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05/04/2007 | FRANCE | N°06NC00250

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2007, 06NC00250


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2006, complétée par des mémoires enregistrés les 23 mai et 20 octobre 2006, présentée pour la société anonyme ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par Me Richer, avocat ; ELECTRICITE DE FRANCE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0201419 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser à la société d'assurances Pacifica, subrogée dans les droits de M. X, une somme de 115 590,32 € en réparation d

es conséquences dommageables de l'incendie ayant détruit la maison de celui-ci si...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2006, complétée par des mémoires enregistrés les 23 mai et 20 octobre 2006, présentée pour la société anonyme ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par Me Richer, avocat ; ELECTRICITE DE FRANCE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0201419 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser à la société d'assurances Pacifica, subrogée dans les droits de M. X, une somme de 115 590,32 € en réparation des conséquences dommageables de l'incendie ayant détruit la maison de celui-ci sis à ... ;

2°) de rejeter la demande de la société Pacifica ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement afin de limiter la responsabilité d'ELECTRICITE DE FRANCE, qui ne saurait excéder la moitié des conséquences dommageables du sinistre et de limiter le préjudice, qui ne saurait excéder la valeur vénale de l'immeuble au jour du sinistre ;

4°) de condamner la société Pacifica à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ELECTRICITE DE FRANCE soutient que :

- la tempête du 26 décembre 1999 présente pour la région incontestablement les caractéristiques d'un événement de force majeure en raison de sa soudaineté et de son intensité exceptionnelles ; du fait de l'extrême rapidité avec laquelle la tempête a traversé l'Atlantique pour s'abattre sur la France, cet ouragan n'a pas été prévu par les services météorologiques ; la violence de la tempête est sans précédent dans la région ; le vent a ainsi soufflé à environ 120 km/h dans un relief accidenté ; en conséquence, le caractère irrésistible et imprévisible de cette tempête ne saurait être contesté, comme l'attestent les nombreux documents produits en appel par la requérante et notamment les certificats émanant de Météo France :

- c'est la tempête, entraînant la rupture du parafoudre, qui a indirectement provoqué l'incendie et non, comme le prétend la société Pacifica, un défaut d'entretien du poteau ou une rupture mécanique du matériel ; le rapport de l'expert n'évoque pas de défaut d'entretien du parafoudre et la société d'assurances n'avance aucun élément de preuve en ce sens ;

- en tout état de cause, l'incendie a pour seule origine la faute de la victime, qui est établie ; les dégâts ont été grandement favorisés par la défectuosité de l'installation électrique et gazière de la maison de M. X, qui est la seule maison concernée à avoir subi des dégâts importants ; il est constant que la surtension a été véhiculée par le câble d'alimentation de la plaque chauffante, qui n'était pas conforme aux normes applicables car trop proche du tuyau de gaz ;

- le juge doit indemniser les biens au jour de l'incendie sans excéder leur valeur vénale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2006, présenté pour la société d'assurances Pacifica par Me Le Picard, avocat ;

La société Pacifica conclut :

1°) au rejet de la requête d'ELECTRICITE DE FRANCE ;

Elle soutient, à cet effet, que:

- la tempête du 26 décembre 1999 ne présente pas les caractères d'un cas de force majeure ; elle n'était pas imprévisible et n'était pas sans précédent ;

- en tout état de cause, la force majeure est inopérante ici car le dommage résulte d'une insuffisance mécanique et d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public, qui ont entraîné la rupture du parafoudre ; subsidiairement, l'exonération de responsabilité ne joue pas ici car le dommage n'est pas imputable de façon exclusive à la force majeure ;

2°) à la réformation du jugement en tant qu'il a, d'une part, laissé à la victime une part de responsabilité à hauteur de 20 % des conséquences dommageables de l'accident et, d'autre part, a limité le montant de l'indemnité en fonction de la valeur vénale du bien à la date du sinistre et par application d'un coefficient de vétusté ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la responsabilité de M. X alors que celui-ci n'a commis aucune faute ; la non-conformité du câble d'alimentation de la plaque chauffante n'est pas imputable à la victime mais à l'installateur, l'entreprise Angelot ;

- c'est à tort que le tribunal a appliqué un coefficient de vétusté à la valeur vénale du bien au jour du sinistre ; le montant total de l'indemnité versée par l'assureur de M. X, soit 179 780,53 €, doit être mis à la charge d'ELECTRICITE DE FRANCE ainsi que les frais d'expertise avancés par la société ;

3°) à la condamnation d'ELECTRICITE DE FRANCE à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la lettre du 17 janvier 2007 informant les parties que la Cour est susceptible, le cas échéant, de relever d'office le motif tiré de ce que le litige paraît relever de la compétence des juridictions judiciaires, seules compétentes pour statuer sur les conséquences de dommages causés à un usager d'un service public industriel et commercial ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 janvier 2007, présenté pour la société Pacifica, qui conclut à la confirmation de la compétence du juge administratif ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2007, présenté pour ELECTRICITE DE FRANCE, qui conclut à la confirmation de la compétence du juge administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2007 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Richer, avocat d'ELECTRICITE DE FRANCE,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 26 décembre 1999, un incendie a détruit la maison d'habitation sise ..., dont M. X était usufruitier et occupant habituel ; que la société d'assurances Pacifica, subrogée dans les droits de son assuré, M. X, a demandé au Tribunal administratif de Besançon la condamnation d'ELECTRICITE DE FRANCE à lui verser une somme de 179 178,53 € en réparation des conséquences dommageables du sinistre ; qu'E.D.F. relève appel du jugement en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser à la société d'assurances une indemnité de 115 590,32 € ; que la société Pacifica, par la voie de conclusions incidentes, demande la réformation dudit jugement en tant qu'il a laissé à la victime une part de responsabilité à hauteur de 20 % des conséquences dommageables et limité le montant de l'indemnité par application d'un coefficient de vétusté ;

Sur la compétence juridictionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : La saisine du Tribunal des conflits par les juridictions administratives en prévention des conflits négatifs obéit aux règles définies par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ci-après reproduit : Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridictions primitivement saisi, doit par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal. ;

Considérant que, lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatifs à celles de ces activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique ;

Considérant qu'ELECTRICITE DE FRANCE tient des dispositions de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation du gaz et de l'électricité, alors applicables au litige, la qualité d'établissement public industriel et commercial ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Besançon, que le sinistre a pour origine la rupture d'un câble dite «bretelle» reliant un dispositif parafoudre à un poteau support de transformateur électrique ; que, sous l'effet du vent exceptionnellement violent soufflant ce jour-là, la «bretelle» s'est balancée et est entrée en contact avec les parties conductrices du poteau transmettant ainsi à la terre, humide en raison des pluies, un potentiel de haute tension élevée ; que ce phénomène de surtension du réseau s'est propagé jusqu'aux installations électriques intérieures de l'immeuble de M. X situés à proximité du transformateur par la terre et par l'intermédiaire des conduites métalliques et l'ensemble des conducteurs enfouis sous la terre et qu'un arc électrique est à l'origine de l'incendie ayant détruit la maison de M. X ;

Considérant que l'exploitation et l'entretien des lignes électriques, alors confiés à E.D.F., ne ressortissent pas, par eux-mêmes, de prérogatives de puissance publique ; que M. X, étant usager du service public industriel et commercial géré par E.D.F., il appartient aux seules juridictions de l'ordre judiciaire de connaître de ce litige, même si le dommage est imputable à un vice de conception ou à un défaut d'entretien du transformateur, ouvrage public concourrant à l'activité de l'établissement public industriel et commercial ;

Mais, considérant que, par un arrêt du 17 octobre 2002, la Cour d'appel de Besançon a décliné la compétence des tribunaux judiciaires au motif que le litige concernait un dommage de travaux publics ;

Considérant qu'il convient, dans ces conditions, et par application des dispositions de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 codifiées à l'article R. 771-1 du code de justice administrative, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée en ce qui concerne le litige susmentionné et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces conclusions ne seront susceptibles d'être utilement examinées pour y être statué que lors du jugement de la requête de la société ELECTRICITE DE FRANCE et des conclusions incidentes de la société Pacifica ; que, par suite, les demandes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réservées jusqu'à la décision du Tribunal des conflits ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il sera sursis à statuer sur la requête d'ELECTRICITE DE FRANCE et les conclusions incidentes de la société Pacifica jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour en connaître.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à ELECTRICITE DE FRANCE et à la société Pacifica.

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N° 06NC00250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00250
Date de la décision : 05/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP BRANGET PERRIGUEY TOURNIER BELLARD MAYER JEANNETTE GRILLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-04-05;06nc00250 ?
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