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22/10/2007 | FRANCE | N°06NC00161

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2007, 06NC00161


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 30 janvier 2006,

18 et 27 septembre 2007, présentés pour M. et Mme Didier X demeurant ..., par Me Lucas, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200648 en date du 29 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation in solidum de l'Etat et de la commune de Ville-Sous-La-Ferte à leur verser la somme de 36 862,17 euros en réparation de leur préjudice, et celle de 1 067,14 euros au titre de l'a

rticle L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner in solidum...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 30 janvier 2006,

18 et 27 septembre 2007, présentés pour M. et Mme Didier X demeurant ..., par Me Lucas, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200648 en date du 29 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation in solidum de l'Etat et de la commune de Ville-Sous-La-Ferte à leur verser la somme de 36 862,17 euros en réparation de leur préjudice, et celle de 1 067,14 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner in solidum l'Etat et la commune de Ville-Sous-La-Ferte à leur verser la somme de 36 862,17 euros avec intérêts de droit ;

3°) de condamner sous la même solidarité l'Etat et la commune de Ville-Sous-La-Ferte à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de l'Etat à raison de sa carence et de sa passivité à imposer à l'exploitant le respect des normes relatives tant aux bruits qu'aux rejets de concentrés dans l'atmosphère, ce, depuis l'ouverture de cette usine le 1er janvier 1995 jusqu'à leur départ en juin 1999 ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de la commune à raison des fautes qu'elle a commises tant dans la délivrance de l'autorisation de réaliser des travaux dans l'usine en cause que dans la carence du maire à exercer ses attributions en matière de police de la tranquillité et de la salubrité ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à exonérer les défendeurs de leur responsabilité ;

- le préjudice, anormal et spécial, subi par eux peut être évalué, d'un point de vue matériel, à la perte de la valeur locative et non vénale de l'immeuble soit une somme de 14 635,11 euros majorée des intérêts légaux ; s'agissant des troubles de toute nature dans leurs conditions d'existence, il sera fait une juste appréciation en les fixant à une somme de 22 227,06 euros avec intérêts de droit ; qu'ils sollicitent la capitalisation par le mémoire du 21 septembre 2007 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu, enregistré le 10 mai 2006, le mémoire en défense présenté pour la commune de Ville-Sous-La-Ferte, représentée par son maire, par Me Honnet, avocat, tendant au rejet de la requête, à la condamnation de M. et Mme X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que:

- s'agissant de la délivrance de l'autorisation de réaliser les travaux dans l'usine, les requérants n'établissent pas que le maire aurait méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ni celles de l'article R. 421-3-2 dudit code ; de plus, les dispositions de l'article R. 111-2 précité ne s'appliquent pas aux installations classées ;

- s'agissant des troubles de toute nature qu'ont subis les requérants, ces derniers n'établissent pas lui avoir transmis l'ensemble des documents en cause (DRIRE, APAVE…) qui lui aurait permis d'apprécier le trouble et de mesurer son impact sur les mesures éventuelles à prendre ; il est d'ailleurs à noter que depuis octobre 2000, le personnel ne travaille que de 7h00 à 14h30 ; que le cyclone a été arrêté en juillet 2002 et que la presse et le vernissage avaient été interrompus en septembre 1998 ;

- les époux n'ont subi aucune perte de valeur vénale dès lors que la vente a été réalisée à un prix de 68 600 euros estimation la plus haute produite par eux en 2002 ;

Vu enregistré le 24 septembre 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables tendant au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux développés en 1ère instance par le préfet dans ses mémoires auxquels il demande à la Cour de se reporter, mentionnant en outre, qu'il était en droit de laisser l'activité se poursuivre eu égard aux intérêts en jeu et à l'absence de contravention aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'il justifie néanmoins être intervenu pour satisfaire les demandes des époux X à chacune de leurs interventions ; que ces derniers n'établissent pas le préjudice dont ils sollicitent l'indemnisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2007 :

- le rapport de M. Job, président ;

-et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X recherchent la responsabilité solidaire de l'Etat et de la commune de Ville-Sous-La-Ferte en raison du préjudice financier et des troubles de toute nature qu'ils ont subis du fait de la carence desdites autorités à mettre en oeuvre les différentes mesures de police destinées à imposer à la société Champenoise de Bois Cintrés (CBC), installation classée pour la protection de l'environnement voisine de leur habitation, des conditions d'activité respectant la salubrité et la tranquillité publiques ;

Sur la responsabilité des personnes publiques :

En ce qui concerne la commune :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'entre le 1er janvier 1995, début de l'exploitation de la société CBC, et leur propre départ de la commune en juin 1999, M. et Mme X auraient demandé au maire de la commune de Ville-Sous-La-Ferte de faire cesser les troubles qu'ils subissaient du fait de l'exploitation de l'usine en cause ; que le moyen tiré de la carence du maire à exercer ses pouvoirs de police est, dès lors, infondé ;

Considérant, en second lieu, que la faute alléguée qui résulterait de l'illégalité de la décision du

6 février 1995 par laquelle le maire a délivré une autorisation de travaux concernant l'immeuble en cause est sans lien avec le préjudice invoqué résultant uniquement de l'exploitation anormale de son usine par la société CBC ; qu'ainsi, M. et Mme X ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune ;

En ce qui concerne l'Etat :

Considérant qu'après une année d'activité sans autorisation administrative, la société CBC, dont l'activité est la production d'aménagements intérieurs de voitures haut de gamme, a été autorisée à exploiter, par arrêté du préfet de l'Aube du 30 janvier 1996, une installation classée pour la protection de l'environnement comprenant une unité d'application à froid et pulvérisation de vernis ou de peinture à base de liquides inflammables, et un atelier de bois usant d'un transformateur de 600 KW ; qu'il est constant que, du 1er janvier 1995 jusqu'à leur départ en 1999, M. et Mme X ont eu à subir, certes en diminution due aux interventions des différents services de l'Etat auprès de la société, des nuisances olfactives et acoustiques dépassant, à l'origine très notablement les normes réglementaires acceptables ; que si les activités mettant en oeuvre la presse et le vernissage au polyester ont été interrompues en septembre 1998, l'Etat a reconnu, en novembre suivant, qu'il y avait lieu de mettre la société en demeure de faire cesser la gêne et de faire réaliser, dans le délai d'un mois, de nouvelles mesures acoustiques et de rejets atmosphériques ; qu'une analyse de l'APAVE a établi que le rejet des effluents gazeux issus de la cabine de vernissage était encore supérieur à la norme fixée par l'arrêté ministériel du 2 février 1998, la concentration en COV étant toujours supérieure à celle admise dans l'arrêté préfectoral, alors que le bruit, bien qu'en diminution constante, laissait perdurer une petite émergence de nuit de 5 à 7 db(A) ; que si l'Etat admet qu'eu égard aux emplois concernés dans un secteur difficile, ses services ont privilégié, durant quatre ans, le dialogue à la mise en oeuvre de moyens coercitifs, ce choix qui ne peut être opposé valablement aux requérants, constitue, dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager sa responsabilité à leur égard ;

Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne le préjudice matériel, si M. et Mme X demandent une somme représentative des loyers qu'ils auraient pu tirer d'une location de l'immeuble depuis leur départ, en 1999, jusqu'à sa vente en 2002, au prix du marché, ils n'établissent pas, alors que les troubles olfactifs et acoustiques étaient réduits au minimum, avoir proposé avant 2002 leur immeuble à la location, ni avoir subi un seul refus pour les motifs sus-énoncés ; que, d'autre part, en ce qui concerne la réparation du trouble qu'ont subi M. et Mme X dans leurs conditions d'existence, il en sera fait une juste appréciation en fixant l'indemnité correspondante à la somme de 10 000 euros tous intérêts confondus à la date du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à demander l'annulation du jugement et la condamnation de l'Etat à réparer le dommage qu'ils ont subi ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Ville-Sous-La-Ferte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme X réclament au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et, d'une part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens, d'autre part, de mettre à la charge de M. et

Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Ville-Sous-La-Ferte et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2005 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : L'Etat (ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables ) est condamné à verser à M. et Mme X la somme de 10 000 euros (dix mille euros) tous intérêts confondus à la date du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables ) versera à M. et Mme X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. et Mme X verseront à la commune de Ville-Sous-La-Ferte la somme de

1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables et à la commune de Ville-Sous-La-Ferte.

Copie en sera adressée au Préfet de l'Aube.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00161
Date de la décision : 22/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : LUCAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-22;06nc00161 ?
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