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22/10/2007 | FRANCE | N°05NC00614

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2007, 05NC00614


Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 18 mai et 9 août 2005, 26 mai et 3 juillet 2006, présentés pour la société SIAT et LANG dont le siège est 20 route de Carspach à Altkirch (68130) représentée par son président, par Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

La société SIAT et LANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0400227 du 15 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 14 janvier 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenci

ement de Mme Irène X ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°) de condamner Mm...

Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 18 mai et 9 août 2005, 26 mai et 3 juillet 2006, présentés pour la société SIAT et LANG dont le siège est 20 route de Carspach à Altkirch (68130) représentée par son président, par Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

La société SIAT et LANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0400227 du 15 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 14 janvier 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme Irène X ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

3°) de condamner Mme X à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé, qu'il est insuffisamment motivé et entaché d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal a dénaturé les faits en regardant la recherche de classement dans des fonctions comparables comme ayant été effectuée sans examen particulier ;

- par l'effet dévolutif, il y aura lieu de rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ;

- s'agissant des allégations relatives aux informations du comité d'entreprise, de l'information, de la signature, des réunions diverses et de l'ordre des licenciement, les moyens sont infondés, ou inopérants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu, enregistrés les 8 février, 3 juillet et 26 octobre 2006, les mémoires en défense présentés pour Mme Irène X demeurant ..., par Me Monheit, avocat, tendant au rejet de la requête, à la condamnation de SIAT à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le moyen tenant à l'irrégularité du jugement manque en fait ;

- l'enquête prévue par l'article R. 436-4 al.1 du code du travail et menée par l'inspecteur n'était pas complète dès lors qu'il s'est contenté d'une vérification d'identité sans procéder à une enquête relative aux efforts de reclassement prévue par l'article L. 321-1 al 3 du même code, ce qui justifie une substitution du motif d'annulation ;

- la consultation du comité d'entreprise a été irrégulière tant en ce qui concerne l'énonciation des mandats dans l'ordre du jour du comité d'entreprise que la convocation des membres dudit comité ; au surplus, le comité n'a pas reçu les informations nécessaires prévues par l'article L. 431-5 al.2, le procès verbal n'est pas signé du président de séance, s'agissant des consultations relatives à un projet de licenciement collectif, la société ne démontre pas qu'elle a observé les dispositions prévues aux articles L. 321-3 ou L. 321-7-1 du code du travail ; au surplus, il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'à la demande de licenciement était jointe la copie de la notification faite au directeur du travail en violation de l'article R. 436-5 du code ;

- s'agissant de l'ordre des licenciements, il n'est pas établi, faute d'éléments, qu'elle se trouvait bien dans le cadre du licenciement collectif ;

- aucune proposition de reclassement ne lui a été adressée alors qu'un emploi similaire

existait ;

Vu enregistré le 20 mars 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires sociales , du travail et de la solidarité qui précise qu'il n'a pas d'autres observations à présenter que celles qui ont été produites devant le tribunal, auxquelles il se réfère et qu'il joint ;

Vu enregistré le 9 octobre 2006, le mémoire présenté pour la société SIAT et LANG représentée par son président et par Me Mulhaupt, domicilié résidence Le Square, 11 rue du Mittelbach à Mulhouse (68050) pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société, par Me Gatineau, avocat ;

Me Mulhaupt fait valoir que la société ayant été mise en règlement judiciaire, il reprend les observations déposées par elle devant la Cour dont il se prévaut à l'appui de l'instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 9 décembre 2005 du bureau d'aide juridictionnelle accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%) à Mme Irène X et désignant Me Monheit en qualité d'avocat ;

Vu l'ordonnance en date du 3 novembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2007 :

- le rapport de M.Job, président,

- les observations de Me Mai, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'en constatant que le poste occupé par Mme X au service «création» de la société industrielle Altkirchoise de textiles (SIAT) était un poste unique, sans équivalent dans la société Emmanuel Lang Textiles, sa filiale, puis, en relevant que l'employeur aurait dû, néanmoins, examiner les possibilités de reclassement de l'intéressée dans des fonctions comparables au sein du groupe de sociétés pour en déduire que la situation de cette employée n'avait pas été l'objet d'un examen particulier de la part de son employeur, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, entaché son jugement de contrariété de motifs ; que, d'autre part, en se bornant à constater l'absence d'examen particulier de la situation de Mme X par son employeur, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ; qu'enfin la circonstance que l'ampliatif du jugement n'ait pas été signé n'entache pas ce dernier d'irrégularité ;

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis de ces fonctions bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ses salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, tel qu'il est défini à l'article L. 321-1 du code du travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel elle appartient ; que pour être regardée comme satisfaisante, l'offre de reclassement offerte au salarié ne doit notamment pas modifier substantiellement la nature de son emploi ;

Considérant que salariée de SIAT depuis 39 ans, Mme X, déléguée du personnel et membre suppléante du comité d'entreprise, était employée au service création dans un poste consistant, notamment, au contrôle des pièces en début de production ; que SIAT, qui connaissait les difficultés économiques et financières dues à la situation catastrophique de la filière textile, s'est restructurée et a fusionné avec la société Emmanuel Lang Textiles durant l'année 2003, la première regroupant les services administratifs et commerciaux, la seconde regroupant les moyens de production ; qu'un nombre important d'emplois a été supprimé dans le cadre d'un plan concerté avec les autorités administratives de sauvegarde de l'emploi ; qu'il ressort des pièces du dossier que la tâche de Mme X, unique dans la société, a été intégrée dans celle des ouvrières de production; que la société n'a pu, compte tenu de la nature de son emploi, proposer à l'intéressée un emploi équivalent au sien dans le groupe auquel la société appartient dès lors que ledit emploi n'était pas affecté à la production, et que toute proposition de reclassement dans des emplois différents, modifiant d'ailleurs substantiellement la nature du sien, était inenvisageable sans l'éviction d'une autre salariée ; qu'ainsi, SIAT doit être regardée comme ayant rempli ses obligations à l'égard de son employée, sans que cette dernière puisse voir en janvier 2003, dans une tâche ponctuelle et exceptionnelle qui lui a été confiée au moment de la préparation des salons de Lille et Paris lors de son retour dans l'entreprise après un important arrêt de travail, l'émergence d'un emploi de nature permanent qui aurait dû lui être offert ; que, par suite, SIAT est fondée à soutenir qu'en considérant que la société SIAT n'avait pas examiné toutes les possibilités de reclassement de Mme X, le tribunal a commis une erreur dans l'appréciation des faits de l'espèce ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme X devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des article L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre d'un délégué du personnel titulaire ou suppléant ou d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni l'ordre du jour mentionné dans la convocation adressée le 18 novembre 2003 aux membres du comité d'entreprise de SIAT, ni le procès verbal de la réunion dudit comité tenue le 21 novembre 2003 qui donnait un avis sur le licenciement de cinq salariés de l'entreprise, dont Mme X, ne mentionnaient les mandats dont cette dernière était détentrice, la société s'étant bornée à mentionner comme ordre du jour le projet de licenciement de représentants du personnel ; qu'à supposer que les membres du comité n'aient pu ignorer la qualité de suppléante à leur comité de Mme X, en revanche, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer qu'ils aient eu la connaissance de celle de déléguée du personnel titulaire de l'intéressée ; que, dans ces conditions, le vote émis par le comité d'entreprise était entaché d'une irrégularité qui entachait d'illégalité la décision de l'inspecteur du travail ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que SIAT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 14 janvier 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme X ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de SIAT et LANG est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SIAT et LANG, à Me Mulhaupt administrateur judiciaire de la société SIAT et LANG, à Mme Irène X et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

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05NC00614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00614
Date de la décision : 22/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP MONHEIT LOOS ANDRE MAI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-22;05nc00614 ?
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