnance du 7 décembre 2005 et dont le ministre se prévaut ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c' est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge de l' amende susmentionnée mise à la charge de la Société des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) ;

DECIDE

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE.

2

N° 08NC620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00620
Date de la décision : 01/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Bernard COMMENVILLE
Rapporteur public ?: M. LION

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-08-01;08nc00620 ?
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