Vu le recours, enregistré le 6 août 2004, complété par un mémoire enregistré le 2 mars 2007, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-297, en date du 23 mars 2004, par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à l'EURL La Vigneraie la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution supplémentaire de 10 % auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 ;
2°) de rétablir l'EURL La Vigneraie au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire de 10 % au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995, à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché de dénaturation des faits et d'une erreur de droit quant à la portée des dispositions de l'article 39 D du code général des impôts ;
- l'EURL La Vigneraie ne pouvait pas amortir le coût de travaux réalisés par les précédents locataires, qui étaient incorporés à l'immeuble et dont elle n'était pas propriétaire ;
- la SARL MC ayant été dessaisie de ses droits sur les travaux effectués n'a pu les céder à l'EURL La Vigneraie à l'occasion de la vente du fonds de commerce ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2006, présenté pour l'EURL La Vigneraie, par la SELARL Simon-Pierrard, avocats, tendant au rejet du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à ce qu'une somme de 2 500 € soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'un locataire peut porter à l'actif de son bilan et amortir des aménagements effectués sur sol d'autrui et que les agencements en cause lui ont été transférés aux termes de l'acte de cession du fonds de commerce ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2007 :
- le rapport de M. Montsec, président ;
- les observations de Me Simon, avocat de l'EURL La Vigneraie,
- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 D du code général des impôts : « L'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément (…) » ;
Considérant que l'EURL La Vigneraie exploite au 14 rue Thillois, à Reims, un fonds de commerce de restauration, dans un immeuble qu'elle loue aux consorts X ; que, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995, les amortissements que l'entreprise avait pratiqués sur la valeur d'agencements réalisés en 1987 par le précédent preneur, la SARL M.C., à laquelle elle a racheté le fonds de commerce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL M.C., dont les parts étaient détenues par les consorts X, occupait les locaux dont s'agit sur le fondement d'un simple contrat verbal ; qu'en même temps que la SARL M.C. cédait son fonds de commerce à l'EURL La Vigneraie, pour un prix de 1 200 000 F, dont 712 165 F pour les aménagements réalisés par elle, les consorts X ont passé un bail de location écrit avec l'EURL La Vigneraie ; que ce bail, qui porte sur la totalité de l'immeuble, sans aucune réserve, y compris par conséquent les aménagements résultant des travaux effectués en 1987 par l'ancienne locataire, a le caractère d'un nouveau bail et ne peut, contrairement à ce que soutient l'EURL La Vigneraie, être regardé comme le simple renouvellement ou la reconduction du précédent contrat verbal existant entre les consorts X et la SARL M.C. ; que, dans ces conditions et sans que l'EURL La Vigneraie puisse utilement faire valoir que les consorts X n'avaient pas donné un congé en bonne et due forme à la SARL M.C. ou que cette dernière n'a perçu aucune indemnité à cette occasion, ledit contrat verbal doit être regardé comme ayant été nécessairement résilié avant que ne soit conclu le nouveau bail avec l'EURL La Vigneraie, ce qui a eu pour effet de transférer au bailleur la propriété des aménagements en litige ; qu'ainsi et en tout état de cause, la SARL M.C. n'a pu céder à l'EURL La Vigneraie les aménagements dont s'agit ; que, dès lors, cette dernière, qui n'avait pas elle-même réalisé les aménagements sur sol d'autrui et n'en était pas devenue propriétaire, n'a pu légalement les inscrire à son bilan et procéder à leur amortissement sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article 39 D du code général des impôts ; que, par suite et en l'absence d'autre moyen invoqué par l'EURL La Vigneraie, que la Cour de céans devrait examiner par l'effet dévolutif de l'appel, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles l'EURL La Vigneraie avait été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de l'EURL La Vigneraie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 23 mars 2004 est annulé.
Article 2 : L'EURL La Vigneraie est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995, à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif.
Article 3 : Les conclusions de l'EURL La Vigneraie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à l'EURL La Vigneraie.
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N°04NC00747