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24/05/2007 | FRANCE | N°05NC00626

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2007, 05NC00626


Vu le recours, enregistré le 20 mai 2005, complété par mémoire enregistré le 12 avril 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la société Poron Diffusion le remboursement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche pour l'année 1993 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Poron Diffusion et d'ordonner le reversement de la somme de 1 912 818 F, soit 2

91 607,22 €, restituée à la société en vertu du jugement précité ;

Il soutient q...

Vu le recours, enregistré le 20 mai 2005, complété par mémoire enregistré le 12 avril 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à la société Poron Diffusion le remboursement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche pour l'année 1993 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Poron Diffusion et d'ordonner le reversement de la somme de 1 912 818 F, soit 291 607,22 €, restituée à la société en vertu du jugement précité ;

Il soutient que :

- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ; les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises du secteur textile-habillement-cuir ne sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt recherche que dans la mesure où il s'agit de salariés de l'entreprise, à l'exclusion notamment des stylistes et techniciens de style n'appartenant pas à l'entreprise ; l'article 244 quater B II.h du code général des impôts, qui mentionne les « salaires et charges sociales » et non les frais afférents aux stylistes et techniciens, est clair et il n'y a donc pas lieu de se référer aux travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 1991 ;

- la société Poron, qui a totalement cessé son activité de production industrielle pour entreprendre une activité de conception et de négoce sous forme d'une centrale d'achat à compter de 1992, ne relève pas du dispositif du crédit d'impôt recherche ; les critères habituels démontrant l'existence d'une activité industrielle au cours de la période concernée ne sont pas remplis en l'espèce ;

- la doctrine administrative n'est pas entachée de contradictions, dès lors qu'il faut distinguer les dépenses relatives aux frais de collections et celles relatives aux autres dépenses de recherche, lesquels relèvent de dispositifs différents ; la tolérance administrative, qui admet les dépenses de personnel de recherche dont l'entreprise n'est pas l'employeur, ne vise que les dépenses énumérées à au b du II l'article non applicable en l'espèce ;

- l'instruction 4 A-8-92 du 25 mai 1992 ne restreint pas illégalement le champ d'application de l'article 244 quater B, car elle ne fait que reprendre les dispositions applicables à la période concernée par le présent litige ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 24 octobre 2005 et le 18 avril 2007, présentés pour la société Poron Diffusion, par la société d'avocats SEJEF ;

La société Poron Diffusion conclut :

- au rejet du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

- à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le caractère industriel de l'activité de la société ne peut pas être contesté compte tenu de l'importance des immobilisations affectées à la conception et à la fabrication des échantillons, notamment les installations techniques, matériels et outillages, qui représentent un montant brut de 8 540 015 F ; la société achète des matières premières et des fournitures qui sont ensuite transformées en prototypes et échantillons ; la vente de matériels pour un montant de 11 750 000 F à la date du 31 décembre 1993 ne démontre pas que l'arrêt de la fabrication des vêtements soit intervenu au cours de l'année 1993 ; le fait que la société Poron Diffusion agisse pour le compte des filiales de distribution en tant que commissionnaire à l'achat et en tant que commissionnaire à la vente ne remet pas en cause le caractère industriel de l'activité ;

- l'administration ne saurait soutenir que seules les dépenses internes à l'entreprise sont éligibles au dispositif du CIR ; la société ne fait pas appel à des stylistes ou des bureaux de style ni à la sous-traitance ; les collections sont élaborées par les salariés (ingénieurs et techniciens) de plusieurs sociétés du groupe Zannier qui sont mis à disposition de la société Poron Diffusion sous forme de détachement, mais ces personnels sont encadrés par la société Poron qui refacture les coûts aux autres sociétés ; ces dépenses ouvrent au crédit d'impôt dès lors qu'elles sont des charges déductibles du bénéfice imposable ; l'interprétation de l'administration, qui entend limiter le dispositif aux seules dépenses internes à l'entreprise, est restrictive et donc illégale ; elle est, en outre, contraire à la doctrine administrative la plus récente comme l'instruction 4 A -1-01 du 6 février 2001 qui admet explicitement la prise en compte des dépenses externes à l'entreprise ;

Vu la lettre du président de la 3ème chambre communiquant aux parties le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant au reversement des sommes dont le tribunal a accordé la décharge ;

Vu l'ordonnance du 3 avril 2007 fixant la clôture de l'instruction au 19 avril 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificatives pour 1991 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 50 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours des deux années précédentes » ; qu'aux termes du II du même article, dans sa rédaction issue de la loi

n° 91-1233 du 30 décembre 1991, applicable au litige : « Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) h. les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : 1° les salaires et charges sociales afférents aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus (...) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses de personnel susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt au titre des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile -habillement-cuir s'entendent uniquement des rémunérations et charges sociales versées au titre de l'emploi de personnel salarié de l'entreprise concernée par le crédit d'impôt à l'exclusion des frais liés à la mise à disposition de personnel extérieur ;

Considérant que la SA Poron Diffusion, qui appartient au groupe Zannier et qui conçoit, produit et commercialise des vêtements pour enfants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a remis en cause l'imputation, sur ses cotisations d'impôt sur les sociétés pour 1993, du crédit d'impôt recherche relatif aux dépenses liées à l'élaboration de ses nouvelles collections ; qu'eu égard à sa situation déficitaire, la société n'a pu imputer le crédit d'impôt et la reprise de ce crédit d'impôt n'a pas donné lieu au recouvrement d'une imposition supplémentaire ; que la société a demandé le 22 juillet 1998 le remboursement du crédit d'impôt non utilisé ; que cette réclamation a été rejetée, par décision du 18 septembre 2000, au motif que les dispositions du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ne seraient pas applicables à des dépenses relatives à du personnel extérieur à l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses que la société a déclarées sur l'exercice 1993 pour un montant de 3 825 635 F sont relatives à la conception des collections de vêtements pour enfants que la société réalise deux fois par an et correspondent aux frais supportés par la société à raison de l'utilisation de stylistes et de techniciens de style mis à sa disposition par l'entreprise Poron Prestations appartenant également au groupe Zannier ; que les sommes versées par la société Poron Diffusion, qui ne dispose pas de personnel salarié affecté à ces tâches, en contrepartie des opérations de mise à disposition d'un personnel extérieur, ne sauraient être regardées comme ayant le caractère de « salaires et charges sociales » au sens des dispositions précitées ; que, par ailleurs, à supposer même que la société Poron Diffusion ait entendu invoquer le bénéfice de la doctrine administrative sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne saurait utilement se prévaloir ni de l'instruction 5 A-6-88 du 22 avril 1988 concernant la prise en compte au titre du crédit d'impôt recherche des dépenses liées à la mise à disposition de personnel extérieur, laquelle ne concerne pas les dépenses des nouvelles collections engagées par les entreprises du secteur textile-habillement-cuir, ni de l'instruction 4 A-8-92 du 25 mai 1992 prévoyant l'extension du dispositif aux entreprises ayant recours, contrairement à a la société Poron Diffusion, à la sous-traitance ; que, par suite et sans même qu'il soit besoin de vérifier si la société exerçait une activité industrielle au sens du II de l'article 244 quater B, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit aux prétentions de la société Poron Diffusion ; qu'il y lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de restitution du crédit d'impôt présentée par la société Poron Diffusion ;

Sur les conclusions tendant au reversement des sommes allouées à la société Poron Diffusion en exécution du jugement attaqué :

Considérant que le ministre qui, en exécution du jugement annulé, a versé les sommes litigieuses à la société Poron Diffusion, demande que la Cour ordonne à celle-ci le reversement desdites sommes ; que si l'annulation du jugement attaqué a pour conséquence que la société Poron Diffusion effectue ce reversement, l'administration dispose du pouvoir de délivrer un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes visées à l'article 1er du jugement attaqué dont l'annulation est prononcée par le présent arrêt ; que, dès lors, les conclusions aux fins de reversement de ces sommes présentées par le ministre sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Poron Diffusion la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 25 janvier 2005 est annulé et la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Poron Diffusion tendant au remboursement du crédit d'impôt recherche est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Poron Diffusion tendant au bénéfice des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SA Poron Diffusion.

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N°05NC00626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00626
Date de la décision : 24/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SELAS SEJEF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-05-24;05nc00626 ?
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