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30/04/2008 | FRANCE | N°07NC01189

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 avril 2008, 07NC01189


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2007, complétée par mémoire enregistré le 16 novembre 2007, présentée pour M. Khandiah X, demeurant centre de rétention administrative, ..., par Me Gény-La Rocca, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703788 du 6 août 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 août 2007 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Sri Lanka comme pays de dest

ination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
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Vu la requête, enregistrée le 22 août 2007, complétée par mémoire enregistré le 16 novembre 2007, présentée pour M. Khandiah X, demeurant centre de rétention administrative, ..., par Me Gény-La Rocca, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703788 du 6 août 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 août 2007 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Sri Lanka comme pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de condamner l'Etat à payer la somme de 3000 euros à Me Gény-La Rocca au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) subsidiairement, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Il soutient que :

- l'arrêté de reconduite à la frontière a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été signée par une autorité incompétente ;

- le préfet a commis une erreur de droit en prononçant sa reconduite à la frontière dès lors qu'il devait délivrer une obligation de quitter le territoire français ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et celle de son enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et celle de son enfant ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt des risques pour sa vie en raison de son appartenance à la minorité tamoule ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 dès lors que son fils suit une scolarité en France ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 dès lors que son fils suit une scolarité en France ;

- la décision fixant le Sri-Lanka comme pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt des risques pour sa vie ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu enregistré le 17 octobre 2007, le mémoire en défense présenté par le préfet du Bas-Rhin tendant au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir que :

- la décision attaquée a été signée par le secrétaire général de la préfecture, titulaire d'une délégation de signature ; l'omission de la mention « pour le préfet » est une erreur matérielle ;

- il était fondé à prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre du requérant sur le fondement de l'article L. 511-1 II alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le requérant ne justifie pas être exposé à des risques particuliers en cas de retour au Sri Lanka ;


- il ne démontre pas que la décision attaquée aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2008 :

; le rapport de M. Giltard, Président de la Cour,

; les observations de Me Gény-La Rocca, avocat de M. X,

; et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;


En ce qui concerne les moyens communs à la décision de reconduite à la frontière et à la décision fixant le pays de destination :

- Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article premier de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 9 juillet 2007 : « Délégation permanente est donnée à M. Raphaël Le Méhauté, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des arrêtés de conflits ; prononcer ou abroger les décisions d'expulsion prises en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de déterminer le pays de renvoi ; prononcer les décisions d'assignation à résidence en application des articles L. 513-4, L. 523-3 et L. 523-4 et dans les cas prévus aux articles L. 511-1 et L. 521-1 du code précité » ; que les « actes, arrêtés et décisions » visés par cet article comprennent, sauf s'il en est disposé autrement, l'ensemble des décisions en matière de police des étrangers, au nombre desquels figurent les décisions de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de destination ; que si, en matière d'expulsion et d'assignation à résidence, le préfet a limité ou précisé les cas où la délégation de signature est accordée au secrétaire général, les décisions de reconduite à la frontière et les décisions fixant le pays de destination ne font l'objet d'aucune disposition particulière ; que, par suite, M. Le Méhauté, secrétaire général de la préfecture, avait compétence pour signer l'arrêté du 2 août 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et fixant le Sri Lanka comme pays de destination ;

- Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si M. X fait valoir qu'il réside en France depuis 2001 et vit depuis 2003 avec une compatriote dont il a eu un enfant né le 22 mai 2004, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa compagne est elle-même en situation irrégulière en France et, qu'à la date où ont été prises les décisions attaquées, son enfant n'était pas scolarisé ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, lequel a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, les décisions litigieuses ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Sri-Lanka comme pays de destination n'ont pas porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises et ne méconnaissent ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales ;

- Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'eu égard au jeune âge de l'enfant de M. X et à la possibilité pour ce dernier de poursuivre sa vie familiale au Sri Lanka où il n'est nullement établi que l'enfant du requérant serait en danger, les décisions contestées n'ont pas méconnu les stipulations précitées ;

- Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le Sri Lanka comme pays de destination sur la situation personnelle de M. X ;

En ce qui concerne les moyens propres à la décision de reconduite à la frontière :

- Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;
Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007, la nouvelle mesure prescrivant l'obligation de quitter le territoire français est seule applicable, lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger qui est en situation régulière au moment où cette autorité refuse le titre de séjour sollicité, et, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d 'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris s 'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° de II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité sri-lankaise, est entré irrégulièrement en France en juillet 2001 ; que le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour le 25 mai 2004 ; que ses demandes de carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ont été rejetées par décisions des 27 février, 18 mai et 7 septembre 2006 ; que M. X, qui n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité, entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, et alors même que l'intéressé avait fait l'objet antérieurement au 1er janvier 2007 d'une décision de refus de titre de séjour, il pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
- Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant lorsqu'il est dirigé à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière, qui ne fixe, en lui-même, aucun pays de destination ;

En ce qui concerne les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. X fait valoir qu'il a dû fuir le Sri Lanka en raison des persécutions dont il a fait l'objet du fait de son appartenance et celle de sa famille à la minorité tamoule et de l'engagement de son frère auprès du mouvement des « Tigres de Libération de l'Eelam tamoul » (LTTE) et qu'il craint d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois, l'intéressé auquel le statut de réfugié a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à deux reprises et par la Commission des recours des réfugiés, a produit un mandat d'arrêt daté du 14 décembre 2001 qui ne présente pas de garantie d'authenticité suffisante pour établir la réalité du risque ; que les attestations, articles de presse et la correspondance de la 3ème section de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui décrivent le contexte général des relations entre le gouvernement cinghalais et le mouvement des LTTE ne constituent pas des documents de nature à établir la réalité des risques auxquels M. X serait exposé personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision désignant le Sri Lanka comme pays à destination duquel il sera reconduit ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2007 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Sri Lanka comme pays de destination ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Khandiah X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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07NC01189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NC01189
Date de la décision : 30/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés DANIEL GILTARD
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : GENY- LA ROCCA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-04-30;07nc01189 ?
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