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14/12/2006 | FRANCE | N°02NC00954

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 02NC00954


Vu la requête, enregistrée le 29 août 2002, complétée par des mémoires enregistrés les 2 mai 2003 et 20 février 2004, présentée pour la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, dont le siège est 28, rue de Lattre de Tassigny à Schiltigheim (67300), par Me Goepp, avocat ; la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901862 en date du 4 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie

au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994 et, d'autre part, à ce que ...

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2002, complétée par des mémoires enregistrés les 2 mai 2003 et 20 février 2004, présentée pour la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, dont le siège est 28, rue de Lattre de Tassigny à Schiltigheim (67300), par Me Goepp, avocat ; la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9901862 en date du 4 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1992, 1993 et 1994 et, d'autre part, à ce que l'Etat lui verse une somme de 25 000 F HT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 811,23 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la motivation des notifications de redressement qui lui ont été adressées et de la réponse de l'administration à ses observations est insuffisante ;

- la procédure de vérification est irrégulière du fait de l'absence de débat oral et contradictoire ;

- eu égard aux liens commerciaux et financiers qu'elle entretenait avec la société Cefat, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la mise à disposition de celle-ci, au cours des années 1992, 1993 et 1994, d'une somme de 687 880 F, sans perception d'intérêts, serait constitutive d'un acte anormal de gestion et ne présentait pour elle aucun intérêt ;

- à titre subsidiaire, l'administration n'a pu légalement lui refuser à cet égard la compensation partielle avec une dette que détenait à son encontre la société Cefat, pour un montant de 522 213,34 F en 1992, ce qui ne laisse subsister qu'un différentiel de 165 666,66 F sur lequel devaient être calculés les intérêts redressés ;

- à titre subsidiaire, les taux d'intérêt appliqués ne pouvaient être supérieurs au taux de base bancaire, compte tenu des relations juridiques et commerciales entre les sociétés ;

- la substitution de créancier relevée par le vérificateur ne pouvait être regardée comme constitutive d'un abandon de créance et il n'est pas établi que cette opération ne présentait pas d'intérêt pour l'entreprise ;

- les chèques dont fait état à cet égard le vérificateur n'ont pu être versés sur le compte de M. X ;

- les revenus distribués mentionnés dans les notifications de redressement ne sont pas correctement motivés et l'administration n'a pu, sans erreur de droit, se référer aux dispositions de l'article 109-1-1° lorsque étaient applicables les seules dispositions de l'article 111 a du même code ;

- l'administration ne démontre pas que les remboursements de frais à M. X, qu'elle a remis en cause, ne correspondaient pas à des frais exposés par l'intéressé dans l'intérêt de la société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 25 février 2003 et 9 octobre 2003, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête par le motif qu'aucun des moyens invoqués par la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, qui était dirigée par M. X et était détenue à plus de 99 % par la SARL Cefat, puis la SA Cefat, dont le dirigeant était également M. X, exerçait à Schiltigheim (Bas-Rhin) une activité d'expertise comptable ; que, suite à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994, elle a fait l'objet de divers redressements, pour chacun des trois exercices clos les 31 décembre 1992, 1993 et 1994, notifiés respectivement les 19 décembre 1995, 16 décembre 1996 et 19 septembre 1997 et portant, notamment, sur une avance sans intérêts de 687 880 F (104 866,63 euros) au profit de la société Cefat, sur la remise en cause d'une substitution de créancier regardée comme constitutive d'un abandon de créance, pour les sommes de 387 213 F (59 030,24 euros) en 1992 et 20 000 F (3 048,98 euros) en 1993, et, enfin, sur l'imposition de profits sur le Trésor pour des montants de 13 124 F (2 000,74 euros) en 1993 et 33 572 F (5 118,02 euros) en 1994 ; que la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS fait appel du jugement en date du 4 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été en conséquence assujettie au titre des trois exercices susmentionnés ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : «L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (…) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée»;

Considérant que les notifications de redressement qui ont été adressées à la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS indiquent clairement la nature et les motifs des redressements envisagés ; que, notamment, ces notifications expliquent les raisons pour lesquelles la substitution de créancier devait être assimilée à un abandon de créance générateur d'un profit imposable ; que la circonstance que la mention de l'existence de revenus distribués au profit de M. X ne serait pas assortie de l'indication du texte appliqué reste, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dans la mesure où les impositions supplémentaires en litige ne sont pas fondées sur ces revenus distribués ; qu'enfin, la société requérante ne peut utilement faire valoir que le vérificateur ne s'est référé qu'à la seule doctrine administrative pour justifier et expliquer l'imposition de profits sur le Trésor ; que ces notifications de redressement comportaient ainsi des indications qui permettaient à la société requérante d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et sont suffisamment motivées, en droit et en fait, au regard des exigences des dispositions susmentionnées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que la réponse de l'administration, en date du 27 octobre 1997, aux observations présentées par la société contribuable, suite à la réception des notifications de redressement qui lui avaient été adressées, réplique point par point auxdites observations, de façon précise et détaillée, sans en éluder aucune ; que la société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que cette réponse serait en l'espèce insuffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification que celles-ci doivent en principe se dérouler au siège de l'entreprise vérifiée ; qu'il est constant que la vérification de comptabilité engagée à l'encontre de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS s'est déroulée dans les propres locaux de l'entreprise ; qu'il incombe dès lors à la contribuable, qui conteste l'existence d'un véritable débat oral et contradictoire avec le vérificateur, d'établir que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues avec son dirigeant ; qu'en se bornant à soutenir que ledit dirigeant, M. X, n'aurait pu rencontrer le vérificateur que le 4 septembre 1997, après l'envoi des deux premières notifications de redressement concernant les exercices clos les 31 décembre 1992 et 1993, la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS n'établit pas que le vérificateur aurait fait obstacle à l'instauration d'un tel débat oral et contradictoire avec M. X ou les représentants que celui-ci pouvait désigner, alors que la vérification s'est déroulée sur une période de plus de 22 mois, du 27 octobre 1995 au 4 septembre 1997 ;

Sur le bien-fondé des redressements :

En ce qui concerne les sommes mises à disposition de la société Cefat ;

S'agissant du principe du redressement :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés est établi après déduction des seules charges correspondant aux intérêts de l'exploitation ; que, par suite, doivent être réintégrées dans les bénéfices imposables d'une société les charges assumées par elle en vue d'assurer certains avantages à des tiers, pour des fins étrangères à son activité ; que les prêts sans intérêt accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant qu'il est constant que, pendant les trois exercices concernés, une somme de 687 880 F (104 866,63 euros) a été mise et laissée, par la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, à la disposition de la société Cefat, sans que soient facturés à celle-ci des intérêts ; que l'administration a réintégré, dans les bénéfices imposables de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, le montant des intérêts que celle-ci n'avait pas prélevés sur les sommes ainsi avancées ; que la société requérante, qui se borne à faire valoir, sans plus de précision, ses liens commerciaux et financiers avec la société Cefat, n'établit pas que les services qu'elle pouvait attendre de cette société étaient de nature à justifier qu'elle n'ait pas perçu d'intérêts sur les sommes ainsi laissées à la disposition de cette société ; qu'elle ne peut, par ailleurs, utilement invoquer à cet égard une prétendue compensation partielle des sommes ainsi mises à la disposition de la société Cefat par une créance qu'aurait détenu sur elle ladite société, en 1992, pour un montant de 522 213 F (79 610,86 euros), alors qu'elle ne précise pas quelle était la nature et l'origine de cette créance et ses conditions de remboursement ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que l'avantage ainsi consenti par la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS à la société Cefat relevait d'un acte anormal de gestion et c'est à bon droit qu'elle a réintégré dans les bénéfices imposables de la première les intérêts qui auraient dû être réclamés à la seconde ;

S'agissant des taux d'intérêt appliqués :

Considérant que le montant de l'avantage consenti par une entreprise à une autre doit être apprécié par référence à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ; que l'administration, qui avait retenu initialement des taux d'intérêt correspondant à l'époque à la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées, en référence aux dispositions de l'article 39-1 3° du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, y a substitué, suite aux observations de la société, le taux d'intérêt moyen du marché interbancaire pour la seule année 1994 où il était inférieur à celui précédemment retenu ; qu'ainsi, pour aucune des années en litige, le taux appliqué, soit respectivement 8,86 % pour 1992, 7,19 % pour 1993 et 6,07 % pour 1994, n'est finalement supérieur au taux de base bancaire, ainsi que persiste à le demander la société ;

En ce qui concerne la substitution de créancier et l'abandon de créances :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 31 décembre 1992, le compte-courant détenu par la société Cefat dans les comptes de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS a été débité d'un montant de 262 13,34 F (39 974,17 euros) porté au crédit du compte-courant ouvert au nom de M. X que, par ailleurs, l'analyse des écritures comptables de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS a permis de faire apparaître que des chèques tirés par la société Cefat et encaissés par la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, pour des montants de 65 000 F (9 909,19 euros) et 60 000 F (9 146,94 euros) en 1992 et de 20 000 F (3 048,98 euros) en 1993, n'avaient pas donné lieu à l'inscription de crédits au compte-courant ouvert au nom de la société Cefat mais que les sommes correspondantes avaient été inscrites au crédit du compte-courant de M. X ; que, par toutes ces écritures, la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, qui ne peut utilement faire valoir l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de verser sur le compte bancaire de M. X des chèques tirés par la société Cefat au motif qu'ils étaient non endossables, doit être regardée comme ayant entendu substituer à des créances détenues sur elle par la société Cefat, des créances détenues sur elle par M. X ; que l'administration a considéré que ces écritures équivalaient à des abandons de créances de la part de la société Cefat, ayant pour effet d'augmenter d'autant l'actif net de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS et a, en conséquence, réintégré les sommes dont s'agit dans les résultats imposables de cette dernière, pour un montant total de 387 213 F (59 030,24 euros) au titre de l'exercice clos en 1992 et de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'exercice clos en 1993 ; que, pour demander la décharge de l'imposition supplémentaire découlant de ce redressement, la société requérante, à laquelle incombe la charge de la preuve s'agissant d'écritures de tiers, soutient qu'il y a eu effectivement cession de toutes ces créances, dont elle avait été régulièrement informée, de la société Cefat à M. X, lesquelles créances demeureraient en conséquence «certaines, liquides et exigibles» ; que, cependant, elle ne conteste pas que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil en matière de cession de créance n'ont pas été effectuées et n'établit pas, dans ces conditions, la réalité de ces cessions de créances ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a assimilé en l'espèce ces opérations à des abandons de créances de la société Cefat au profit de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS ;

En ce qui concerne les revenus distribués :

Considérant que la société SOCIETE AUDIT ET CONSEILS ne peut utilement critiquer les mentions figurant dans les notifications de redressement qui lui ont été adressées, relatives à l'existence de revenus distribués au profit de M. X, dès lors que ces revenus distribués n'ont donné lieu pour la requérante à aucun supplément de cotisation à l'impôt sur les sociétés ;

En ce qui concerne les profits sur le Trésor :

Considérant qu'eu égard aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS, l'administration fiscale a procédé à l'imposition des profits sur le Trésor en résultant pour cette dernière, pour des montants de 13 124 F (2 000,74 euros) au titre de l'exercice clos en 1993 et de 33 572 F (5 118,02 euros) au titre de l'exercice clos en 1994 ; que, si la société requérante soutient que cette imposition reposerait sur une erreur de droit, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision de nature à permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 4 juillet 2002, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AUDIT ET CONSEILS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 02NC00954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02NC00954
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : GOEPP - SCHOTT SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-14;02nc00954 ?
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