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26/02/2007 | FRANCE | N°06NC00144

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 février 2007, 06NC00144


Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2006, présentée pour M. Jean-François X, élisant domicile ..., par Me Levy ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500562 du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions successives du ministre de l'intérieur lui retirant des points sur son permis de conduire et de la décision en date du 18 mars 2005 par lequel le préfet du Doubs a annulé son permis de conduire pour défaut de points et lui a enjoint de le restituer ;

2°) d'an

nuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre...

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2006, présentée pour M. Jean-François X, élisant domicile ..., par Me Levy ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500562 du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions successives du ministre de l'intérieur lui retirant des points sur son permis de conduire et de la décision en date du 18 mars 2005 par lequel le préfet du Doubs a annulé son permis de conduire pour défaut de points et lui a enjoint de le restituer ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rétablir sur son permis de conduire les points dont le retrait est annulé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, le principe du contradictoire n'ayant pu être respecté du fait de la communication tardive du mémoire en défense du ministre de l'intérieur et des documents ne lui ayant pas été communiqués ; que les différentes décisions de retrait de points étaient illégales car il n'a pas reçu préalablement les informations relatives à la perte des points ; qu'il en est ainsi de l'infraction du 17 octobre 2000, pour lequel le volet d'information n'a pas été signé par lui ; de même pour l'infraction du 26 février 2002 pour laquelle l'administration ne produit pas la preuve de la signature de l'intéressé ; de même pour les infractions du 14 mars 2003 et 6 janvier 2004 pour lesquels il n'est pas prouvé qu'il a été informé dans les conditions prévues par la loi par la seule production d'un formulaire vierge ; que, s'agissant de l'infraction du 19 août 2004, les pièces justificatives ne lui ont pas été communiquées ; qu'il n'a reçu aucune information concernant les infractions des 1er décembre 1997, 11 septembre 1995, 5 octobre 1993 et 18 novembre 1993 ; que, s'agissant de la décision du préfet du Doubs lui enjoignant de restituer son permis, elle sera annulée par voie de conséquence ; qu'elle est, en outre, insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 3 mars 2006 à Me Levy, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 27 septembre 2006 au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2006, présenté par le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir que le principe du contradictoire a été respecté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Rousselle, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le ministre de l'intérieur a, le 2 décembre 2005, adressé au tribunal administratif par télécopie des observations en défense à la requête de M. X qui lui avait été communiquée le 11 avril 2005 ; que ce mémoire de l'administration ayant été communiqué le jour même à l'avocat du requérant par le greffe du tribunal, alors que l'audience était fixée au 5 décembre, ce dernier a sollicité, et obtenu, un report de l'examen de l'affaire à l'audience du 15 décembre 2005 ;

Considérant d'une part que la circonstance que l'administration a produit ses observations en défense huit mois après la communication qui lui a été faite de la requête est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, rendu après que le requérant eut disposé, comme il l'avait demandé, d'un délai suffisant pour préparer une réponse aux observations du service ;

Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier que les annexes au mémoire du ministre ont intégralement été communiquées au requérant le 2 décembre 2005 ; que, par suite, le caractère contradictoire de la procédure contentieuse n'a pas été méconnu ;

Sur la décision du ministre constatant les retraits de points :

Considérant que, par décision du 15 février 2005, le ministre de l'intérieur a informé M. X que l'infraction au code de la route commise le 19 août 2004 à Arc-les-Gray a entraîné la perte de quatre points du capital de points affecté à son permis de conduire et que, compte tenu des infractions, au nombre de huit, précédemment commises entre le 5 octobre 1993 et le 6 janvier 2004, le nombre de points de son permis de conduire avait un solde nul et qu'en conséquence, ledit permis ayant perdu sa validité, il serait à restituer au préfet de son département de résidence ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 223-1 du code de la route «I. - Le permis de conduire est affecté d'un nombre maximal de douze points» ; qu'en vertu de l'article L. 223-1 du même code, le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points ; que le premier alinéa de l'article L. 223-3 de ce code, dispose : «Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès.» ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 223-3 du même code «III. - Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. Le ministre de l'intérieur constate et notifie à l'intéressé, dans les mêmes conditions, les reconstitutions de points obtenues en application des alinéas 1 et 3 de l'article L. 223-6» ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que si l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 de ce code, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information, l'illégalité de certaines décisions de retrait de points n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision du ministre constatant la nullité du permis que dans la mesure où le conducteur aurait illégalement été privé des douze points affectés à son permis ;

En ce qui concerne les infractions des 14 mars 2003 et 6 janvier 2004 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été verbalisé le 14 mars 2003, pour excès de vitesse à Prez-sur-Marne et le 6 janvier 2004 à Buchères pour utilisation d'un téléphone portable ; que le ministre produit le procès-verbal de contravention, relatif à chacune de ces infractions qui, contrairement à ce que soutient le requérant, comporte bien la mention de l'information du nombre de points dont la perte était encourue ; que ces documents ont été signés par M. X ; que, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qu'elle a satisfait à l'obligation d'information ; que le ministre pouvait, dès lors, légalement procéder au retrait successif de trois points et deux points du capital de points figurant au permis de conduire de M. X ;

En ce qui concerne l'infraction du 26 février 2002 :

Considérant que si en vertu des dispositions des articles 429 et 537 du code de procédure pénale, les procès-verbaux établis par les officiers ou les agents de police judiciaire pour constater les infractions au code de la route, font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions, il n'en va pas de même de la mention portée sur les procès-verbaux relative à l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route qui n'est pas revêtue de la même force probante ;

Considérant que le procès-verbal d'audition établi le 26 février 2002 à la suite de l'infraction commise le même jour pour non-respect de la limitation de vitesse mentionne que l'imprimé Cerfa l'informant du retrait de quatre points de son permis de conduire ainsi que d'une mesure de suspension dudit permis a été remis à M. X ; que, cependant, M. X qui n'a pas reconnu la réalité de l'infraction et n'a pas signé le procès-verbal de contravention, soutient que l'information légale ne lui a pas été remise ; que si la déclaration jointe au procès-verbal mentionne que M. X a signé le carnet de déclarations, le ministre ne produit pas le feuillet permettant d'établir l'exactitude de cette affirmation ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la procédure suivie ne peut être tenue pour régulière ; que le retrait de quatre points dont a été affecté le permis de M. X à l'issue de l'infraction susmentionnée est, dès lors, illégal ;

En ce qui concerne l'infraction du 19 août 2004 :

Considérant que, pour contester le retrait de points afférent à cette infraction, M. X se borne à indiquer qu'il n'aurait pu vérifier la véracité des allégations du ministre en l'absence de communication des pièces concernant cette infraction ; que cette communication ayant été faite, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les infractions des 5 octobre 1993 , 11 septembre 1995 et 14 décembre 1997 :

Considérant que, s'agissant des infractions commises les 5 octobre 1993, 11 septembre 1995 et 14 décembre 1997, le requérant fait valoir, sans être contredit, que le ministre est dans l'incapacité matérielle d'apporter la preuve qu'il se serait vu délivrer un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; qu'ainsi, les décisions retirant un, deux et deux points du permis de conduire de M. X, doivent être regardées comme intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne l'infraction du 18 novembre 1993 :

Considérant que l'administration indique, en défense, que les point retirés suite à l'infraction commise le 18 novembre 1993 par M. X lui ont été restitués ;

Sur la décision du préfet du Doubs du 18 mars 2005 annulant le permis de conduire de M. X :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les infractions des 17 octobre 2000, 14 mars 2003, 6 janvier 2004, et 19 août 2004 ayant donné lieu à une information régulière sur les retraits de points y afférents, au nombre de trois, trois, deux et quatre, et compte tenu du stage de reconstitution de points réalisé le 8 avril 2002, le nombre de points affectés au permis de conduire de M. X n'était pas nul ; que, par suite, la décision en date du 18 mars 2005 par laquelle le préfet du Doubs lui a enjoint de restituer son titre de conduite est illégale et doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions en injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (…)» ;

Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, des décisions susmentionnées en date des 5 octobre 1993, 11 septembre 1995 et 14 décembre 1997 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et en date du 18 mai 2005 du préfet du Doubs implique nécessairement, d'une part, que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire procède à la reconstitution du capital des points du permis de conduire de l'intéressé en y réintégrant les points litigieux et efface dans le fichier national du permis de conduire la mention du retrait de ces points, d'autre part, que le préfet du Doubs lui restitue son titre de conduite, affecté d'un crédit de trois points sous réserve que l'intéressé n'ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné des retraits de points faisant obstacle à cette restitution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 30 décembre 2005 et les décisions en date des 5 octobre 1993, 11 septembre 1995 et 14 décembre 1997 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et en date du 18 mai 2005 du préfet du Doubs sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de rétablir trois points au capital du permis de conduire de M. X et au préfet du Doubs de lui restituer son titre de conduite, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que l'intéressé n'ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné des retraits de points à la date de notification du présent arrêt faisant obstacle à cette restitution.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-François X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N° 06NC00144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00144
Date de la décision : 26/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-02-26;06nc00144 ?
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