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31/10/2007 | FRANCE | N°06NC01386

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 octobre 2007, 06NC01386


Vu le recours, enregistré le 16 octobre 2006, complété par des mémoires enregistrés respectivement les 20 mars, 21 juin et 20 août 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0301980, 0301986, en date du 29 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la SA Mudis, devenue depuis la SAS Mudis, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er juin

1996 au 31 mai 1999 ;

2°) de remettre ces impositions à la charge de la S...

Vu le recours, enregistré le 16 octobre 2006, complété par des mémoires enregistrés respectivement les 20 mars, 21 juin et 20 août 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0301980, 0301986, en date du 29 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la SA Mudis, devenue depuis la SAS Mudis, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er juin 1996 au 31 mai 1999 ;

2°) de remettre ces impositions à la charge de la SAS Mudis, ainsi que les pénalités y afférentes, à concurrence de la décharge prononcée en première instance pour un montant de 4 194,21 euros ;

Il soutient que :

- l'association Cefilec n'a fourni aucune prestation à la société, les factures correspondantes présentent un caractère fictif et, à défaut de lien direct entre les charges en cause et une recette taxable, la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait être déduite ;

- la preuve n'est pas apportée que les dépenses en cause font partie du coût des divers éléments constitutifs du prix d'une opération taxable en aval ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les cotisations versées à l'association Cefilec faisaient partie des frais généraux de l'entreprise ;

- en tout état de cause, qu'elle ait un lien direct avec une opération taxable ou qu'elle fasse partie des frais généraux de la société, la taxe d'amont devait, pour être déductible, avoir grevé des biens et services nécessaires à l'exploitation au sens de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- le tribunal administratif s'est fondé à tort sur le dégrèvement prononcé en matière d'impôt sur les sociétés ;

- la taxe sur la valeur ajoutée facturée ne pouvait ouvrir droit à déduction dès lors qu'elle ne correspondait pas à des biens ou services réellement acquis par la société ;

- les cotisations versées ne sont la contrepartie d'aucune prestation de service individualisée ou individualisable au profit de la société ;

- la société Mudis n'était en tout état de cause pas susceptible de bénéficier des prestations de formation dispensées par l'association Cefilec ;

- la doctrine invoquée par la société sur le fondement de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales concerne le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et non le droit à déduction de celle-ci ;

- à défaut de lien direct avec une prestation individualisable, les sommes en cause se trouvent placées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et c'est, par conséquent, à tort qu'elles ont été soumises à la taxe ;

- en sa qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et de membre de l'association Cefilec, la société ne pouvait ignorer cette situation et aurait dû pour le moins s'assurer que l'association ne lui avait pas facturé à tort la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'elle était de surcroît susceptible de bénéficier des exonérations prévues par les articles 261-7-1° b et 261-4-4° a du code général des impôts en faveur des organismes sans but lucratif et organismes dispensant des prestations de formation professionnelle continue ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés respectivement les 2 février, 9 mai et 8 août 2007, présentés pour la SAS Mudis, représentée par son président en exercice, par Me Lelièvre, de la S.C.P. Dutoit-Fouques-Carluis et associés, avocat, tendant au rejet du recours du ministre et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SAS Mudis soutient que :

- le versement de ces cotisations présente bien pour elle un intérêt, lié à la préservation de l'appartenance au « Mouvement E. Leclerc », alors que son refus aurait constitué un motif d'exclusion du groupe et de résiliation du contrat de panonceau et que, d'ailleurs, tous les centres Leclerc ont adhéré à l'association Cefilec ;

- ce versement comporte pour elle des contreparties du fait des avantages de clientèle et de prix liés au renom de l'enseigne et aux économies et ristournes obtenues grâce au référencement national et à l'utilisation des centrales d'achat à forme coopérative ;

- elle pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant affecté des dépenses qui ont le caractère de frais généraux et présentent donc un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique qui est, dans son intégralité, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- elle était susceptible de bénéficier des prestations de l'association Cefilec et son droit à déduction de la taxe reste acquis même si, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, elle n'en a pas fait usage ;

- elle peut invoquer à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative 3 D-4-99 du 28 septembre 1999 ;

- en tout état de cause, les dépenses dont s'agit sont nécessaires à son exploitation, au sens de l'article 230-1 de l'annexe II au code général des impôts, et contribuent au développement de son chiffre d'affaires ;

- elle peut se prévaloir à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée sous le n° 3 CA-94, du 8 septembre 1994, qui admet que le service rendu puisse être collectif ;

- à supposer même que les cotisations en cause aient été soumises à tort à la taxe sur la valeur ajoutée, cette circonstance reste sans incidence sur son droit à déduction de la taxe acquittée de bonne foi, dès lors qu'il n'est pas manifeste que l'association n'était pas assujettie et qu'il n'est pas allégué que l'association Cefilec serait effectivement exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2007 :

- le rapport de M. Montsec, président ;

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions du ministre :

Considérant que la SA Mudis, devenue la SAS Mudis, qui exploite un supermarché à Mulhouse (Meuse), sous l'enseigne « E. Leclerc », a entendu exercer un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux cotisations qu'elle a versées à l'association Cefilec, constituée au sein du réseau de sociétés dont elle est membre ; que, suite à un contrôle sur pièces, l'administration, estimant que cette dépense n'était pas nécessaire à l'exploitation de l'entreprise, a remis en cause cette déduction et a notifié à la société les rappels de taxe correspondants ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué prononçant la décharge desdits rappels ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271-1 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…) » ; que l'article 230-1 de l'annexe II au même code, alors applicable, précise que « La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (…) » ;

Considérant que, si l'association Cefilec a pour objet social « dans le cadre du mouvement Leclerc, de promouvoir la formation de tout personnel, employés, agents de maîtrise ou cadres, travaillant ou se destinant à travailler dans les magasins centres distributeurs E. Leclerc, en France ou à l'étranger », il est constant qu'elle n'a dispensé au cours de la période litigieuse aucune formation aux personnels de la SAS Mudis et ne lui a fourni aucune prestation individualisée ou individualisable, de sorte que, comme le soutient l'administration, les cotisations versées par cette société ne sauraient être regardées comme nécessaires à l'exploitation de l'entreprise au sens des dispositions de l'article 230-1 de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'en contrepartie des avantages de clientèle et de prix de revient liés au renom de l'enseigne et aux économies ou ristournes réalisées sur les approvisionnements grâce à un « référencement national » des fournisseurs et à l'utilisation de centrales d'achat à forme coopérative que lui procure l'appartenance au réseau des centres de distribution « E. Leclerc », la SAS Mudis est tenue de respecter diverses obligations contractuelles et notamment de participer aux associations telles que la Cefilec ayant pour objet des actions de développement à l'étranger du réseau auquel elle a adhéré ; que le manquement à ces obligations entraîne l'exclusion du groupement et la résiliation par voie de conséquence du contrat de panonceau ; que, dans ces conditions, les cotisations versées à l'association Cefilec doivent être regardées comme faisant partie des frais généraux de cette société, inhérents à son appartenance au « Mouvement Leclerc », et comme constituant, ainsi, un élément du prix des produits de l'entreprise ; qu'elles sont, dès lors, en principe, en lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de la société et donc de nature à permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui les a grevées ; que, si le ministre soutient que l'association Cefilec est susceptible de bénéficier des exonérations prévues en faveur des organismes sans but lucratif ou dispensant des prestations de formation professionnelle continue, il n'établit pas, ni même n'allègue, que tel était le cas en l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assignés à la SAS Mudis au titre de la période considérée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros, à verser à la SAS Mudis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Mudis une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SAS Mudis.

2

N° 06NC01386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01386
Date de la décision : 31/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : DUTOIT FOUQUES CARLUIS LELIEVRE GUERIN SATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-31;06nc01386 ?
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