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14/12/2006 | FRANCE | N°06NC00705

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 06NC00705


Vu I), la requête, enregistrée au greffe le 16 mai 2006 sous le n° 06NC00705, présentée pour M. André X, élisant domicile ..., par Me Boesel, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 16 mars 2006 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de la maison d'arrêt de Besançon en date du 25 janvier 2005 l'ayant placé en isolement ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 euros au titr

e de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugemen...

Vu I), la requête, enregistrée au greffe le 16 mai 2006 sous le n° 06NC00705, présentée pour M. André X, élisant domicile ..., par Me Boesel, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 16 mars 2006 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de la maison d'arrêt de Besançon en date du 25 janvier 2005 l'ayant placé en isolement ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal a omis de statuer sur un moyen tiré du détournement de pouvoir et de procédure soulevé par l'intervenant, l'Observatoire international des prisons, et selon lequel M. X avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en écartant l e moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision dès lors que la délégation dont bénéficiait celui-ci n'était pas autorisée par un texte adéquat ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en estimant que la décision de placement à l'isolement stricto sensu était motivée ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'administration a méconnu la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il y avait une situation d'urgence alors que l'administration n'établit pas l'existence d'un risque grave et que la décision est intervenue quatre jours après les faits reprochés à M. X ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'administration n'apporte pas d'élément prouvant que le requérant ait participé au mouvement collectif à la maison centrale de Clairvaux entre les 18 et 21 janvier 2005 ;

- le tribunal a commis une erreur en limitant son contrôle de la qualification juridique des faits au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation alors qu'il s'agit d'un contrôle normal ; à les supposer établis, les faits reprochés au requérant n'étaient pas de nature à justifier la mesure d'isolement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2006, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de M. X ;

Il soutient que :

- il résulte des termes du jugement que le tribunal, qui a relevé l'implication du requérant dans un mouvement collectif, a écarté l'allégation de détournement de pouvoir soutenu par l'intervenant ;

- le moyen tiré de l'incompétence de Mlle Y, laquelle bénéficiait d'une délégation en date du 13 juillet 2004, manque en fait ;

- la décision d'isolement qui mentionne les textes applicables ainsi que les faits reprochés au requérant est motivée ;

- c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la situation était urgente de sorte qu'il n'y a pas eu méconnaissance des droits de la défense ;

- c'est à bon droit qu'il a considéré que la décision n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu, enregistrée le 13 novembre 2006, l'intervention présentée pour la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), par Me Mercier, avocat ; la section française de l'OIP demande que la Cour fasse droit aux conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision du directeur de la maison d'arrêt de Besançon en date du 25 janvier 2005 l'ayant placé en isolement ;

Elle présente les mêmes moyens que ceux formulés par M. X à l'appui de sa requête et demande la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu II), le recours, enregistré au greffe le 17 mai 2006 sous le n° 06NC00713, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 16 mars 2006 en tant qu'il a annulé, sur la demande de M. X, la décision en date du 21 janvier 2005 procédant au changement d'affectation de l'intéressé et ordonnant son transfèrement à la maison d'arrêt de Besançon ;

Il soutient que :

- à titre principal, c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision de changement d'affectation et de transfèrement est une décision faisant grief alors qu'elle répond à la définition d'une mesure d'ordre intérieur et ne pouvait donc pas faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; d'une part, les décisions d'affectation visent à assurer la répartition des détenus au sein du parc pénitentiaire en fonction de la durée des peines, des exigences de sécurité, de la personnalité des détenus mais aussi de fortes contraintes immobilières ; compte tenu du taux d'occupation élevé des établissements pour peines, il n'était pas possible de transférer directement M. X dans une maison centrale, si bien qu'il a fallu à titre provisoire placer l'intéressé en maison d'arrêt avant de rejoindre un autre établissement pour peines adapté à sa personnalité ; l'affectation à la maison d'arrêt de Besançon n'avait donc qu'un caractère exclusivement interne ; d'autre part, si elle affecte sa vie quotidienne, cette mesure n'a aucun effet sur la situation juridique du détenu ; en l'espèce, le requérant n'a d'ailleurs subi aucun préjudice car il ne travaillait pas lorsqu'il était écroué à Clairvaux et que l'éloignement par rapport à Clairvaux était relativement limité ; enfin, une telle mesure est purement discrétionnaire ;

- la motivation du jugement est contestable car selon la jurisprudence constante du Conseil d'Etat, la seule existence d'une réglementation ne suffit pas à caractériser une mesure d'ordre intérieur ;

- subsidiairement, la décision de changement d'affectation et de transfèrement est légale ; elle a été prise conformément aux articles du code de procédure pénale régissant la procédure de changement d'affectation et de transfèrement ; le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 juillet 2003 ne peut être accueilli car les motifs tirés de la nécessité de maintenir l'ordre public au sein de l'établissement et de préserver la confidentialité de certaines informations et la sécurité des mesures de transfèrement rendent inapplicable l'article 24 aux décisions de changement d'affectation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2006, présenté pour M. X par Me Boesel, avocat ;

M. X conclut :

1°) au rejet du recours du ministre ;

2°) à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'aucun des moyens du recours n'est fondée ; la demande de première instance était en effet recevable ; c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'administration avait méconnu l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, écroué depuis le 8 avril 1995, condamné à plusieurs peines d'emprisonnement et de réclusion criminelle, libérable le 22 juin 2012, a été affecté le 13 octobre 2004 à la maison centrale du centre pénitentiaire de Clairvaux ; que par décision du 21 janvier 2005, exécutée le 25 janvier suivant, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE a ordonné le changement d'affectation de l'intéressé et son transfèrement à la maison d'arrêt de Besançon ; que par décision du 25 janvier 2005, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon a placé M. X à l'isolement ; que par jugement du 16 mars 2006, le Tribunal administratif de Besançon a, sur la demande de M. X, annulé la décision de transfèrement susmentionnée mais rejeté la demande de celui-ci dirigée contre la décision de placement à l'isolement ; que M. X relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la mesure de placement à l'isolement et le ministre de la justice relève appel du même jugement en tant qu'il a annulé la mesure de transfèrement ;

Sur la jonction :

Considérant que la requête n° 06NC00705 de M. X et le recours du GARDE DES CSEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n° 06NC00713 sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur l'intervention de la section française de l'Observatoire international des prisons :

Considérant que la section française de l'Observatoire international des prisons, qui vient au soutien de la requête de M. X dirigée contre la décision susmentionnée du 25 janvier 2005, a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que tant M. X, à l'appui de sa demande dirigée contre la décision de placement à l'isolement en date du 25 janvier 2005, que l'Observatoire international des prisons (OIP), à l'appui de son intervention venant au soutien de ladite demande et qui a été admise par le tribunal, ont soulevé expressément le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure ; que le tribunal, qui ne saurait être regardé comme ayant implicitement écarté cette argumentation, a rejeté la demande de M. X sans avoir répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que le jugement, qui est entaché d'une omission à statuer, est irrégulier ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a, dans son article 3, rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision en date du 25 janvier 2005 ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon tendant à l'annulation de la décision de placement à l'isolement du 25 janvier 2005 et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur sa demande tendant à l'annulation de la décision de changement d'affectation et de transfèrement en date du 21 janvier 2005 ;

Sur les conclusions relatives à la décision de placement à l'isolement :

Considérant qu'aux termes de l'article D. 283-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à l'espèce : «Tout détenu se trouvant dans un établissement ou quartier en commun peut soit sur sa demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placé à l'isolement. La mise à l'isolement est ordonnée par le chef de l'établissement qui rend compte à bref délai au directeur régional et au juge de l'application des peines. Le chef de l'établissement fait en outre rapport à la commission de l'application des peines dès la première réunion suivant la mise à l'isolement ou le refus opposé à la demande d'isolement du détenu. Le détenu peut faire parvenir au juge de l'application des peines soit directement, soit par l'intermédiaire de son conseil, toutes observations utiles en ce qui concerne la décision prise à son égard. Les détenus placés à l'isolement sont signalés au médecin qui les visite dans les conditions prévues à l'article D. 375. Le médecin émet, chaque fois qu'il l'estime utile, un avis sur l'opportunité de prolonger l'isolement ou d'y mettre fin. La durée de l'isolement ne peut être prolongée au-delà de trois mois sans qu'un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l'application des peines et sans une décision du directeur régional, prononcée après avis du médecin.» ; que selon l'article D. 283-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, la mise à l'isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, selon lesquelles doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police, la décision de mise à l'isolement attaquée est au nombre de celles qui doivent être motivées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que l'autorité administrative n'a pas, préalablement à la décision de placement à l'isolement en date du 25 janvier 2005, mis en oeuvre la procédure contradictoire prévue à l'article 24 précité ; qu'à supposer même que le détenu, qui a été avisé le jour même de l'intention de l'administration de le placer à l'isolement, ait disposé d'une heure pour faire valoir ses observations, il ne saurait être regardé, faute de disposer notamment d'un délai suffisant, comme ayant été mis à même de faire valoir utilement ses observations en défense conformément aux dispositions de l'article 24 susmentionné ; que le ministre n'apporte ni en première instance ni en appel d'éléments tangibles démontrant que l'administration se trouvait en l'espèce dans la situation d'urgence visée au 1° de l'article 24 dans laquelle elle est habilitée à écarter l'application de l'article 24 précité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentées par M. X, celui-ci est fondé à soutenir que la décision du 25 janvier 2005 a été prise sur une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il suit de là que M X est fondé à demander l'annulation de la décision en date du 25 janvier 2005 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Besançon l'a placé à l'isolement ;

Sur les conclusions relatives à la décision de changement d'affectation et de transfèrement :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice :

Considérant qu'aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale : «Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d'arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une durée inférieure à un an» ; qu'aux termes de l'article 717-2 dudit code : «Les condamnés sont soumis dans les maisons d'arrêt à l'emprisonnement individuel de jour et de nuit, et dans les établissements pour peines, à l'isolement de nuit seulement, après avoir subi éventuellement une période d'observation en cellule» ; qu'aux termes de l'article D. 70 du même code : «Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées. A titre exceptionnel, les maisons d'arrêt peuvent recevoir des condamnés dans les conditions déterminées par l'article D. 73» ; qu'aux termes de l'article D. 80 dudit code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaqué : «Le ministre de la justice dispose d'une compétence d'affectation des condamnés dans toutes les catégories d'établissement. Sa compétence est exclusive pour les affectations dans les maisons centrales…» ; qu'aux termes de l'article D. 82 de ce code : «L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l'établissement dans lequel il exécute sa peine… L'affectation ne peut être modifiée que s'il survient un fait ou un élément d'appréciation nouveau» ; et qu'aux termes de l'article D. 82-1 du code : «Que la demande émane du condamné ou du chef d'établissement, ce dernier constitue un dossier qui comprend les éléments permettant d'établir la motivation de la demande. Le ministre de la justice, le directeur régional ou le chef d'établissement peuvent procéder ou faire procéder dans les conditions définies à l'article D. 79 à toute enquête sur la situation familiale ou sociale du condamné. La décision de changement d'affectation est prise, sauf urgence, après avis du juge de l'application des peines et du procureur de la République du lieu de détention» ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la décision de l'administration pénitentiaire portant changement d'affection et ordonnant le transfèrement d'un détenu contre son gré d'un établissement pour peines vers une maison d'arrêt constitue, en tant qu'elle apporte des modifications au régime de détention applicable et eu égard à l'importance de ses effets sur les conditions matérielles de détention, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté sa fin de non-recevoir tirée de ce que la décision ordonnant le transfèrement de M. X à la maison d'arrêt de Besançon constituerait une simple mesure d'ordre intérieur, insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ;

Sur la légalité de la décision de changement d'affectation et de transfèrement :

Considérant que pour annuler la décision du 21 janvier 2005 prescrivant le changement d'affectation et le transfèrement de M. X , le Tribunal administratif de Besançon a considéré, d'une part, que ladite décision était insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et que, d'autre part, elle a été prise sur une procédure irrégulière et qu'enfin, elle a méconnu les dispositions de l'article 717 du code de procédure pénale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : «... doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police» ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : «Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979… n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales… Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière…» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que la décision prescrivant le transfèrement contre son gré de M. X, qui est pourtant, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, au nombre des décisions devant être motivées au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisé, a été prise sans avoir été précédée de la procédure contradictoire telle que définie par les dispositions précitées de l'article 24 ci-dessus ; que s'il fait valoir à hauteur d'appel des considérations générales relatives à la nécessité de maintenir l'ordre public au sein de l'établissement pénitentiaire et à préserver la confidentialité de certaines informations ainsi que la sécurité des mesures de transfèrement, le ministre de la justice n'apporte pas d'élément concrets établissant que l'administration se trouvait dans l'un des trois cas d'exceptions énoncées par les dispositions précitées de l'article 24 ; que, dès lors, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a considéré que la décision du 21 janvier 2005 a été prise sur une procédure irrégulière ; que ce moyen d'annulation était suffisant pour justifier l'annulation de la décision attaquée et par suite le dispositif dudit jugement ; qu'il suit de là que, sans même qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs d'annulation avancés par les premiers juges à titre surabondant, le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision susvisée du 21 janvier 2005 portant changement d'affectation et ordonnant le transfèrement de M. X vers la maison d'arrêt de Besançon ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer une somme de 1 000 euros à M. X sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande susmentionnée de la section française de l'Observatoire international des prisons, qui n'est pas partie à l'instance, au sens des ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la section française de l'Observatoire international des prisons est admise.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 16 mars 2006 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X dirigée contre la décision du directeur de la maison d'arrêt de Besançon en date du 25 janvier 2005 l'ayant placé à l'isolement.

Article 3 : La décision du directeur de la maison d'arrêt de Besançon en date du 25 janvier 2005 ayant placé M. X à l'isolement est annulée.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, le surplus des conclusions de M. X et le surplus des conclusions de la section française de l'Observatoire international des prisons sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. André X, au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et à l'Observatoire international des prisons.

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N° 06NC00705, 06NC00713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00705
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BOESEL ; BOESEL ; BOESEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-14;06nc00705 ?
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