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22/10/2007 | FRANCE | N°05NC00145

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2007, 05NC00145


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2005, présentée pour M. et Mme Jean-Michel X et pour M. Jean-Philippe X, domiciliés à ..., par Me George, avocat ;

Ils demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n°0100221 du 6 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 15 avril 1999 par laquelle le Préfet de l'Aube a autorisé le transfert d'éligibilité aux aides compensatoires aux surfaces et au cheptel pour 20 hectares et 86 ares dont ils sont propriétaires ;

2°/

d'annuler la décision du 15 avril 1999 du Préfet de l'Aube ;

3°/ de condamner le Pré...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2005, présentée pour M. et Mme Jean-Michel X et pour M. Jean-Philippe X, domiciliés à ..., par Me George, avocat ;

Ils demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n°0100221 du 6 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 15 avril 1999 par laquelle le Préfet de l'Aube a autorisé le transfert d'éligibilité aux aides compensatoires aux surfaces et au cheptel pour 20 hectares et 86 ares dont ils sont propriétaires ;

2°/ d'annuler la décision du 15 avril 1999 du Préfet de l'Aube ;

3°/ de condamner le Préfet de l'Aube à leur verser la somme de 36 588 euros au titre de la réparation du préjudice ;

4°/ de condamner le Préfet de l'Aube à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité tenant à l'absence de motivation du 1er moyen de rejet, le tribunal se contentant d'un simple rappel des règles en vigueur ;

- s'agissant de la circulaire du 11 février 1998, elle ne prévoit pas l'information des propriétaires, et elle a été méconnue dès lors qu'en application de l'article L. 411-29 du code rural, le préfet devait tenir compte de l'opposition des propriétaires ; aucun document d'accompagnement n'a été fourni par l'EARL Y ; l'information relative aux travaux est insuffisante dès lors qu'elle ne précise pas la modification de l'éligibilité des parcelles aux aides communautaires ; au surplus, le projet émanant de l'EARL Y n'a jamais été porté à la connaissance des propriétaires ;

- l'illégalité de la décision constitue une faute dont l'Etat est responsable ; le préjudice subi par M. Jean-Philippe X s'élève à la somme d'environ 9 141 euros par an soit 36 588 euros pour les campagnes 2001-2005 à parfaire ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu enregistré le 12 avril 2006, le mémoire en réponse au moyen d'ordre public présenté pour M. et Mme Jean-Michel X, et M. Jean-Philippe X par Me George, avocat, précisant qu'en ce qui concerne l'action en indemnisation, l'administration a lié le contentieux en première instance, et qu'en ce qui concerne l'incompétence du ministre pour édicter une circulaire de nature réglementaire, elle est opposable au préfet ;

Vu enregistré les 3 mai 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche tendant au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait ;

- les conclusions à fin indemnitaire sont irrecevables dès lors que le contentieux n'est pas plus lié que ces conclusions n'ont été soumises au tribunal ;

- il n'a édicté aucune règle nouvelle dans sa circulaire dès lors qu'en application de l'article

L. 411-29 du code rural, il appartient au seul preneur d'informer le bailleur, quel que soit le motif d'évolution de l'affectation projetée des parcelles louées ;

- au vu de l'attestation de défaut de contestation de l'opération par M. X, le préfet avait compétence pour prendre acte du transfert d'éligibilité effectuée par le preneur ; subsidiairement, la décision préfectorale du 15 avril 1999 a été valablement adoptée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistré le 7 juin 2007, le mémoire présenté pour M. Daniel Y demeurant ..., par Mes Peignard et Garreau, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, tendant au rejet de la requête, à la condamnation des consorts ACKER à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Y soutient que :

- le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité dès lors qu'il a statué amplement sur l'application de l'article L. 411-29 du code rural ;

- la demande s'est inscrite dans l'application de ces dispositions législatives et il n'appartient pas à la juridiction administrative de s'immiscer dans les rapports de droit privé entre bailleur et locataire ;

- tant les dispositions communautaires que la circulaire du 11 février 1998 du ministre de l'agriculture ont été respectées ;

- la demande d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est justifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le règlement (CE) n° 1765 / 92 du 30 juin 1992 modifié ;

Vu le règlement (CE) n° 658 / 96 du 9 avril 1996 ;

Vu le code rural ;

Vu le code civil ;

Vu la circulaire DPE / SPM / C98-4003 du 11 février 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2007 :

- le rapport de M. Job, président,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du Préfet de l'Aube sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992 modifié, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, dans sa rédaction issue de l'article 1er du règlement (CE) n°231/94 du Conseil du 24 janvier 1994 : Les demandes concernant le paiement compensatoire et les déclarations de gel ne peuvent être présentées pour des terres qui ont été consacrées au pâturage permanent, aux cultures permanentes, aux forêts ou à des utilisations non agricoles au 31 décembre 1991. / Les États membres peuvent déroger, dans des conditions à déterminer, au premier alinéa pour tenir compte de certaines situations spécifiques, notamment en ce qui concerne les superficies engagées dans un programme de restructuration ou les superficies portant des cultures arables pluriannuelles entrant normalement en rotation avec les cultures visées à l'annexe I. Dans ce cas, les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter que l'application de telles dérogations conduise à une augmentation significative de la surface agricole totale éligible. Ces mesures peuvent prévoir notamment la possibilité de considérer comme inéligibles des superficies qui étaient auparavant éligibles en lieu et place d'autres superficies devenues éligibles. / Les États membres peuvent également déroger au premier alinéa pour tenir compte de certaines situations spécifiques liées à l'une ou l'autre forme d'intervention publique lorsque cette intervention amène un agriculteur à cultiver des terres précédemment considérées comme inéligibles afin de poursuivre son activité agricole normale et si l'intervention en question dispose que des terres initialement éligibles ne le sont plus de manière que la quantité totale de terres éligibles ne soit pas augmentée de façon significative. / En outre, les États membres peuvent, pour certains cas non couverts par les deux alinéas précédents, déroger au premier alinéa, s'ils apportent la preuve dans un plan soumis à la Commission que la quantité totale de terres éligibles reste inchangée. ; qu'aux termes de § 5 de l'article 2 du règlement CE n°658-96 de la commission du 9 avril 1996 : Les cas visés à l'article 9 quatrième alinéa du règlement (CEE) n° 1765/92 sont ceux où un producteur est tenu d'échanger des terres inéligibles contre des terres éligibles de son exploitation pour des raisons agronomiques, phytosanitaires, ou environnementales. En aucun cas, l'échange ne doit entraîner une augmentation de la superficie totale de terres arables éligibles de l'exploitation. Les Etats membres prévoient un système de notification préalable et d'approbation de tels échanges. (…).; qu'aux termes de l'article L. 411-29 du code rural : Nonobstant les dispositions de l'article 1766 du code civil mentionnées à l'article L. 411-27, le preneur peut, afin d'améliorer les conditions de l'exploitation, procéder soit au retournement de parcelles de terres en herbe, soit à la mise en herbe de parcelles de terres, soit à la mise en oeuvre de moyens culturaux non prévus au bail. A défaut d'accord amiable, il doit fournir au bailleur, dans le mois qui précède cette opération, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une description détaillée des travaux qu'il se propose d'entreprendre. Le bailleur peut, s'il estime que les opérations entraînent une dégradation du fonds, saisir le tribunal paritaire, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'avis du preneur. Le preneur peut s'exécuter ou faire exécuter ces travaux si aucune opposition n'a été formée ou si le tribunal paritaire n'a pas admis la recevabilité ou le bien-fondé des motifs de l'opposition du bailleur.; qu'enfin, aux termes de l'article 4 du 2.1.4. de la circulaire DPE/SPM/C98/4003 du 11 février 1998 relative aux déclarations de surface et demandes de paiement compensatoire à certaines cultures arables dans le cadre de la politique agricole commune pour l'année 1998 : « … Lorsque tout ou partie des terres concernées par le transfert d'éligibilité fait l'objet d'un contrat de fermage, le preneur doit respecter les obligations qui lui incombent au titre de l'article L. 411-29 du code rural - (notification préalable au bailleur). Vous demanderez en ce cas à l'exploitant copie de l'accord amiable du bailleur; à défaut d'accord amiable vous lui demanderez la « description détaillée des travaux » prévue par le code rural, envoyée au bailleur par lettre recommandée, ainsi que copie de l'accusé de réception correspondant datant de plus d'un mois. L'exploitant vous attestera, en outre, que le bailleur n'a pas saisi le tribunal paritaire dans le délai qui lui était imparti. Si le bailleur vous informe que le tribunal paritaire a été saisi conformément au code rural, vous différerez votre décision sur la demande déposée par le preneur dans l'attente d'une décision de justice » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y était titulaire d'un bail agricole pour des terrains d'une contenance de 76 hectares 51 ares et 90 centiares situés sur les communes de ... et de ... que lui avaient consenti les époux ACKER ; que, pour l'installation de leur fils, ces derniers lui ont donné congé des terrains en cause par acte du 17 avril 1998 ; que par lettre recommandée du 5 mai 1998, M. Y a informé ses bailleurs qu'il désirait procéder à la remise en état de pré des parcelles YW 27, YW 26, YH 2, ZX 5 et ZX 37 pour une superficie de 20 ha 86 ares, et, par courrier du 19 juin 1998, a demandé au préfet de l'Aube de transférer l'éligibilité aux aides communautaires dont bénéficiaient les terrains comprenant ces parcelles sur des parcelles non incluses dans les terres prises à bail, demande refusée par décision du 29 septembre 1998 ; qu'à la suite d'une seconde demande de transfert présentée le 20 octobre 1998, le préfet de l'Aube a autorisé, par la décision attaquée du 15 avril 1999, que les parcelles YW 27, YW 26, YH 2, ZX 5 et ZX 37 susmentionnée soient rendues inéligibles aux aides compensatoires aux surfaces et au cheptel à compter de la campagne 1998-1999 pour une contenance de 19 ha 86 a. ; que le courrier adressé le 5 mai 1998 par M. Y, à ses bailleurs ne contenait aucune information sur le but qu'il fixait à la remise en état de leurs terres en nature de pré ; qu'il ne pouvait faire courir le délai d'opposition fixé par l'article L. 411-29 du code rural; que, par suite, l'attestation en date du 29 janvier 1999 du greffier du Tribunal d'instance de Bar Sur Seine précisant qu'aucune contestation d'éligibilité n'avait été déposée par M. ACKER devant la juridiction était dépourvue de tout effet ; que cette attestation pouvait d'autant moins être prise en compte par le préfet que par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 10 août 1998, l'administration avait été informée par M. et Mme ACKER de leur expresse opposition à toute demande de transfert d'éligibilité émanant de l' EARL Y ou de M. Y dont ils avaient eu subrepticement connaissance; qu'ainsi, par application directe de la circulaire susmentionnée, le préfet ne pouvait faire droit ni à la première demande de transfert déposée par l'EARL Y le 19 juin 1998 et rejetée le

29 septembre suivant, ni à celle déposée le 10 novembre 1998, quand bien même cette dernière y intégrait les objectifs communautaires, dès lors qu'il n'était pas justifié de l'envoi par lettre recommandée aux bailleurs de la « description détaillée des travaux » prévue par le code rural, ni produit l'accusé de réception correspondant datant de plus d'un mois ; que par suite, M. et Mme ACKER sont fondés à soutenir qu'en accordant à M. Y, gérant de l' EARL Y par décision du 15 avril 1999 que les parcelles YW 27, YW 26, YH 2, ZX 5 et ZX 37 soient rendues inéligibles aux aides compensatoires aux surfaces et au cheptel à compter de la campagne 1998-1999 en échange d'autres parcelles ne leur appartenant pas, le préfet a méconnu les dispositions impératives de la circulaire DPE / SPM / C98-4003 du 11 février 1998 et entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les consorts ACKER sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, qui doit être annulé, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande d'annulation de la décision susmentionnée du 15 avril 1999 du préfet de l'Aube ;

Sur les conclusions à fin de dommages-intérêts :

Considérant que, si dans le mémoire complémentaire produit devant le tribunal, le 13 juin 2003, M. ACKER a évoqué le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 15 avril 1999, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait présenté des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme représentative de ce préjudice; qu'ainsi, les conclusions sus mentionnées, nouvelles en appel sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux consorts ACKER, la somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0100221 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 6 janvier 2005, ensemble la décision n° PACAGE 010 009393 en date du 15 avril 1999 du Préfet de l'Aube sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Jean-Michel ACKER et à M. Jean-Philippe ACKER, la somme globale de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Michel ACKER, à M. Jean-Philippe ACKER, à M. Daniel Y et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

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05NC00145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00145
Date de la décision : 22/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS GEORGE ET CHASSAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-22;05nc00145 ?
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