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26/05/2008 | FRANCE | N°07NC01679

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 mai 2008, 07NC01679


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2007 au greffe de la Cour, présentée pour M. Alexis X, demeurant ..., par Me Gitton, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400258 en date du 2 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Connantre à lui payer une somme de 982 943 € en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du 31 août 1998 au 18 avril 2002 et au versement des cotisations patronales durant cette période ;


2°) de condamner la commune de Connantre à l'indemniser des divers pr...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2007 au greffe de la Cour, présentée pour M. Alexis X, demeurant ..., par Me Gitton, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400258 en date du 2 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Connantre à lui payer une somme de 982 943 € en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du 31 août 1998 au 18 avril 2002 et au versement des cotisations patronales durant cette période ;

2°) de condamner la commune de Connantre à l'indemniser des divers préjudices qu'il a subis au cours de la période du 31 août 1998 au 18 avril 2002, soit une somme de 864 233 €, ainsi qu'à verser les cotisations sociales afférentes aux rémunérations dues au cours de cette même période ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Connantre une somme de 20 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant au titre de la première instance que de l'instance d'appel ;

Il soutient que :

- la radiation des cadres dont il a fait l'objet le 31 août 1998 était illégale dès lors qu'il ne pouvait lui être reproché des absences ; d'une part, il avait un droit acquis à ne travailler hebdomadairement que 20 heures comme le prévoyait l'arrêté du maire de Connantre du 24 juillet 1984 et non 39 heures comme le lui imposaient l'arrêté de la même autorité du 4 mai 1998 et la note de service du 3 juillet 1998 ; d'autre part, les dates de ses congés annuels ne pouvaient lui être imposées ; il avait droit de prendre ses congés pendant les vacances scolaires comme il l'avait toujours fait auparavant depuis 12 ans ; de plus, père de deux enfants, il bénéficiait d'une priorité dans le choix de ses dates de vacances conformément aux dispositions de l'article 3 du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ; enfin, un cadre de catégorie A doit bénéficier de la liberté d'organiser son temps et son espace de travail ; au surplus, les absences du 11 au 13 août et du 19 au 22 août 1998 ne sont pas démontrées ; il a d'ailleurs réalisé l'avant projet culturel qui lui était demandé à cette époque ; les attestations produites le démontrent ; le maire lui a, au cours de ces périodes, notifié divers courriers à l'adresse de l'école de musique ;

- la radiation des cadres dont il a fait l'objet le 31 août 1998 est illégale dès lors qu'elle est entachée de détournement de pouvoir ; le seul objectif était de l'évincer pour faire des économies ; ceci résulte clairement des comptes-rendus du conseil municipal de la commune de Connantre des 23 et 29 septembre 1998 ;

- du fait de son éviction, il a subi un préjudice financier et moral, des troubles dans ses conditions d'existence et une atteinte à sa réputation professionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2007, présenté pour la commune de Connantre par Me Chanlair, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 € soit mise à la charge de M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'obligation de présence de M. X existait ; elle était légale, la fixation des horaires de travail et des dates de congés relevant de l'autorité territoriale, même vis-à-vis des cadres de catégorie A ; de plus, l'appelant ne pouvait s'ériger en juge de la légalité des ordres qu'il recevait et devait obéir quand bien même l'ordre délivré aurait été illégal, conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la radiation des cadres de M. X n'est pas entachée de détournement de pouvoir ; elle n'est que la conséquence du refus de l'intéressé d'accepter la nouvelle orientation de l'école de musique communale décidée compétemment par le conseil municipal et appliquée par le maire ;

- le tribunal n'a pas fondé sa décision sur les nombreuses absences injustifiées mais seulement sur le refus de déférer à la mise en demeure du 22 août 1998 de reprendre son poste ;

- la radiation des cadres étant justifiée au fond, elle ne saurait ouvrir droit à indemnisation ;

- M. X limite sa demande d'octroi de dommages et intérêts à la période courant du 31 août 1998 au 18 avril 2002 ; il ne démontre pas le lien de causalité entre les préjudices dont il demande réparation et la faute commise par la commune ; il ne saurait prétendre à des rémunérations qui sont liées à l'exercice effectif des fonctions ; il aurait pu obtenir un revenu de remplacement et a donné, à cette époque, de nombreux concerts salle Gaveau ; la vente de sa maison est liée à son divorce, qui ne peut être relié à la révocation ; l'atteinte à la réputation professionnelle du requérant n'est pas démontrée ; les prétentions indemnitaires sont exorbitantes ;

- la demande indemnitaire de M. X formée en première instance devait être rejetée car elle visait un rejet implicite d'une demande préalable d'indemnités qui était confirmatif d'un précédent rejet implicite ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les observations de Me Lebatard, de la Selarl Antoine Gitton, avocat de M. X, et de Me Chanlair, avocat de la commune de Connantre,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;


Vu les notes en délibéré produites pour la commune de Connantre et pour M. X ;


Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Connantre en première instance :

Considérant que si l'annulation pour vice de procédure d'une mesure d'éviction d'un agent public est de nature à entraîner la responsabilité de la personne publique qui a pris la mesure, il convient, toutefois, pour déterminer si elle ouvre droit à une indemnité en réparation des préjudices réellement subis par l'agent du fait de son éviction, de tenir compte notamment du point de savoir si, indépendamment du vice de procédure, la mesure d'éviction était ou non justifiée sur le fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : «Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (…).» ;


Considérant que même si M. X contestait la réorganisation de l'école de musique de la commune de Connantre, qui, au demeurant ne dépendait que du seul conseil municipal, la modification de ses horaires de travail et la détermination de ses dates de congés annuels notamment au cours de la période des vacances scolaires estivales, dont la légalité doit s'apprécier au regard des dispositions réglementaires alors applicables à savoir celles du décret susvisé du 26 novembre 1985 et non des usages antérieurs, il devait occuper son poste au cours des mois de juillet et août 1998 comme le lui avait demandé le maire ; qu'il est constant qu'en se soustrayant à certaines de ses obligations de service, et notamment de présence, il a manqué au devoir d'obéissance s'imposant à tout fonctionnaire, conformément aux dispositions précitées de l'article 28 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, dès lors que les ordres et instructions qui lui ont été donnés n'étaient pas manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public ; qu'en refusant notamment d'obtempérer à la mise en demeure du maire de Connantre datée du 22 août 1998 de reprendre son poste dans un délai de 48 heures, qu'il ne conteste pas avoir reçue le 26 août suivant, et en étant absent sans raisons légitimes du 27 au 30 août 1998, l'appelant a rompu de son fait tout lien avec son administration et s'est rendu coupable d'un abandon de poste ; que, par suite, quand bien même la décision d'éviction dont a été l'objet l'appelant était entachée d'un vice de procédure comme l'a jugé la Cour de céans dans un arrêt en date du 21 mars 2002, sa radiation des cadres, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle révèlerait un détournement de pouvoir, était légalement fondée ; que, dans ces conditions, et eu égard à la gravité de la faute commise par l'intéressé, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en estimant que sa radiation des cadres prononcée par arrêté du 31 août 1998, qui était justifiée sur le fond, n'était pas de nature à ouvrir à M. X un droit à indemnité en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de son éviction illégale ;


Considérant qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'indemnités ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;


Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Connantre, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire condamner M. X à payer à la commune de Connantre la somme qu'elle sollicite en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



DÉCIDE :



Article 1er : La requête susvisée de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Connantre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alexis X et à la commune de Connantre.



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N° 07NC01679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01679
Date de la décision : 26/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CHANLAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-05-26;07nc01679 ?
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