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12/06/2008 | FRANCE | N°07NC01807

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 12 juin 2008, 07NC01807


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2007, présentée par le PREFET DU JURA ; le préfet demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0705514 du 30 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 17 octobre 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djaffar X ;


Le préfet soutient que M. X pouvait bénéficier du regroupement familial mais a usé de fraude pour tenter de se maintenir sur le territoire et que son arrêté n'a pas méconnu

les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des ...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2007, présentée par le PREFET DU JURA ; le préfet demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0705514 du 30 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 17 octobre 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djaffar X ;


Le préfet soutient que M. X pouvait bénéficier du regroupement familial mais a usé de fraude pour tenter de se maintenir sur le territoire et que son arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 5 mai 2008, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 27 février 2008, présenté par Me DUFAY pour M. X, qui conclut au rejet de la requête ;

M. X fait valoir que :

- il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6-5 des accords franco-algériens et ne peut donc faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;
- l'arrêté de reconduite viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant dans la mesure où sa femme et sa fille resteraient en France, ce qui entrainerait une séparation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :

- le rapport de M. Giltard, président,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant algérien, né en 1974, est entré en France une première fois en octobre 2001 et a épousé une compatriote en situation régulière le 23 mars 2005 ; qu'il est reparti alors en Algérie pour obtenir un visa de long séjour afin de pouvoir régulariser sa situation administrative ; qu'il est revenu en France le 20 mai 2007 ; que, toutefois, le visa qui lui avait été accordé a été annulé à la suite de la découverte d'une falsification d'un document produit ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière et à la faculté dont dispose Mme X de déposer une demande tendant à bénéficier du regroupement familial, l'arrêté du PREFET DU JURA n'a pas, nonobstant la naissance d'un enfant le 17 septembre 2007, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le motif tiré de la violation de ces stipulations pour annuler l'arrêté du préfet du Jura en date du 17 octobre ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg et devant la Cour ;

En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :

Considérant qu'aucune disposition n'obligeait le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur la demande de titre de séjour présentée par M. X, dès lors qu'il se trouvait en situation irrégulière ;

Sur le moyen tiré du défaut de base légale :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré sur le territoire le 20 mai 2007 avec un passeport muni d'un visa qui a été retiré par l'autorité administrative ; qu'il se trouvait donc dans le cas où, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien de 1968 :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ne porte pas atteinte à l'unité de la famille, soit en France après regroupement familial, soit dans son pays d'origine ; qu'ainsi il ne méconnaît pas les stipulations précitées ;



Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Jura aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. X ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. X n'établit, ni même n'allègue, être soumis personnellement à des risques en cas de retour dans son d'origine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET du JURA est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, annulé son arrêté du 17 octobre 2007 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X ;



DECIDE :


ARTICLE 1er : Le jugement du 30 novembre 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

ARTICLE 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée

ARTICLE 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 07NC01807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 07NC01807
Date de la décision : 12/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-06-12;07nc01807 ?
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