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31/01/2008 | FRANCE | N°06NC00412

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2008, 06NC00412


Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2006, présentée pour M. Mehmet X, demeurant ..., par Me Avitabile ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203154, 0203155 du 23 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 ;

2°) de prono

ncer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les...

Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2006, présentée pour M. Mehmet X, demeurant ..., par Me Avitabile ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0203154, 0203155 du 23 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- faute d'avoir adressé une copie des notifications de redressement à l'avocat mandaté à cet effet, l'administration a privé le requérant de la possibilité de formuler des observations ;
- le procès-verbal d'audition auprès de la police nationale, obtenu par l'administration dans l'exercice du droit de communication, ne lui a pas été communiqué malgré sa demande ;

- l'avis de mise en recouvrement qui indique un impôt plus élevé que celui figurant sur la notification de redressement est irrégulier ;

- l'option pour l'imposition suivant le régime réel simplifié n'a pas été formulée ;

- le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 1996 étant inférieur à 500 000 F, il relevait du régime du forfait et la procédure d'évaluation d'office a été irrégulièrement suivie ;

- la notification de redressement qui ne comporte pas d'indication sur les modalités de détermination des coefficients de marge et qui ne précise pas quelles sont les factures refusées est insuffisamment motivée ;

- le procès-verbal pour défaut de comptabilité n'a pu être régulièrement dressé dès lors que, relevant du régime du forfait, il n'avait pas l'obligation de tenir une comptabilité ;

- l'administration n'a pas établi que le contribuable avait disposé de sommes plus importantes que celles déclarées notamment en espèces ;

- le vérificateur n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution ;

- le vérificateur aurait dû procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires d'après les encaissements bancaires ;

- le vérificateur a retenu des coefficients de marge sans rapport avec l'activité exercée et sans tenir compte des particularités de l'exercice de cette activité liées notamment au début et à la nécessité de pratiquer des prix attractifs ainsi qu'à la situation de sous- traitant ;

- la TVA déductible ne peut être limitée aux seules factures qui ont pu être retrouvées et la part des communications téléphoniques ayant un caractère professionnel est supérieure au quart admis par l'administration ;

- les frais de transport et autres frais annexes ainsi que les achats d'outillage doivent être admis en déduction ;

- en cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et de l'impôt sur le revenu, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires afférent à un exercice donné est déduit pour l'assiette de l'impôt sur le revenu des résultats du même exercice ; pour l'exercice 1997, le contribuable doit pouvoir bénéficier de la réintégration de la totalité du profit sur le Trésor et de la cascade ; pour l'exercice 1998, le mécanisme de la cascade doit porter sur le profit sur le Trésor déterminé pour 1998 et non pour 1997 ;

- si le contribuable n'a pas respecté ses obligations fiscales et comptables, c'est parce qu'il a été victime de l'attitude de son comptable ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 26 septembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2008 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;



Sur le régime d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 302 ter du code général des impôts, alors applicable : « 1. Le chiffre d'affaires et le bénéfice imposables sont fixés forfaitairement en ce qui concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 500 000 F s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, ou 150 000 F s'il s'agit d'autres entreprises. Lorsque l'activité d'une entreprise ressortit à la fois aux deux catégories définies ci-dessus, le régime du forfait n'est applicable que si son chiffre d'affaires global annuel n'excède pas 500 000 francs et si le chiffre d'affaires annuel afférent aux activités de la deuxième catégorie ne dépasse pas 150 000 francs. Les chiffres d'affaires annuels de 500.000 F et de 150 000 F s'entendent tous droits et taxes compris. (…) » ; qu'aux termes de l'article 267 quinquies de l'annexe II audit code : « I. Les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas les limites fixées par le I de l'article 302 septies A du code général des impôts et qui ne sont pas susceptibles de bénéficier du régime du forfait sont passibles des taxes sur le chiffre d'affaires selon un régime simplifié, dans les conditions définies ci-après. / Elles peuvent cependant opter pour le régime de l'imposition d'après leur chiffre d'affaires réel. II. Les entreprises placées dans le champ d'application du régime du forfait peuvent opter pour le régime simplifié. III. 1. Les options visées aux I et II sont notifiées à l'administration avant le 1er février de la première année au titre de laquelle les entreprises désirent appliquer le régime correspondant. L'option est valable pour ladite année et l'année suivante pendant lesquelles elle est irrévocable. (…) Pour les entreprises nouvelles l'option doit être exercée dans les trois mois suivant le début de leur activité. Cette option est valable jusqu'au 31 décembre de l'année suivante (…) » ;


Considérant qu'en l'absence de comptabilité, notamment pour l'année 1996, ainsi que le vérificateur l'a constaté par procès verbal du 29 février 2000, et à défaut d'avoir souscrit en temps utile la moindre déclaration fiscale, M. X, qui exploite depuis le 10 juin 1996 une entreprise individuelle de maçonnerie, ne conteste pas utilement l'évaluation de son chiffre d'affaires à laquelle s'est livré le vérificateur à partir des factures d'achat présentées et de la rémunération de l'exploitant ; que, le requérant n'apporte aucun élément comptable de nature à remettre en cause cette évaluation ; que dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à l'imposer selon le régime simplifié d'imposition à partir du 10 juin 1996, tant en matière d'impôt sur le revenu qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et à lui indiquer qu'il était soumis aux obligations découlant de l'article 54 du code général des impôts en matière de comptabilité ; que le requérant ne peut utilement invoquer une instruction administrative, selon laquelle le plafond du chiffre d'affaires à retenir pour déterminer le régime d'imposition des entreprises de maçonnerie serait de 500 000 francs, ni sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une imposition primitive, ni sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, s'agissant d'une disposition qui serait alors contraire à la loi fiscale ;

Considérant que si M. X conteste avoir opté pour le régime simplifié d'imposition en cochant dans la déclaration d'existence qu'il a souscrite le 10 juin 1996, soit le jour du début de son activité, auprès du centre de formalités des entreprises la case correspondant à ce régime, tant en matière d'impôt sur les bénéfices qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'absence d'option pour le régime simplifié d'imposition est sans incidence dès lors qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus que le requérant était soumis de plein droit à ce régime ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'année 1997 :

Considérant, en premier lieu, que pour soutenir que le recours à une procédure d'imposition d'office était irrégulier, M. X reprend son argumentation de première instance ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient commis une erreur en écartant ce moyen par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration est tenue de mettre à la disposition du contribuable qui le demande les documents, obtenus dans l'exercice de son droit de communication, qui contiennent les renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; que si l'administration a exploité les informations contenues dans un procès-verbal d'audition de M. X dressé le 23 novembre 1999 par les services de police et qu'elle s'est procuré dans l'exercice de son droit de communication, le requérant n'a demandé à avoir connaissance de ce document que dans la réclamation qu'il a adressée à l'administration ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de l'irrégularité de la procédure d'imposition résultant de ce que le procès-verbal susmentionné ne lui a pas été communiqué ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui du moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des redressements notifiés, M. X reprend son argumentation de première instance ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient commis une erreur en écartant ce moyen par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter ;


En ce qui concerne l'année 1998 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…)./ Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ; qu'aux termes de l'article L. 76 du même livre : les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (…).

Considérant que, sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de cette procédure, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure ; qu'en particulier, le mandataire doit être destinataire des plis par lesquels le service notifie au contribuable, dans les conditions visées respectivement aux articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales, les redressements qu'il entend affecter aux bases de l'imposition du contribuable et les réponses qu'il formule aux observations présentées, le cas échéant, par l'intéressé sur ces redressements, ainsi que les éléments servant au calcul des impositions d'office auxquelles il envisage d'assujettir le contribuable ; que toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable est réputée régulière s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés ; qu'en revanche, lorsque ce pli est retourné par le service des postes à l'administration fiscale, faute d'avoir été retiré dans le délai imparti, il appartient à celle-ci de procéder à une nouvelle notification des mêmes actes au mandataire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a été informée le 22 janvier 2001, dans la réponse à une première notification de redressement, du mandat donné par M. X à son conseil ; que si la seconde notification a été régulièrement adressée, le 12 janvier 2001, au contribuable, le pli, qui n'a pas été réclamé dans le délai imparti, a été retourné par le service des postes à l'administration ; que, cette dernière n'ayant pas procédé à une nouvelle notification au mandataire désigné par le requérant, la procédure de redressement n'a pas été régulière ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, M. X est fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1998 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaire et du bénéfice imposable :

Considérant que M. X qui ayant été régulièrement imposé d'office, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions se borne à reprendre en appel l'ensemble des moyens développés devant les premiers juges, sans apporter aucun élément nouveau ; qu'ainsi, il n'établit pas que ces derniers auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens ;



En ce qui concerne le profit sur le Trésor et le bénéfice de la cascade en matière de bénéfice industriel et commercial :

Considérant que si le requérant conteste l'application qui lui a été faite du mécanisme du profit sur le Trésor et du bénéfice de la cascade en matière de bénéfice industriel et commercial, il résulte de l'instruction que, pour l'exercice clos en 1997, en l'état de l'imposition en litige telle qu'elle résulte du dégrèvement prononcé suite à la réclamation de l'intéressé, le service a admis intégralement la déduction « en cascade » du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ayant généré un profit sur le Trésor ;

Sur les pénalités :

Considérant que pour demander la décharge de la majoration de 40 p. 100 qui est appliquée lorsque les déclarations n'ont pas été déposées dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à les produire dans ce délai, M. X fait valoir, comme en première instance, que ne maîtrisant pas la langue française, il aurait été abusé par son comptable qui n'aurait pas rempli les fonctions qui lui avaient été confiées et qu'il connaissait mal les obligations fiscales et comptables pesant sur lui ; que ces circonstances sont sans incidence sur le bien-fondé de la majoration contestée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1998 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires:

Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel avec le comptable sur ce point, les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : M. X est déchargé de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1998 et des suppléments de droits et pénalités mis à sa charge en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1998.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 décembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mehmet X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.



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N° 06NC00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00412
Date de la décision : 31/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : SELAS JLA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-01-31;06nc00412 ?
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