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14/06/2007 | FRANCE | N°06NC01049

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2007, 06NC01049


Vu, I°), sous le n° 06NC01049, la requête enregistrée le 21 juillet 2006, présentée pour M. Denis X, demeurant ..., Mme Florence X épouse Y, demeurant ..., Mlle Agnès X, demeurant ... et Mme Arlette Z, demeurant ..., par Me Bouvier, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0301664 en date du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, d'une part, condamné le Centre psychothérapique de Laxou à verser à M. Denis X, Mme Florence Y et Mlle Agnès X une somme de 5 000 € chacun qu'ils estiment insuffisantes en réparatio

n du préjudice moral qu'ils ont subi par suite du décès de leur père, M. D...

Vu, I°), sous le n° 06NC01049, la requête enregistrée le 21 juillet 2006, présentée pour M. Denis X, demeurant ..., Mme Florence X épouse Y, demeurant ..., Mlle Agnès X, demeurant ... et Mme Arlette Z, demeurant ..., par Me Bouvier, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0301664 en date du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, d'une part, condamné le Centre psychothérapique de Laxou à verser à M. Denis X, Mme Florence Y et Mlle Agnès X une somme de 5 000 € chacun qu'ils estiment insuffisantes en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi par suite du décès de leur père, M. Denis X le 1er novembre 1999, et a, d'autre part, rejeté la demande de Mme Arlette Z tendant à la condamnation dudit établissement à lui verser une somme de 16 000 € en réparation du préjudice moral qu'elle a subi par suite du décès de son ex-époux ;

2°) de condamner le Centre psychothérapique de Laxou à leur verser chacun une somme de 16 000 € ;

3°) de condamner le Centre psychothérapique de Laxou à leur verser une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent que :

- le tribunal a fait une inexacte appréciation du préjudice des enfants de M. Jean X au regard de la gravité des faits qui sont à l'origine de son décès et des liens importants qui les unissaient au défunt ;

- nonobstant le divorce, Mme Z était restée proche de son mari dont elle continuait à s'occuper ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2007, présenté pour le Centre psychothérapique de Laxou par la SCP Mery-Dubois-Maire, tendant au rejet de la requête ;

Le Centre psychothérapique de Laxou soutient que :

- l'appel n'est pas justifié en ce qui concerne les enfants, le tribunal ayant appliqué sa jurisprudence actuelle ;

- Mme Z n'établit pas qu'elle a conservé des liens affectifs avec son ex-époux ;

- la cause du décès ne peut être exclusivement imputée à la prise en charge du patient ;

- il est prématuré de se prononcer sur les responsabilités, aucune décision pénale n'étant intervenue ;

- le procès n'a pas été inéquitable puisqu'ont été utilisées les données d'une instruction pénale à laquelle le centre n'était pas partie ;

Vu, II°), sous le n° 06NC01112, la requête, enregistrée le 1er août 2006, présentée pour le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU, dont le siège est 1 rue du Dr Archambault à Laxou (54520), par la SCP Mery-Dubois-Maire, avocat ; le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0301664 en date du 4 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a, d'une part, condamné à verser à M. Denis X, Mme Florence X et Mlle Agnès X une somme de 5 000 € chacun en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi par suite du décès de leur père, M. Jean X ;

Le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU soutient que :

- de manière prématurée, le tribunal s'est prononcé sur les responsabilités, en se fondant sur le postulat que la cause du décès est la poly-intoxication médicamenteuse ;

- en l'état actuel de la procédure, l'expertise toxicologique est source d'incertitude ;

- le tribunal ne pouvait se fonder sur l'absence de visite les 30 et 31 octobre 1999, les experts n'affirmant pas que cette absence est une des causes du décès ;

- le défaut de traçabilité des médicaments retenu par les premiers juges ne résulte que d'un faux syllogisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré les 27 et 28 mars 2007, présenté pour M. Denis X, Mme Florence X épouse Y, Mlle Agnès X, Mme Arlette Z divorcée X, M. Christian X et M. Guillaume Y par Me Bouvier, avocat, tendant au rejet de la requête, à la condamnation du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU à verser à M. Denis X, Mme Florence X èpouse Y, Mlle Agnès X et Mme Arlette Z divorcée X, une somme de 16 000 € chacun et à M. Christian X une somme de 10 000 €, ainsi qu'à sa condamnation à leur verser une somme de 2 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Denis X, Mme Florence X épouse Y, Mlle Agnès X, Mme Arlette Z divorcée X et M. Christian X soutiennent que :

- l'arrêt de la chambre d'instruction atteste de la poly-intoxication médicamenteuse, du fait que si la prescription de Tercian a été faite à dose normale, il est impossible de retrouver la dose administrée dans les faits, en l'absence de prescription pour le Prozac alors qu'il a été administré ;

- il est établi que les signes cliniques signalés par la famille auraient dû conduire les infirmiers à appeler un médecin ;

- les infirmiers ont levé de leur propre chef la mesure d'isolement, ce qui a suspendu toute visite médicale ;

- il y a faute dans la conception du service, l'organisation ou la surveillance défaillante du service ;

- le rapport d'expertise complémentaire montre que les objections présentées par le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU sont sans fondement ;

- nonobstant le divorce, Mme Z était restée proche de son mari dont elle continuait à s'occuper ;

- le tribunal a fait une inexacte appréciation du préjudice des enfants de M. Jean X au regard de la gravité des faits qui sont à l'origine de son décès et des liens importants qui les unissaient au défunt ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'intervention de M. Christian X était recevable, dès lors que, comme les autres requérants, il formulait une demande d'indemnisation personnelle justifiée par ses rapports avec son frère ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Maire, avocat du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. Denis X, de Mme Florence X épouse Y, de Mlle Agnès X et de Mme Arlette Z divorcée X, enregistrée sous le n° 06NC01049, et la requête du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU, enregistrée sous le n° 06NC01112, sont dirigées contre un même jugement et on fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU :

Considérant que M. Jean X a été admis le 22 octobre 1999, à la demande d'un tiers, au CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU pour soigner un état maniaco-dépressif lié au départ de sa fille pour Paris et y est décédé, le 1er novembre 1999 ; qu'il résulte de l'instruction que le décès de M. Jean X s'explique par une poly-intoxication médicamenteuse associant Tercian, Prozac et Dépakine et que la concentration de Tercian constatée dans le sang du défunt lors de l'autopsie, retrouvée à des doses toxiques, était supérieure, à elle seule, à la dose létale ; qu'en outre, la broncho-pneumonie aiguë, relativement intense et étendue, décelée chez le défunt, était vraisemblablement liée à une dépression respiratoire induite par ce surdosage en neuroleptiques ; qu'il ne ressort, par ailleurs, d'aucune pièce du dossier que M. X ait pu s'administrer lui-même les substances à dose toxique ; que, pour analyser les circonstances de fait du litige, le Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur les conclusions du rapport d'expertise toxicologique en date du 1er décembre 1999 et du rapport complémentaire d'autopsie du 25 janvier 2000 ; que les conclusions desdits rapports ont été confirmées par celles du rapport complémentaire déposé le 27 septembre 2006 dont il ressort que, compte tenu des fortes concentrations médicamenteuses évaluées, il apparaît impossible qu'il y ait eu une contamination quelconque lors de l'autopsie pouvant fausser l'interprétation des résultats ; que, par suite, le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU n'est pas fondé à soutenir que les rapports pris en compte par le tribunal n'auraient pas dégagé de conclusions définitives, rendant impossible l'engagement de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte également du rapport d'expertise complémentaire du 27 septembre 2006 que, le 30 octobre 1999, M. X a été victime d'une fausse route alimentaire ; que cette circonstance constituait un signe d'alerte qui imposait au personnel soignant de faire appel au médecin de garde, qui aurait alors éventuellement demandé l'avis d'un médecin somaticien ou d'un médecin anesthésiste réanimateur ; que, par suite, le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant que les procédures relatives aux soins et les procédures médicales n'ont pas été respectées du fait d'un manque de personnel et d'un manque de surveillance des responsables médicaux et du chef de service, les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation des circonstances de fait du litige ;

Considérant, enfin, que si le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU reproche au tribunal d'avoir, dans son appréciation de la faute, retenu le défaut de traçabilité des médicaments, il n'établit pas l'inexactitude matérielle de ces faits qui ressortent des rapports d'expertise produits au dossier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU, qui ne saurait utilement soutenir que le tribunal aurait méconnu les règles du procès équitable, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a estimé que les carences dans la prise en charge de M. Jean X, qui sont la cause de son décès, constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement ;

Sur la réparation du préjudice moral :

Considérant que M. Denis X, Mme Florence X épouse Y et Mlle Agnès X, qui se bornent à souligner la gravité des faits qui sont à l'origine du décès de M. X et à invoquer, sans la moindre précision, les liens importants qui les unissaient au défunt, n'établissent pas qu'en condamnant le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU à leur verser, à chacun, une indemnité de 5 000 €, le Tribunal administratif de Nancy a fait une insuffisante appréciation de leur préjudice moral ;

Considérant qu'ainsi que l'ont à juste titre estimé les premiers juges, Mme Z, qui était divorcée de M. X au moment du décès de ce dernier, ne peut prétendre, à titre personnel, à l'indemnisation d'aucun préjudice moral ; qu'au demeurant, Mme Z n'établit pas plus qu'en première instance avoir entretenu ou conservé des liens particuliers avec le défunt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Denis X, Mme Florence X épouse Y, Mlle Agnès X et Mme Arlette Z divorcée X ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement contesté quant à l'évaluation qui été faite de leurs préjudices respectifs ;

Sur l'appel incident de M. Christian X :

Considérant que les conclusions de l'intervention de M. Christian X, frère de la victime, qu'il a présentées au soutien de l'action en responsabilité dirigée par M. Denis X, Mme Florence X épouse Y, Mlle Agnès X, Mme Arlette Z divorcée X et M. Guillaume Y contre le CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU, étaient distinctes de celles des requérants en tant qu'elles tendaient à obtenir l'indemnisation de son préjudice moral et constituaient ainsi des prétentions propres non recevables par la voie de l'intervention ; qu'ainsi, M. Christian X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a, par le jugement attaqué, refusé de faire droit à ses conclusions ; que, par suite, son appel incident ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. Denis X, Mme Florence X épouse Y, Mlle Agnès X, Mme Arlette Z divorcée X et M. Christian X, parties perdantes, puissent se voir allouer les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. Denis X, de Mme Florence X épouse Y, de Mlle Agnès X, de Mme Arlette Z divorcée X, de M. Christian X et du CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU, ainsi que l'appel incident de M. Christian X, sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Denis X, à Mme Florence X épouse Y, à Mlle Agnès X, à Mme Arlette Z divorcée X, à M. Guillaume Y, à M. Christian X et au CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE LAXOU.

2

N° 06NC01049,06NC01112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01049
Date de la décision : 14/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP MERY-DUBOIS-MAIRE ; MERY - DUBOIS - MAIRE - SCP- ; SCP MERY-DUBOIS-MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-14;06nc01049 ?
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