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14/06/2007 | FRANCE | N°05NC01538

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2007, 05NC01538


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 décembre 2005 sous le n° 05NC01538, présentée pour la SOCIETE SCREG-EST, dont le siège est fixé 1 rue des hêtres à Mommenheim (67670), par Me Schrekenberg, avocat ; la SOCIETE SCREG-EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, outre la société Trabet et M. X, à verser à la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 71 795,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002, ainsi qu'au

titre des frais d'expertise, les sommes de 5 315,42 euros et 1 829,15 euros...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 décembre 2005 sous le n° 05NC01538, présentée pour la SOCIETE SCREG-EST, dont le siège est fixé 1 rue des hêtres à Mommenheim (67670), par Me Schrekenberg, avocat ; la SOCIETE SCREG-EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, outre la société Trabet et M. X, à verser à la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 71 795,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002, ainsi qu'au titre des frais d'expertise, les sommes de 5 315,42 euros et 1 829,15 euros avec intérêts au taux légal respectivement à compter des 18 juin 2001 et 12 juillet 2002, en réparation des désordres consécutifs aux travaux de réaménagement et de mise en valeur de la place Kléber ;

2°) de constater, et au besoin dire et juger, que le rapport d'expertise est intervenu en violation de la mission qui lui a été confiée ;

3°) de rejeter les demandes de la communauté urbaine de Strasbourg ;

4°) de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 8 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE SCREG-EST soutient que :

- le tribunal n'a fait que reprendre les conclusions de l'expert formulées au terme d'un rapport établi à l'issue d'une procédure non contradictoire, dès lors qu'aucune réunion d'expertise n'a été organisée, que l'expert n'a pas convoqué les parties et n'a pas fait part de ses conclusions avant le dépôt du rapport permettant la production de dires ;

- l'irrégularité de l'expertise entraîne l'annulation du jugement dès lors qu'elle lui a servi de base ;

- elle a réalisé les caniveaux aco-drains conformément aux prescriptions de la maîtrise d'oeuvre ;

- elle a réalisé l'enrobage en béton de telle sorte que l'expert ne peut prétendre que les modes de pose ne correspondent pas aux recommandations du fabricant, ni la communauté urbaine de Strasbourg (C.U.S.) de dire que le caniveau était non épaulé ;

- l'estimation contestée des dommages, pour lesquels elle pourrait être éventuellement tenue, ne peut contester que le poste « remplacement du caniveau à grille » chiffré non contradictoirement à 140 755, 90 €, ce qui conduit, en admettant la répartition des responsabilités retenue, à la seule somme de 21 113, 39 € ;

- elle ne saurait supporter même une part de l'ensemble des dommages consécutifs à des travaux qu'elle n'a pas réalisés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2006, présenté pour la communauté urbaine de Strasbourg ; la communauté urbaine de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE SCREG-EST à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La communauté urbaine de Strasbourg soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'être motivée et de comporter une critique du jugement entrepris ;

- subsidiairement, le quantum mis à sa charge est entièrement justifié au regard de la présomption de responsabilité qui pèse sur l'appelante ;

- l'entreprise n'a jamais apporté de contestation aux chiffres retenus par l'expert, ni produit le moindre devis pour des montants inférieurs, ni engagé de discussion devant les premiers juges ;

- la Cour n'est pas non plus saisie d'une argumentation exposant l'inexactitude des montants retenus ;

- l'imputabilité résulte clairement du premier rapport d'expertise ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2006, présenté pour M. Guy X par Me Monheit, avocat ; M. X conclut à ce que la Cour :

- annule le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 sus-analysé ;

- constate, et au besoin dise et juge, que le rapport d'expertise est intervenu en violation de la mission qui lui a été confiée ;

- rejette les demandes de la communauté urbaine de Strasbourg ;

- condamne la communauté urbaine de Strasbourg à rembourser à la Mutuelle des architectes français, son assureur, la somme de 114 086, 25 € correspondant au montant payé dans le cadre de l'exécution provisoire correspondant au principal et aux intérêts ;

- condamne la communauté urbaine de Strasbourg à verser une somme de 10 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- le rapport d'expertise n'ayant pas été contradictoire, il entraîne, par son irrégularité, l'annulation du jugement ;

- la communauté urbaine de Strasbourg s'est immiscée dans la réalisation du projet en retirant à la maîtrise d'oeuvre la réalisation de la dalle support des revêtements, entraînant l'exposant à exprimer des réserves sur ce partage de responsabilité ;

- la communauté urbaine de Strasbourg doit se voir reprocher le fait de ne pas avoir interdit le passage aux poids lourds sur la place, mais aussi le fait d'avoir accepté la mise en place d'éléments lourds ;

- aucune erreur de conception ou de prescription ne pouvant être mise à sa charge, c'est à tort que le tribunal l'a condamné sur ce fondement, dès lors que le choix du système a été effectué par le service Voirie Tram sans consultation du maître d'oeuvre ;

- les caniveaux sont au demeurant mal entretenus et comblés par de nombreux déchets ;

- l'absence de plan de recollement a été signalé à quarante-quatre reprises comme le montrent les compte rendus de chantier et incombe à la communauté urbaine de Strasbourg ;

- le chiffrage de l'expert est surestimé au regard du résultat des appels d'offre qu'il a lui-même produits ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 16 octobre 2006, présentés pour la communauté urbaine de Strasbourg ; la communauté urbaine de Strasbourg conclut au rejet des conclusions de M. X et à sa condamnation à lui verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La communauté urbaine de Strasbourg soutient que :

- les conclusions de M. X sont irrecevables, les appelants n'ayant pas contesté le jugement en tant qu'il emporte sa condamnation et la communauté urbaine de Strasbourg ne formant pas d'appel incident ;

Vu les mémoires, enregistrés les 5 et 6 octobre et le 11 octobre 2006, présentés pour la société Trabet par la SCP d'avoacts Wachsmann et associés, tendant à ce que la Cour :

- annule le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 sus-analysé ;

- dise et juge que le rapport d'expertise est nul et de nul effet ;

- rejette les demandes de la communauté urbaine de Strasbourg ;

- condamne la communauté urbaine de Strasbourg à verser une somme de 7 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Trabet soutient que :

- contrairement à ce que soutient la communauté urbaine de Strasbourg, l'appel de la SOCIETE SCREG-EST est recevable ;

- faute de convocation régulière des parties, le rapport d'expertise est entaché de nullité, ce qui vicie la procédure, les parties n'ayant pu discuter le chiffrage exorbitant retenu ;

- la société n'a fait que poser le revêtement de surface, à l'exception des caniveaux et ne s'est pas vu confier les travaux d'extension de la dalle support ;

- le mode de pose retenu a été choisi par le maître d'oeuvre et a reçu l'aval de la communauté urbaine de Strasbourg ;

- le choix du lit de mortier ne peut lui être imputé alors que celui-ci était la stricte conséquence de la dalle choisie à raison du trafic ;

- elle a effectué les joints souples prévus à son contrat ;

- le défaut de plan de recollement concerne en réalité le lot n° 1 placé sous la maîtrise d'oeuvre de la communauté urbaine de Strasbourg, lot qui a été précisément mal conçu et mal réalisé, entraînant des désordres apparents sur le revêtement ;

- le tribunal a limité à tort la responsabilité de la communauté urbaine de Strasbourg alors que les désordres constatés résultent exclusivement du trafic imprévu, comme le montre la localisation des désordres en périphérie de la place ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2006, présenté pour la communauté urbaine de Strasbourg par la SCP d'avocats Alexandre et associés, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, qui soutient que :

- les conclusions de la société Trabet sont irrecevables, faute de critique sur la motivation du jugement ;

- la critique du rapport d'expertise n'est pas justifiée au vu du travail impartial de l'expert ;

- la société qui est expert ne fournit aucune critique précise sur l'évaluation des réparations ;

- son exonération ne peut être justifiée que par démonstration de la force majeure ou de la faute exclusive du tiers ;

- le fait qu'elle ait suivi les prescriptions du maître d'oeuvre ne peut l'exonérer des désordres observés ;

II°) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour les 16 et 17 janvier 2006 sous le n° 06NC0076, complétée par le mémoire enregistré le 27 novembre 2006, présentée pour la SOCIETE TRABET, dont le siège est fixé 17 route d'Eschau BP 30308 à Illkirch 67411, par Me Hecker, avocat ; la SOCIETE TRABET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 sus-analysé ;

2°) de dire et juger que le rapport d'expertise est nul et de nul effet ;

3°) de rejeter les demandes de la communauté urbaine de Strasbourg ;

4°) de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 7 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE TRABET soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait sien le rapport d'expertise qui, faute de convocation régulière des parties, est entaché de nullité, ce qui vicie la procédure, les parties n'ayant pu discuter le chiffrage exorbitant retenu ;

- la société n'a fait que poser le revêtement de surface, à l'exception des caniveaux, et ne s'est pas vu confier les travaux d'extension de la dalle support ;

- le mode de pose retenu a été choisi par le maître d'oeuvre et a reçu l'aval de la communauté urbaine de Strasbourg ;

- le choix du lit de mortier ne peut lui être imputé alors que celui-ci était la stricte conséquence de la dalle choisie à raison du trafic ;

- elle a effectué les joints souples prévus à son contrat ;

- le défaut de plan de recollement concerne en réalité le lot n° 1 placé sous la maîtrise d'oeuvre de la communauté urbaine de Strasbourg, lot qui a été précisément mal conçu et mal réalisé, entraînant des désordres apparents sur le revêtement ;

- le tribunal a limité à tort la responsabilité de la communauté urbaine de Strasbourg alors que les désordres constatés résultent exclusivement du trafic imprévu comme le montre la localisation des désordres en périphérie de la place ;

- sa requête est recevable ;

- la communauté urbaine de Strasbourg ne peut tout à la fois se prévaloir d'un chiffrage du coût de la réfection et affecter les sommes qu'elle pourrait recouvrer, par la voie judiciaire, au financement d'un nouveau projet excluant toute idée de réfection des désordres antérieurs ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 14 février, 21 mars, 29 juin, 16 octobre 2006 et 25 janvier 2007, présentés pour la communauté urbaine de Strasbourg ; la communauté urbaine de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE TRABET à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La communauté urbaine de Strasbourg soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'être motivée et de comporter une critique du jugement entrepris ;

- la critique du rapport d'expertise n'est pas justifiée au vu du travail impartial de l'expert ;

- la société qui est expert ne fournit aucune critique précise sur l'évaluation des réparations ;

- la société qui est constructeur a, à juste titre, été déclarée responsable à raison des désordres constatés qui sont matériellement incontestables ;

-les conclusions de M. X sont irrecevables, les appelants n'ayant pas contesté le jugement en tant qu'il emporte sa condamnation et la communauté urbaine de Strasbourg ne formant pas d'appel incident ;

- son exonération ne peut être justifiée que par la démonstration de la force majeure ou de la faute exclusive du tiers ;

- le fait qu'elle ait suivi les prescriptions du maître d'oeuvre ne peut l'exonérer des désordres observés ;

- le juge n'est pas tenu de subordonner le versement des indemnités dues au titre de la garantie décennale, à la condition que ces montants soient effectivement affectés à l'exécution des travaux nécessaires aux réparations prévues ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2006, présenté pour M. X ; M. X conclut à ce que la Cour :

- annule le jugement n° 02-02611 en date du 15 novembre 2005 sus-analysé ;

-constate, et au besoin dise et juge, que le rapport d'expertise est intervenu en violation de la mission qui lui a été confiée ;

- rejette les demandes de la communauté urbaine de Strasbourg ;

- condamne la communauté urbaine de Strasbourg à rembourser à la Mutuelle des architectes français, son assureur, la somme de 114 086, 25 € correspondant au montant payé dans le cadre de l'exécution provision correspondant au principal et aux intérêts ;

- condamne la communauté urbaine de Strasbourg à verser une somme de 10 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- le rapport d'expertise n'ayant pas été contradictoire, il entraîne, par son irrégularité, l'annulation du jugement ;

- la communauté urbaine de Strasbourg s'est immiscée dans la réalisation du projet en retirant à la maîtrise d'oeuvre la réalisation de la dalle support des revêtements, entraînant l'exposant à exprimer des réserves sur ce partage de responsabilité ;

- la communauté urbaine de Strasbourg doit se voir reprocher le fait de ne pas avoir interdit le passage aux poids lourds sur la place, mais aussi le fait d'avoir accepté la mise en place d'éléments lourds ;

- aucune erreur de conception ou de prescription ne pouvant être mise à sa charge, c'est à tort que le tribunal l'a condamné sur ce fondement, dès lors que le choix du système a été effectué par le service Voirie Tram sans consultation du maître d'oeuvre ;

- les caniveaux sont au demeurant mal entretenus et comblés par de nombreux déchets ;

- l'absence de plan de recollement a été signalé à quarante-quatre reprises comme le montrent les compte rendus de chantier et incombe à la communauté urbaine de Strasbourg ;

- le chiffrage de l'expert est surestimé au regard du résultat des appels d'offre qu'il a lui-même produits ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

; le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Lechevallier pour la SCP Wachsmann et Associés, avocat de la SOCIETE TRABET, de Me Mai, avocat de M. X et de Me Sternberger pour le cabinet d'avocats Schreckenberg et Associés, avocat de la SOCIETE SCREG-EST,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la SOCIETE SCREG-EST enregistrée sous le n° 05NC01538 et la requête de la SOCIETE TRABET enregistrée sous le n° 06NC00076 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'à la suite de la réalisation de la première ligne de tramway, la communauté urbaine de Strasbourg a procédé au réaménagement de la place Kléber à Strasbourg ; qu'ayant conservé la maîtrise d'oeuvre pour les travaux de fondation, elle a, par concours, attribué la maîtrise d'oeuvre des travaux de revêtement de surface à M. X, architecte ; que le lot n° 9-2 «pose des revêtements» a été confié à la SOCIETE TRABET; que la société Kohler aux droits de laquelle vient la SOCIETE SCREG-EST, s'est vu confier le lot n° 1 «terrassements-fondations» et le lot n°9-1 «pose des caniveaux et divers» ; que les travaux ont été réceptionnés le 27 avril 1994 ; qu'après l'apparition de divers désordres affectant le revêtement de la place et les conduites d'écoulement des eaux de surface, la communauté urbaine de Strasbourg a obtenu en référé du président du Tribunal administratif de Strasbourg la désignation d'un expert par ordonnance du 12 juillet 1999 ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise le 2 avril 2001, complété d'un second rapport rendu le 30 avril 2002 sur une ordonnance du 10 septembre 2001, la communauté urbaine de Strasbourg a recherché la condamnation solidaire des différents constructeurs devant le Tribunal administratif de Strasbourg; que la SOCIETE SCREG-EST relève appel du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 novembre 2005 en tant qu'il l'a condamnée, outre la SOCIETE TRABET et M. X, à verser à la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 71 795,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002, ainsi qu'au titre des frais d'expertise, les sommes de 5 315,42 € et 1 829,15 € avec intérêts au taux légal respectivement à compter des 18 juin 2001 et 12 juillet 2002 ; que la SOCIETE TRABET demande, pour sa part, l'annulation du jugement ; que M. X demande également, par voie d'appel provoqué, l'annulation du jugement ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la communauté urbaine de Strasbourg :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « la juridiction est saisie par requête. La requête contient l'exposé des faits et des moyens. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. » ; que, contrairement à ce que soutient la communauté urbaine de Strasbourg, les requêtes d'appel formées tant par la SOCIETE SCREG-EST que par la SOCIETE TRABET, qui comportent une critique du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, sont suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, issu de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et applicable aux procédures d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si le tribunal a estimé que le caractère contradictoire de la procédure d'expertise n'avait pas été en l'espèce complètement respecté, cette irrégularité ne faisait pas obstacle à ce que le rapport complémentaire établi par l'expert commis par une ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 10 septembre 2001, qui a été soumis à la procédure contradictoire de première instance, fût retenu à titre d'élément d'information par ledit tribunal pour statuer sur l'évaluation du coût de réparation des désordres ;

Considérant toutefois qu'il résulte du dossier de première instance que, devant le Tribunal administratif de Strasbourg, la communauté urbaine de Strasbourg a demandé la condamnation solidaire de M. X et des SOCIETES TRABET et SCREG-EST à raison des désordres consécutifs aux travaux de réaménagement et de mise en valeur de la place Kléber ; que le tribunal administratif, après avoir déclaré M. X et les SOCIETES TRABET et SCREG-EST solidairement responsables des désordres, a, alors même que les parties n'avaient à aucun moment formulé de conclusions conduisant à un partage de responsabilité par le biais d'appels en garantie, décidé, aux articles 1, 2 et 3 du dispositif de ce jugement, de condamner individuellement les parties à indemniser la communauté urbaine de Strasbourg tant en ce qui concerne le montant des réparations que la prise en charge des frais d'expertise ; que, dans ces conditions, le tribunal a omis de statuer sur les conclusions à fin de solidarité de la communauté urbaine de Strasbourg et a en outre entaché son jugement d'une contradiction entre les motifs et le dispositif ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de la communauté urbaine de Strasbourg, tendant à la condamnation solidaire de M. X et des SOCIETES TRABET et SCREG-EST à raison des désordres consécutifs aux travaux de réaménagement et de mise en valeur de la place Kléber, devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la responsabilité des constructeurs :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 2 avril 2001, que les désordres consistent en une dégradation des conduites d'écoulement des eaux de surface dites aco-drains sur toute la longueur de la place qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que, dès lors, ils engagent, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, la responsabilité décennale des constructeurs auxquels ils sont imputables, laquelle peut être atténuée, en totalité ou en partie seulement, par les fautes commises par le maître d'ouvrage ; que la société Kohler, aux droits de laquelle vient la SOCIETE SCREG-EST, a contribué à la réalisation des désordres, notamment du fait de la pose des aco-drains dans des conditions incompatibles avec la circulation des véhicules légers de moins de quatre tonnes, ces ouvrages ne résistant pas au freinage de tels véhicules ; que la SOCIETE SCREG-EST ne saurait, pour écarter sa responsabilité, utilement soutenir, sans d'ailleurs l'établir, avoir réalisé les caniveaux aco-drains conformément aux prescriptions de la maîtrise d'oeuvre et avoir réalisé l'enrobage en béton alors même qu'il résulte des conclusions de l'expert que la pose n'est pas conforme aux prescriptions de l'architecte qui sont elles mêmes insuffisantes ; qu'en revanche, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés dans la réalisation des aco-drains ne sont pas imputables à la SOCIETE TRABET, qui était uniquement chargée de la réalisation de la pose des revêtements ; que, par suite, la SOCIETE TRABET est fondée à demander sa mise hors de cause pour les désordres ayant affecté les conduites d'écoulement des eaux de surface ; que la communauté urbaine de Strasbourg est seulement fondée, pour ce chef de désordre, à rechercher la responsabilité solidaire de la SOCIETE SCREG-EST et de M. X, maître d'oeuvre ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 2 avril 2001, que les désordres consistent également en des éclatements et épaufrures des dalles vertes et blanches, en un soulèvement des dalles blanches, en des microfissurations généralisées des lames de parquet et en un soulèvement du revêtement dans la zone des mâts porte-drapeaux ; que, compte tenu de leur généralisation et du danger en résultant pour les usagers, ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont, par suite, de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que tant la SOCIETE TRABET, à qui est imputable la pose des revêtements, que M. X, à qui les désordres sont également imputables du fait notamment de vices de conception, ne sauraient utilement soutenir qu'ils n'ont commis aucune faute dans l'exécution des travaux qui leur étaient confiés ; qu'ils ne sauraient, de même, faire valoir les faits de tiers ; qu'en revanche, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment du rapport d'expertise, que la SOCIETE SCREG-EST, uniquement chargée de la réalisation de la pose des caniveaux, n'a pas de responsabilité dans les désordres constatés sur le revêtement de la place ; que, par suite, la SOCIETE SCREG-EST est fondée à demander sa mise hors de cause pour les désordres ayant affecté le revêtement de la place Kléber ; que la communauté urbaine de Strasbourg est seulement fondée, pour ce chef de désordre, à rechercher la responsabilité solidaire de la SOCIETE TRABET et de M. X, maître d'oeuvre ;

Considérant, en troisième lieu, que si pour faire valoir une faute du maître de l'ouvrage, M. X soutient que le partage des opérations de maîtrise d'oeuvre opéré par la communauté urbaine de Strasbourg a compliqué la coordination des travaux, cette circonstance ne constitue pas un fait de nature à exonérer, même pour partie, les constructeurs de la responsabilité qu'ils encourent ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction qu'en l'absence d'interdiction physique, la circulation de poids lourds sur la place, dont il n'est pas contesté qu'elle n'était pas conforme aux conditions normales d'exploitation de la place prise en compte pour la réalisation de l'aménagement, a contribué à la réalisation des désordres en litige, d'une part, en entraînant une rupture des parois des aco-drains et, d'autre part, en provoquant une déformation des fondations ayant pour effet une flexion des dalles de revêtement ; que, dans ces conditions, le fait du maître de l'ouvrage est de nature à atténuer la responsabilité des constructeurs à hauteur de la moitié des conséquences dommageables ;

Sur le montant des réparations :

Considérant, en premier lieu, que si le maître d'ouvrage a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a subi, l'indemnisation qui lui est allouée ne doit pas dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possibles ; que contrairement à ce que soutient la SOCIETE TRABET à hauteur d'appel, l'octroi de cette indemnité d'après le montant des frais de remise en état n'est pas subordonné à la condition qu'elle soit utilisée effectivement à des travaux correspondants ; que, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la communauté urbaine de Strasbourg a, lors de la remise en état de la place Kléber, modifié son parti d'aménagement ; que si M. X conteste le chiffrage réalisé par l'expert, compte tenu du caractère exorbitant des prix des matériaux au regard des prix figurant au marché, les éléments qu'il produit à l'appui de ses dires, ne comprennent ni devis contradictoire ni aucun autre élément suffisant pour établir le caractère excessif des prix retenus par l'expert ; qu'en outre, s'il fait valoir la possibilité d'utiliser les stocks de matériaux constitués lors de la réalisation des travaux initiaux et de récupérer les matériaux déposés, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations ;

Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu de retenir la solution de réfection légère préconisée par l'expert tant pour la remise en état des aco-drains qu'il évalue à 193 476,89 € toutes taxes comprises que pour la réfection du revêtement de la place Kléber qu'il évalue à 285 158,69 € toutes taxes comprises ; que, dès lors, compte tenu de la part de responsabilité qui incombe à la communauté urbaine de Strasbourg dans la survenance des dommages, il y a lieu de condamner, d'une part, la SOCIETE SCREG-EST à lui verser solidairement avec M. X, la somme de 96 738,44 € toutes taxes comprises, et de condamner, d'autre part, la SOCIETE TRABET à lui verser solidairement avec M. X, la somme de 142 579,34 € toutes taxes comprises ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, d'une part, que la communauté urbaine de Strasbourg demande la fixation du point de départ des intérêts au 2 avril 2001, date de dépôt du premier rapport d'expertise ; que, toutefois, le dépôt d'un tel rapport ne saurait être regardé comme une sommation de payer au sens de l'article 1153 du code civil ; que, par suite, la communauté urbaine de Strasbourg a droit aux intérêts légaux de la somme précitée à compter du 12 juillet 2002, date d'enregistrement de sa requête devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, d'autre part, qu'à la date d'enregistrement de la requête de la communauté urbaine de Strasbourg devant le Tribunal administratif de Strasbourg dans lequel elle demandait la capitalisation des intérêts, ces derniers n'étaient pas dus pour une année entière ; que, par suite, il ne saurait être fait droit à une telle demande ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais afférents aux deux expertises ont été taxés et liquidés par ordonnances du président du tribunal administratif en date des 20 avril 2001 et 11 juin 2002 ; qu'ils s'élèvent aux sommes respectives de 116 223 Frs toutes taxes comprises, soit 17 718,08 €, et 6 097,17 € ; qu'il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, de les mettre à la charge solidaire de la SOCIETE SCREG-EST, de la SOCIETE TRABET et de M. X ; que la communauté urbaine de Strasbourg demande que ces frais soient majorés des intérêts légaux à compter de la date à laquelle ils ont été réglés ; qu'en conséquence, la somme de 17 718,08 € sera assortie desdits intérêts à compter du 18 juin 2001 ; que, toutefois, en l'absence d'indication de date de règlement des frais afférents à la seconde expertise, la somme de 6 097,17 € portera intérêts à compter du 12 juillet 2002, date d'enregistrement de sa demande introductive d'instance ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la SOCIETE SCREG-EST, la SOCIETE TRABET et M. X, parties perdantes, puissent se voir allouer les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions en ce sens de la communauté urbaine de Strasbourg ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 novembre 2005 est annulé.

Article 2 : La SOCIETE SCREG-EST et M. X sont solidairement condamnés à verser à la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 96 738,44 € (quatre-vingt seize mille sept cent trente-huit euros et quarante-quatre centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002.

Article 3 : La SOCIETE TRABET et M. X sont solidairement condamnés à verser à la communauté urbaine de Strasbourg la somme de 142 579,34 € (cent quarante deux mille cinq cent soixante-dix neuf euros et trente-quatre centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg taxés et liquidés le 20 avril 2001 sont mis à la charge solidaire de la SOCIETE SCREG-EST, la SOCIETE TRABET et M. X. La somme de 17 718,08 € (dix-sept mille sept cent dix-huit euros et huit centimes) portera intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2001.

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg taxés et liquidés le 11 juin 2002 sont mis à la charge solidaire de la SOCIETE SCREG-EST, la SOCIETE TRABET et M. X. La somme de 6 097,17 € (six mille quatre-vingt dix-sept euros et dix-sept centimes) portera intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2002.

Article 6 : Le surplus de la demande de la communauté urbaine de Strasbourg devant le Tribunal administratif de Strasbourg et des requêtes de la SOCIETE SCREG-EST et de la SOCIETE TRABET et des conclusions de M. X est rejeté.

Article 7 : le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SCREG-EST, à la SOCIETE TRABET, à M. Guy X et à la communauté urbaine de Strasbourg.

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N° 05NC01538 …


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES ; SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES ; ALEXANDRE-LEVY-KAHN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 14/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05NC01538
Numéro NOR : CETATEXT000017999084 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-14;05nc01538 ?
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