Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2007, complétée par un mémoire enregistré le 5 février 2008, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-MARNE ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-798 en date du 10 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 13 mars 2007 par lequel il a refusé de délivrer à Mme A un titre de séjour, a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Il soutient que :
- Mme A, qui n'est pas en possession du visa de long séjour exigé par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne remplit pas les conditions du 4° de l'article L. 313-11 du même code pour l'obtention d'un titre de séjour en tant que conjoint de français ; que, dès lors, il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
- l'intéressée ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un autre titre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2008, présenté pour Mme A par Me Cotillot, avocat ;
Mme A conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que la Cour enjoigne le PREFET DE LA HAUTE-MARNE de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Elle soutient que :
- l'administration était tenue de saisir la commission du titre de séjour ;
- le refus contesté de titre de séjour est entaché d'erreur de droit au regard du 7° de l'article L. 313-11 dès lors qu'elle a la capacité d'être autonome financièrement et a ses attaches familiales en France ;
- ce refus porte en outre une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et privée et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- pour les mêmes moyens, la décision d'obligation de quitter le territoire est illégale ;
- il en est de même pour la décision fixant le pays de destination ;
Vu la décision du 10 mars 2008 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme A à l'aide juridictionnelle provisoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2008 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : … / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française… /; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétence et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code relatif à la commission du titre de séjour : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3… ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte toutefois de la combinaison des textes précités qu'un étranger ne remplit les conditions du 4° de l'article L. 313-11 et ne peut prétendre à l'attribution d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français que lorsqu'il est en mesure de produire un visa de long séjour conformément aux exigences de l'article L. 311-7 du code ; qu'il est constant que Mme Yvonne épouse A, ressortissante de la Côte d'Ivoire, entrée irrégulièrement en France, n'a pas produit de visa à l'appui de sa demande de titre de séjour, présentée le 9 février 2007, en tant que conjoint d'un français, qu'elle avait épousé le 19 septembre 2006 ; qu'ainsi, elle n'était pas au nombre des étrangers qui peuvent obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur le défaut de saisine de la commission du titre du séjour pour annuler l'arrêté du 13 mars 2007 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-MARNE a refusé de délivrer à Mme A un titre de séjour, a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Sur le refus de titre de séjour :
Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : … / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée … ;
Considérant que si Mme A soutient qu'elle vivrait en France depuis 1998, elle n'établit pas la réalité de ces allégations ; que si elle fait valoir qu'elle a ses attaches familiales en France, il n'est pas contesté que l'une de ses filles n'est autorisée à séjourner sur le territoire national que provisoirement en raison de son état de santé et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A prendrait en charge l'enfant d'une de ses autres filles, qui ne serait, en tout état de cause, pas en situation régulière sur le territoire national ; que Mme A, qui n'est entrée en France au plus tôt qu'à l'âge de 43 ans, conserve des attaches familiales dans son pays d'origine et notamment un fils et des frères et soeurs ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en lui opposant un refus de titre de séjour alors que son mariage avec un français est récent et alors même que Mme A a, postérieurement à la décision contestée, trouvé un emploi, le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas assorti de précisions et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision de refus de titre de séjour qui ne fixe pas le pays de destination ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, d'une part, que si Mme A soutient que le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Marne, signataire de la décision contestée, n'était pas compétent à cette date pour prendre de tels actes, faute d'avoir reçu une délégation de signature, il ressort des pièces du dossier qu'il bénéficiait d'une délégation du préfet en date du 26 février 2007 à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département ainsi qu'à la coordination de l'action des services déconcentrés de l'Etat ; qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, d'autre part, qu'eu égard à ce qui précède, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité qui affecterait la décision portant refus de séjour ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant que pour les mêmes raisons que celles mentionnées ci-dessus, Mme A n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait signée par une autorité incompétente et qu'elle serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité qui affecterait les décisions susmentionnées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'en se bornant à soutenir de façon générale que son pays connaît encore des troubles et à affirmer sans apporter de preuves que des membres de sa famille y seraient menacés, Mme A, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par la commission de recours des réfugiés, ne démontre pas qu'elle serait exposée à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision contestée, qui fixe nécessairement la Côte d'Ivoire comme pays de destination dès lors qu'elle mentionne notamment que Mme A pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité, ne méconnaît, dès lors, pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision contestée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme A, tendant à ce que l'administration soit enjointe de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte, ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 10 juillet 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yvonne A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
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N° 07NC01011