Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er février 2006, présentée pour la SOCIETE ONYX EST SA, représentée par son représentant légal, ayant son siège ZI Dame Huguenotte à Chaumont (52000), par Me Wittner ; la SOCIETE ONYX EST SA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400803 en date du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de M. Ludovic X, la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, en date du 18 mars 2004, autorisant son licenciement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de M. X une somme de 1 200 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le fait pour M. X de conduire en état d'ébriété, même dans un cadre privé, équivaut à une exécution de mauvaise foi de son contrat de travail de conducteur de benne à ordures ; dans son arrêt de principe du 2 décembre 2003, la Cour de Cassation a reconnu que le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en qualifiant le degré de gravité de la faute, qui est de l'appréciation exclusive du conseil des prud'hommes ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que l'entreprise était tenue à une obligation de reclassement du salarié qui s'est placé lui-même dans la situation de ne pas pouvoir exécuter son contrat de travail ; il est indifférent qu'il ait été maintenu dans une activité de ripeur le temps de la procédure et que d'autres salariés soient à même de le remplacer comme conducteur ;
- aucune situation comparable n'a prévalu dans l'entreprise antérieurement puisque les salariés étant dans une situation identique, y compris des salariés protégés, ont été licenciés ; seuls ont été maintenus dans leur emploi ceux qui avaient pu bénéficier d'un « permis blanc », ce qui n'est pas le cas de M. X ;
- aucun lien avec le mandat n'est établi ;
- M. X persiste dans ce comportement, ayant eu un accident le 21 novembre 2003 causé par l'absorption d'alcool ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2006, présenté pour M. Ludovic X, demeurant ..., par la SCP Babeau-Verry-Linval ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ONYX EST SA une somme de 1 200 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'autorité administrative puis le juge administratif ont nécessairement à apprécier la nature et la gravité de la faute commise justifiant le licenciement pour lequel l'autorisation est sollicitée ;
- la SOCIETE ONYX pouvait indifféremment l'affecter sur un emploi de ripeur ou de conducteur, son contrat de travail retenant ces doubles qualification et polyvalence de ses fonctions ;
- il est victime d'une discrimination en raison de son mandat syndical, d'autres salariés de l'entreprise dans une même situation n'ayant pas été licenciés, ainsi que l'a relevé l'inspecteur du travail ;
- les faits postérieurs à la décision attaquée sont sans incidence sur sa légalité ;
Vu, enregistré le 11 mars 2008, le mémoire du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2008 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que M. X, employé par la SOCIETE ONYX-EST depuis 1994 en qualité de conducteur de bennes à ordures et délégué du personnel de cette entreprise, a fait l'objet d'une suspension de son permis de conduire pour une durée de quatre mois à la suite d'un contrôle d'alcoolémie positif le 4 juillet 2003, alors qu'il conduisait son véhicule personnel ; qu'estimant que cette circonstance le rendait inapte à exécuter son contrat de travail et à exercer les fonctions qui lui étaient confiées, la SOCIETE ONYX EST SA a demandé l'autorisation de procéder à son licenciement ; que par décision en date du 4 septembre 2003 le directeur adjoint du travail des transports a refusé de délivrer cette autorisation ; que la SOCIETE ONYX EST SA a adressé le 27 octobre 2003 un recours hiérarchique au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; qu'une décision implicite de rejet est née le 27 février 2004 ; que le ministre a cependant autorisé le licenciement par une décision expresse intervenue le 18 mars 2004, dont M. X a obtenu l'annulation par le jugement attaqué susvisé du Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail passé entre la SOCIETE ONYX EST SA et M. X le 25 février 1995 stipule que ce dernier est embauché en qualité de « conducteur BOM » ; que la possession de son permis de conduire a donc été une cause déterminante de l'embauche de M. X, qui ne peut utilement y opposer avoir auparavant exercé des fonctions différentes dans la même entreprise, en 1992 et 1994, ou durant la procédure de licenciement ; que le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ; que, dès lors, la suspension du permis de conduire de l'intéressé a eu pour effet de rendre impossible l'exécution de son contrat de travail pendant quatre mois, constituant, dans les circonstances de l'espèce, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision précitée du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Considérant, en premier lieu, que le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit de l'employeur, dès lors que ces deux décisions sont illégales ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, nonobstant les observations en ce sens contenues dans la décision de l'inspecteur du travail, dépourvues de toutes précisions utiles, qu'un traitement différent aurait été réservé par l'entreprise à des salariés placés dans la même situation que lui ; qu'aucune discrimination ni lien avec les mandats détenus ne sont établis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ONYX EST SA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 18 mars 2004 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. X une somme de 600 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE ONYX EST SA et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ONYX EST SA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne en date du 1er décembre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : M. X versera une somme de 600 euros à la SOCIETE ONYX EST SA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. X sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ONYX EST SA, à M. Ludovic X et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
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N° 06NC00181