Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2006, présentée pour M. Antoine X demeurant ...) ; Me Meyer ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti par avis de mise en recouvrement, en date du 27 novembre 2001, pour un montant en droits et pénalités de 54 192 F (8 261,52 €) ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les garanties de procédure prévues à l'article L 64 du livre des procédures fiscales ; l'administration a, en effet, usé de son pouvoir de requalification conféré par cette disposition en requalifiant le contrat d'usage en contrat de vente mais sans respecter les garanties afférentes à procédure de répression des abus de droit ; elle a de surcroît méconnu l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le requérant devait être regardé comme ayant reçu le pouvoir de disposer du véhicule le 29 septembre 1997, date à laquelle celui-ci avait acquitté la totalité du prix de vente, alors que le transfert du pouvoir de disposer du bien au sens de l'article 256-I I-10 du code général des impôts n'est intervenu que le 26 janvier 1998 ; le titre de propriété du véhicule est resté dans les mains de son propriétaire, la société durant toute la période au coures de laquelle le contrat « d'usage » était en vigueur ; ce n'est qu'à compter de cette date que le requérant a pu disposer librement du véhicule comme un propriétaire, c'est-à-dire notamment en mesure de le revendre ; à la date du transfert de propriété, le 26 janvier 1998, la taxe sur la valeur ajoutée française n'était pas due ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2006, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre conclut au rejet de la requête de M. X ;
Il soutient que :
- l'administration n'a ni remis en cause l'existence d'un acte ni dénoncé son caractère fictif mais a simplement critiqué ses conséquences fiscales et financières et n'était donc pas tenue de suivre la procédure prévue à l'article L 64 du livre des procédures fiscales et notamment de saisir le comité de répression des abus de droit ;
- l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme n'est pas applicable aux procédures relatives aux taxations fiscales ;
- le principe de la taxation au titre d'une acquisition intracommunautaire en France d'un véhicule neuf s'applique dès l'instant où l'acquéreur en a eu la disposition matérielle sur le territoire national ; dès lors que la livraison du bien est intervenue le 26 septembre 1997, date du premier acompte et de la conclusion du contrat « d'usage », c'est à cette date que le requérant a eu la dispositio,n matérielle et effective, du véhicule, qu'il a d'ailleurs assuré personnellement le même jour ; à cette date, le véhicule était neuf au sens fiscal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007 :
; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
; et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vue de l'immatriculation en France d'un véhicule de marque Mercedes, modèle C 250 DT, acquis auprès des établissements Daimler-Benz à Fribourg (Allemagne), pour un montant TTC de 56 289,05 DM (28718,90 €), M. X s'est fait délivrer en février 1998 par la recette des impôts de Mulhouse-Est un certificat d'acquisition d'un véhicule terrestre à moteur en provenance de l'Union européenne par une personne non identifiée à la taxe sur la valeur ajoutée, sur lequel il avait indiqué que ledit véhicule avait été livré le 26 janvier 1998 avec un kilométrage de 19625 km et était, dès lors, soumis au régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules achetés d'occasion par des particuliers ; qu'à la suite de renseignements recueillis dans le cadre de l'assistance administrative internationale, l'administration fiscale a regardé cet achat comme une acquisition intracommunautaire d'un véhicule neuf et soumis en conséquence cette opération à la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 33 817 F ( 5 155,37 €);
Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition contestée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (…) c) (…) qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention./ L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit… » ;
Considérant qu'il résulte tant de la notification de redressement, de la réponse aux observations du contribuable que de ses mémoires produits devant le tribunal administratif et la Cour, que le service n'a à aucun moment dénoncé comme fictif le contrat d'usage passé avec le concessionnaire allemand dont se prévaut le requérant ni remis en cause sa réalité ; que le service n'a pas davantage recherché si ledit contrat, qui n'avait d'ailleurs pas été présenté par le contribuable auprès de l'administration, avait été passé dans l'unique but d'atténuer les charges fiscales que celui-ci aurait supportées eu égard à sa situation réelle ; que l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient le requérant, requalifié ce contrat d'usage en contrat de vente mais a seulement considéré que l'acquisition du véhicule au sens de l'article 298 sexies du code général des impôts était intervenue non à la date de livraison déclarée par le contribuable mais à la date à laquelle M. X avait procédé au paiement du prix et fait livrer ledit véhicule ; qu'en se bornant à apprécier la situation du contribuable au regard des dispositions de l'article 298 sexies du code général des impôts et en requalifiant juridiquement les faits tels qu'exposés par ce dernier en vue de la délivrance du certificat susmentionné, l'administration ne s'est pas placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit et a pu légalement, et sans méconnaître, en tout état de cause, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, notifier à M. X le redressement dont s'agit suivant la procédure contradictoire de redressement ; que, par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le requérant n'est fondé à soutenir ni que l'administration était tenue de suivre la procédure prévue pour la répression des abus de droit ni qu'il aurait été irrégulièrement privé des garanties attachées à cette procédure ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 298 sexies du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs effectuées par des personnes mentionnées au 2° du I de l'article 256 bis ou par toute autre personne non assujettie./ … III … 2. Sont considérés comme moyens de transport neufs : … b. les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6000 kilomètres… » ; qu'aux termes du I de l'article 256 bis dudit code : « … 3° Est considérée comme acquisition intracommunautaire l'obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d'un bien meuble corporel expédié ou transporté en France par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur à partir d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. » ;
Considérant que M. X fait valoir qu'il a conclu le 26 septembre 1997 avec le concessionnaire Mercedes-Benz de Fribourg (Allemagne) un contrat « d'usage » aux termes duquel il a obtenu, à partir de cette date, l'usage de la voiture en cause, dont il n'est devenu propriétaire que le 26 janvier 1998, date d'émission de la facture du fournisseur précisant que le véhicule est vendu d'occasion et portant la mention du paiement de la taxe allemande au taux de 15 % et soutient que le transfert de propriété, fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, n'a pu avoir lieu qu'à cette date ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le requérant avait signé le 23 juin 1997 un bon de commande auprès de l'établissement Daimler-Benz précisant le genre du véhicule (Mercedes CD25DT) ainsi que son prix ; que le véhicule a été mis en circulation le 23 juillet 1997 ; que le requérant a réglé un acompte le 25 septembre 1997 et acquitté le solde le 29 septembre suivant ; qu'il est constant qu'à compter de cette date, ledit véhicule a été mis à la disposition matérielle de M. X, qui en a pris effectivement possession et qui était tenu d'ailleurs de l'assurer personnellement ; que, dans ces conditions, dès lors qu'à cette date la vente est réputée parfaite en raison de l'accord sur la chose et le prix et que le véhicule a été mis effectivement à la disposition du contribuable, le requérant doit être regardé comme ayant reçu le pouvoir de disposer comme un propriétaire du véhicule litigieux au plus tard à la date du 29 septembre 1997, sans qu'y fassent obstacle les clauses du contrat d'usage en vertu desquelles certains documents valant titre de propriété seraient conservés par le vendeur ou encore celles prévoyant que ledit véhicule aurait été susceptible d'être utilisé par ledit vendeur comme véhicule de démonstration ou encore de location ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le service a regardé l'acquisition du véhicule de M. X comme une acquisition intracommunautaire d'un véhicule neuf au sens de l'article 298 sexies précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Antoine X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N°06NC00035