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29/03/2007 | FRANCE | N°04NC00844

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 mars 2007, 04NC00844


Vu le recours enregistré le 30 août 2004, complété par des mémoires enregistrés les 31 mars 2005, 27 juin 2005, 27 décembre 2005 et 6 février 2006, présentés par le MINISTRE d'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il demande à la Cour :

1) d'annuler l'article 2 du jugement n° 00-581 en date du 8 juin 2004, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à la SA Dirland des intérêts moratoires, sur la restitution de la taxe sur les postes émetteurs récepteurs « CB » qu'elle avait acquittée, pour la période du 1

er avril 1993 au 31 décembre 1994 ;

2) de prononcer un non-lieu à statuer à...

Vu le recours enregistré le 30 août 2004, complété par des mémoires enregistrés les 31 mars 2005, 27 juin 2005, 27 décembre 2005 et 6 février 2006, présentés par le MINISTRE d'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il demande à la Cour :

1) d'annuler l'article 2 du jugement n° 00-581 en date du 8 juin 2004, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à la SA Dirland des intérêts moratoires, sur la restitution de la taxe sur les postes émetteurs récepteurs « CB » qu'elle avait acquittée, pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 ;

2) de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé à hauteur de 6 554,62 € ; le MINISTRE d'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a admis le paiement d'intérêts moratoires, au titre des années 1993 et 1994, qui ne sont prévus, par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, que pour la restitution d'impositions faisant suite à une réclamation régulière ; au cas d'espèce, les dégrèvements d'office de taxe ont été accordés, conformément aux articles

R. 211-1 et R. 211-2, malgré une réclamation tardive de la société requérante, ce qui excluait ces intérêts, en dépit d'une mention erronée portée sur ces décisions ;

- la jurisprudence « Ternon » invoquée par la requérante ne s'applique pas en contentieux fiscal, car elle serait en contradiction avec le droit de reprise du service régi par les articles L. 169 et suivants du livre des procédures fiscales ;

- l'article L. 247 du livre des procédures fiscales prohibe toute remise totale ou partielle de taxes sur le chiffre d'affaires ou assimilées ;

- toutefois, l'administration admet de faire remonter au 21 mai 1999 le point de départ des intérêts sur les intérêts moratoires, ce qui donne satisfaction à l'appel incident de la société requérante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés les 24 janvier 2005 et 22 avril 2005, les mémoires en défense présentés pour la SA Dirland, dont le siège est ZI de Troisfontaines à Saint-Dizier (52100), par Me Laubin ; elle conclut :

- au rejet du recours du ministre ;

- par voie d'appel incident, à ce que les intérêts sollicités sur les intérêts moratoires litigieux, soient calculés à compter du 21 mai 1999, ou à tout le moins du 11 août 1999 ;

La SA Dirland soutient que :

- la réclamation relative aux intérêts ne remonte pas au 14 octobre 1999, comme le mentionne le jugement, mais au 21 mai 1999 ; à tout le moins, le point de départ doit être fixé au 11 août 1999, date de restitution des taxes ;

- les décisions de dégrèvement relatives aux années 1993 et 1994 étaient créatrices de droits, comme l'a jugé le tribunal administratif, y compris en ce qui concerne les intérêts moratoires sur les taxes restituées dans le cadre de la procédure gracieuse ;

- en outre, ce droit aux intérêts moratoires est formellement admis sur ces décisions ;

- plusieurs réclamations antérieures à celle du 21 mai 1999 avaient été adressées aux services compétents, depuis 1993 ;

- les dispositions régissant le droit de reprise de l'administration sont sans application en l'espèce ;

Vu, enregistré le 29 août 2005, le bordereau par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE transmet à la Cour copie du document attestant le paiement à la SA Dirland, de la somme de 6 554,62 €, correspondant au dégrèvement annoncé ;

Vu, enregistrés les 19 juillet 2005 et 13 janvier 2006, les mémoires complémentaires par lesquels la SA Dirland :

- prend acte du dégrèvement annoncé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui satisfait son appel incident relatif au point de départ du calcul des intérêts moratoires litigieux ;

- confirme, pour le surplus, ses conclusions et moyens antérieurs, en ajoutant que son droit aux intérêts moratoires peut également être fondé sur l'article 1153 du code civil, conforté par les articles 6-1, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Vu, enregistré le 2 mars 2006, le nouveau mémoire présenté pour la SA Dirland ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde de droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 :

; le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

; les observations de Me Laubin, avocat de la SA Dirland,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Sur le désistement, par la défenderesse, de son appel incident :

Considérant qu'en cours d'instance d'appel le Trésor Public, sur instruction du ministre, a accordé à la SA Dirland, le 10 août 2005, une somme complémentaire de 6 554,62 €, à titre d'intérêts moratoires ; que l'administration a ainsi accepté de satisfaire aux conclusions présentées par la société défenderesse, par voie d'appel incident, afin de modifier en sa faveur le point de départ de ces intérêts ; que la SA Dirland, en prenant acte de l'accord du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE sur ce point, doit être regardée comme s'étant désistée de son appel incident ; qu'il y a lieu de lui en donner acte ;

Sur l'appel principal :

Considérant que l'administration, qui avait assujetti, à partir de l'année 1993, la SA Dirland à la taxe sur les postes émetteurs-récepteurs dits « CB », prévue par l'article 302 bis X du code général des impôts, alors en vigueur, a dû restituer ces impositions à la suite d'un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes ayant déclaré cette taxe contraire au droit communautaire ; que, par sept décisions en date du 2 juillet 1999, le directeur des services fiscaux de la Haute-Marne a prononcé le dégrèvement des taxes perçues au titre des années 1993 à 1999 ; que chacun des avis de dégrèvement comporte la mention : « Intérêts moratoires : oui » ; que le service n'a toutefois pas versé ces intérêts au titre des années 1993 et 1994 ; que le ministre fait appel du jugement du 8 juin 2004 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant que, par son article 2, il condamne l'Etat à verser à la société précitée des intérêts moratoires afférents aux taxes dues en 1993 et 1994 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales applicables en l'espèce : « Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. » ; qu'il résulte de ces dispositions que la réclamation présentée par la SA Dirland le 21 mai 1999, en vue d'obtenir la restitution des taxes en litige, n'était recevable que pour les années 1995 à 1999 ; que si la société entend se prévaloir de ses démarches entreprises depuis 1993 auprès des autorités gouvernementales, aucun des courriers produits ne sollicite formellement la décharge ou la restitution de la taxe sur une période déterminée, et ne peut, par suite, être regardé comme une réclamation auprès de l'administration des impôts selon la procédure régie par les articles R. 196-1 et suivants du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur dans l'assiette ou le calcul des impositions, n'étaient pas dûs au titre des années 1993 et 1994, atteintes par la prescription, en vertu de l'article L. 190 précité ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'examen des sept décisions de dégrèvement prises par le service le 2 juillet 1999 qu'elles se réfèrent toutes à la réclamation formulée la même année par la société, et mentionnent systématiquement que les sommes restituées sont assorties des intérêts moratoires ; que, dans ces conditions, de telles mentions ne peuvent être regardées comme ayant eu pour objet ou pour effet d'allouer par elles-mêmes ces intérêts pour une période donnée ; que si les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales conduisaient à accorder, de droit, les intérêts moratoires avec les restitutions des taxes des années 1995 à 1999, comme il a été procédé, en revanche, elles faisaient obstacle à l'allocation de ces mêmes intérêts accessoirement aux taxes restituées au titre des années 1993 et 1994 ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif, pour condamner l'Etat à verser les intérêts moratoires relatifs aux taxes de ces dernières années, a estimé que le service avait, sur ce point, pris une décision créatrice de droits au profit de la redevable ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA Dirland, en première instance et en appel ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 1153 du code civil, selon lesquelles celui qui est tenu de restituer une somme indûment perçue doit les intérêts de cette somme à compter du jour de la sommation de payer, s'appliquent, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'Etat n'était pas légalement tenu, en l'absence de décision créatrice de droits à cet égard, et alors même qu'une demande avait été présentée, de verser des intérêts moratoires à l'occasion de la restitution des taxes perçues au titre des années 1993 et 1994 ; que, par suite, la société redevable n'est pas fondée à invoquer l'article 1153 du code civil, non applicable en l'espèce ni, pour le même motif, les articles 6-1, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à la SA Dirland des intérêts moratoires accessoires aux taxes restituées, pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 ;

DECIDE

Article 1er : Il est donné acte à la SA Dirland du désistement de son appel incident.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 8 juin 2004 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 3 : La demande de la SA Dirland, présentée devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en vue d'obtenir des intérêts, accessoires aux restitutions des taxes prévues par l'article 302 bis X du code général des impôts, est rejetée en tant qu'elle porte sur la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SA Dirland.

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N°04NC00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04NC00844
Date de la décision : 29/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : LAUBIN GUY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-03-29;04nc00844 ?
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