Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2007 au greffe de la Cour, complétée par un mémoire enregistré le 17 juillet 2007, présentée pour M. et Mme Charles X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Michel - Frey-Michel, Bauer et Berna ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500539 en date du 22 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer leur préjudice causé par le décès de leur fils Christophe survenu lors de l'accident de la circulation du 10 octobre 1997 sur la RN 44 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice que leur a causé le décès de leur fils ;
3°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise aux fins de constater les conditions dans lesquelles est intervenu l'accident le 10 octobre 1997 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'accident dont a été victime leur fils Christophe le 10 octobre 1997 est dû à la présence d'huile sur la route qui a imposé à l'un des deux véhicules impliqués dans la collision de se déporter pour l'éviter ; les conclusions de l'expert M. Breville ne peuvent être prises en compte dès lors qu'il n'a pas vu la voiture de la victime qui avait été détruite ;
- le véhicule de la gendarmerie roulait trop vite à l'approche d'une zone de travaux à hauteur de laquelle la vitesse était limitée à 50 km/h ; l'état des véhicules démontre la violence du choc ; la juridiction administrative était compétente pour juger dès lors que la faute personnelle ne se détachait pas du service ; les théories du cumul de fautes ou de responsabilités trouvaient à s'appliquer ;
- la victime n'a commis aucune faute ; son attelle au bras ne limitait en rien sa capacité à conduire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 16 mai et 10 août 2007, présentés pour l'Etat par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
à titre principal :
- la requête est portée devant une juridiction incompétente pour en connaître conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
- la requête est irrecevable comme n'ayant pas été précédée d'une demande préalable d'indemnités ;
à titre subsidiaire :
- le véhicule de gendarmerie circulait à la vitesse autorisée ; la faute d'imprudence des gendarmes n'est pas démontrée puisqu'il leur restait 790 mètres pour adapter leur vitesse aux 50 km/h prescrits dans la zone de travaux qu'ils allaient aborder ;
- la faute de la victime est évidente ; il a franchi la ligne blanche et a heurté la camionnette de gendarmerie ; M. X circulait avec le bras gauche dans le plâtre ; sa compagnie d'assurances a admis sa responsabilité et remboursé l'Etat des dommages subis ;
- l'existence d'une tâche d'huile sur les lieux de l'accident est due à la collision, l'huile provenant du véhicule de M. X ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2007, présenté pour l'Etat par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- il se réfère à l'argumentation développée par le préfet de la Marne en première instance ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre l'infrastructure routière et l'accident ; l'accident n'a pas été causé par les travaux réalisés sur la RN 44 qui ne se trouvaient pas à l'endroit de la collision ; l'accident n'a pas été provoqué par une plaque d'huile présente sur la voie préalablement à l'accident ; l'huile s'est échappée de la boîte de vitesse ou du moteur du véhicule de la victime suite à l'accident ;
- le comportement fautif de la victime est de nature à exonérer l'Etat de son éventuelle responsabilité ; M. X avait l'avant-bras gauche plâtré ; le téléphone portable de l'intéressé, antenne sortie, se trouvait sur le siège passager ; la victime roulait à une vitesse élevée, son levier de vitesse étant positionné en cinquième vitesse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été réguliérement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2008 :
- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,
- les observations de M. Davrainville, de la direction interdépartementale des routes, pour le secrétariat d'état chargé des transports,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 10 octobre 1997, alors qu'il circulait sur la RN 44 en ligne droite en direction de Vitry-le-François, le véhicule de M. Christophe X s'est soudainement déporté à gauche, a franchi la ligne blanche continue et a heurté une camionnette de gendarmerie de type «Renault Trafic » venant en sens inverse et se dirigeant vers Reims ; que M. X est décédé des suites de ses blessures ; que ses parents ont recherché la responsabilité de l'Etat devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par jugement du 22 février 2007, a rejeté leur demande ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1957 : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions (..) » ; que le juge judiciaire est donc seul compétent pour réparer les dommages qui sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne de droit public ou placé sous sa garde et ceux qui sont imputables à l'un de ses agents chargé de conduire un véhicule ou associé à sa conduite ; qu'il résulte de ces dispositions que, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître de l'action en responsabilité introduite par M. et Mme X contre le ministre de la défense en tant qu'elle était fondée sur une faute qu'aurait commise le conducteur du véhicule administratif ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que le procès-verbal établi par la police urbaine de Châlons-sur-Marne qui s'est rendue sur les lieux, accompagné d'un dossier photographique comprenant un croquis des lieux de l'accident, précise, après avoir notamment recueilli les témoignages des deux gendarmes impliqués dans la collision ainsi que celui du conducteur du véhicule suivant la camionnette de gendarmerie, que l'état de la chaussée de la RN 44 était normal, excluant expressément la présence d'un corps gras ; que si l'existence d'une tache d'huile a été constatée, cette dernière se situait intégralement dans le couloir de circulation de gauche, opposé à celui emprunté par M. X, entourée de débris de verre, à l'endroit même de l'impact survenu entre les deux véhicules au point kilométrique 58.242 et ne peut donc, en tout état de cause, expliquer que M. X se soit déporté de son axe de circulation pour l'éviter ; qu'il résulte du rapport réalisé par M. Breville, expert en automobile, désigné en référé par ordonnance du Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne du 8 juillet 2003 que la présence d'huile s'explique, eu égard à la violence du choc, par la perte d'étanchéité de la boîte de vitesse ou du moteur du véhicule de M. X ; qu'eu égard à sa localisation et aux explications non contestées de l'expert, il est donc établi qu'elle ne préexistait pas à l'accident ; qu'ainsi, l'Etat rapporte la preuve qui lui incombe que la RN 44 ne présentait pas aux abords du lieu de l'accident survenu le 10 octobre 1997 de défaut d'entretien normal qui serait à l'origine de ce dernier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prescrire l'expertise complémentaire sollicitée, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande indemnitaire ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Charles X, au ministre de la défense et au secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, chargé des transports.
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N° 07NC00464