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07/12/2006 | FRANCE | N°02NC01237

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 décembre 2006, 02NC01237


Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002, et le mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2003, présentés pour la SA ITISA, dont le siège est 67 rue du Maréchal Joffre à Nanterre (92000), représentée par M. Riccardi, liquidateur, par Me Cabanes ; la société ITISA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981660 du 3 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération en date du 3 septembre 1998 du comité syndical du Syndicat mixte à vocation unique pour le tr

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Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002, et le mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2003, présentés pour la SA ITISA, dont le siège est 67 rue du Maréchal Joffre à Nanterre (92000), représentée par M. Riccardi, liquidateur, par Me Cabanes ; la société ITISA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 981660 du 3 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération en date du 3 septembre 1998 du comité syndical du Syndicat mixte à vocation unique pour le transfert, l'élimination, la valorisation des déchets ménagers de Haute-Saône (SYTEVOM de Haute-Saône) autorisant son président à signer un marché en vue de la construction d'une usine d'incinération des déchets ménagers ainsi que de la décision du 7 septembre 1998 du président dudit syndicat de signer ce marché, d'autre part, à enjoindre le président de SYTEVOM de résilier ledit marché ;

2°) d'annuler ladite délibération et ladite décision ;

3°) d'enjoindre le président du SYTEVOM de résilier le marché dont s'agit sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du SYTEVOM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler les décisions attaquées alors qu'il est établi que les conditions de publicité et de mise en concurrence posées par la directive 93/37 CEE et l'article 38 bis du code des marchés publics n'ont pas été respectées, en ce que les conditions de financement et de paiement n'ont été précisées ni dans l'avis de publicité, ni dans le règlement de consultation, ce qui affecte la procédure d'un vice substantiel ;

- le SYTEVOM n'a pas satisfait à l'obligation d'examen individuel des garanties techniques et financières de chacun des candidats en éliminant l'intégralité du groupement au seul motif qu'un des candidats avait incomplètement présenté son dossier, rendant ainsi irréguliers tant son élimination par voie de conséquence des autres membres du groupement que l'ensemble du processus de sélection des candidatures ;

- le SYTEVOM ne saurait se prévaloir de la mention de rejet automatique de la candidature figurant sur l'avis de publicité national dès lors qu'elle n'était pas reportée sur l'avis de publication au JOCE ;

- les conditions dans lesquelles le SYTEVOM a cru pouvoir régulariser la signature du marché avec la société CNIM par délibération du 3 septembre 1998 sont inacceptables ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2003, présenté pour le SYTEVOM de Haute-Saône par Me Sagalovitsch ;

Le SYTEVOM de Haute-Saône conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SA ITISA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'aucun des moyens exposés par la société requérante n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 février 2003, présenté pour la société ITISA, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, et qui soutient en outre que :

- le SYTEVOM n'apporte pas la preuve de ce que l'appel d'offres a fait l'objet d'une publicité communautaire ;

- le SYTEVOM devra tirer les conséquences de l'annulation de l'acte détachable soit en saisissant le juge du contrat, soit en le résiliant de manière unilatérale ou négociée ;

- en l'espèce, eu égard à un marché public dont les effets sont circonscrits dans le temps et l'espace, aucune atteinte excessive à l'intérêt général ne saurait être invoquée propre à limiter les effets de l'annulation de l'acte détachable ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 9 novembre 2006, présenté pour la société ITISA, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre que la procédure de mise en concurrence est irrégulière en tant que, contrairement aux dispositions de l'article 380 du code des marchés publics alors en vigueur, l'avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics comporte plus de renseignements que celui publié au Journal officiel de l'Union européenne, et que ces deux avis ne font pas mention des modalités d'ouverture des offres ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 10 novembre 2006, présenté par la société CNIM, par Me Pintat ;

La société CNIM demande que la cour rejette la requête et qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ITISA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle bénéficie d'un intérêt à agir pour intervenir dans la présente instance au soutien des conclusions du SYTEVOM de Haute-Saône ;

- que les moyens énoncés par la société ITISA ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2006 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- les observations de Me Pezin, du cabinet Cabanes, avocat de la SA ITISA, et de Me Paquet, substituant Me Pintat, avocat de la CNIM,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de la société CNIM :

Considérant que la société CNIM, attributaire du marché litigieux, a intérêt au maintien du jugement attaqué ; que, par suite, son intervention au soutien des conclusions du SYTEVOM de Haute-Saône est recevable ;

Sur la légalité des décisions attaquées et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la directive n° 93/37 du 14 juin 1993 susmentionnée : «1. Les pouvoirs adjudicateurs font connaître, au moyen d'un avis indicatif, les caractéristiques essentielles des marchés de travaux qu'ils entendent passer et dont les montants égalent ou dépassent le seuil indiqué à l'article 6 paragraphe 1… 6. Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes IV, V et VI et donnent les renseignements qui y sont demandés» ; que l'annexe IV, partie C, relative au modèle d'avis de marchés de travaux passés selon la procédure restreinte fait notamment figurer, parmi les mentions que doivent comporter les avis : «9 - les modalités essentielles de financement et de paiement et/ ou références aux textes qui les réglementent» ;

Considérant que l'article 380 du code des marchés publics alors en vigueur, qui transpose en droit interne le principe de cette obligation de publicité pour les marchés dont le montant est supérieur au seuil communautaire, dispose : «Les avis d'appel public à la concurrence… sont publiés au Journal officiel des communautés européennes sans préjudice de la publication des avis d'appel public à la concurrence dans les conditions prévues à l'article 38… Les avis mentionnés au présent article doivent être conformes à des modèles fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances» ; qu'un tel arrêté n'était toutefois pas encore pris pour les marchés de travaux à la date de publication de l'avis relatif au marché litigieux ;

Considérant qu'en l'absence d'intervention de l'arrêté ministériel mentionné à l'article 380 du code des marchés publics, les règles nationales applicables à la procédure de passation du marché de travaux envisagé ne permettaient pas d'assurer une publicité de l'avis public à la concurrence pour ce marché dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive du 14 juin 1993 ; que, dans ces conditions, il revenait au SYTEVOM de Haute-Saône d'assurer une publicité de ses intentions compatible avec les objectifs de cette directive, et notamment avec les prescriptions de son annexe IV ;

Considérant que l'obligation de mentionner les modalités essentielles de financement dans l'avis d'appel public à la concurrence doit être entendue comme imposant à la collectivité publique d'indiquer, même de manière succincte, la nature des ressources qu'elle entend mobiliser pour financer l'opération faisant l'objet du marché, qui peuvent être ses ressources propres, des ressources extérieures publiques ou privées, ou des contributions des usagers ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel des communautés européennes par le SYTEVOM de Haute-Saône, qui, en mentionnant uniquement les règles relatives aux délais de règlement, ne faisait référence qu'aux modalités essentielles de paiement, ne comportait ainsi aucune mention portant sur les modalités de financement telles que définies ci-dessus ; que l'absence d'une telle mention n'ayant pas permis d'assurer une publicité compatible avec les objectifs de la directive n° 93/37/CEE du 14 juin 1993, le SYTEVOM de Haute-Saône a entaché la procédure de passation de ce marché d'un manquement aux obligations de publicité qui lui incombaient en vertu des objectifs poursuivis par cette directive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ITISA est fondée à demander l'annulation de la délibération du 3 septembre 1998 par laquelle le comité syndical du SYTEVOM de Haute-Saône a autorisé son président à signer un marché en vue de la construction d'une usine d'incinération des déchets ménagers ainsi que de la décision du 7 septembre 1998 du président dudit syndical intercommunal de signer ce marché et, par suite, à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public… prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution» ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : «Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet» ;

Considérant que l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu'il appartient au juge de l'exécution, saisi d'une demande d'un tiers, d'enjoindre une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l'acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général ;

Considérant que la présente décision annule l'acte autorisant la passation du marché par l'autorité territoriale et l'acte même de passation du marché par celle-ci pour un motif de fond tiré de l'irrégularité de la procédure de passation pour manquement aux obligations de publicité ; que cette annulation implique ainsi nécessairement la nullité du marché ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors notamment que le marché a été entièrement exécuté, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que la nullité de ce contrat porterait, si elle était constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général ;

Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'enjoindre le SYTEVOM de Haute-Saône de résilier le contrat conclu avec la société CNIM ; qu'en revanche, il incombe à ce dernier, s'il ne peut obtenir de ladite société la résolution d'un commun accord du marché passé le 7 septembre 1998, de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité dudit marché ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre le SYTEVOM de Haute-Saône, à défaut pour lui de justifier de ces mesures dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 150 euros par jour jusqu'à la date à laquelle ces mesures auront été prises ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SYTEVOM de Haute-Saône une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société ITISA et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société ITISA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent le SYTEVOM de Haute-Saône et la société CNIM au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société CNIM est admise.

Article 2 : Le jugement n° 981660 du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 octobre 2002 est annulé ainsi que la délibération du 3 septembre 1998 par laquelle le comité syndical du SYTEVOM de Haute-Saône a autorisé son président à signer un marché en vue de la construction d'une usine d'incinération des déchets ménagers et la décision du 7 septembre 1998 dudit président de signer ce marché.

Article 3 : Il est enjoint au SYTEVOM de Haute-Saône, à défaut pour lui d'obtenir de la société CNIM la résolution du marché d'un commun accord, de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité dudit marché.

Article 4 : Une astreinte est prononcée à l'encontre du SYTEVOM de Haute-Saône s'il ne justifie pas avoir saisi le juge du contrat dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision. Le taux de cette astreinte est fixé à 150 euros par jour.

Article 5 : Le SYTEVOM de Haute-Saône communiquera à la Cour copie des actes justifiant de l'exécution du présent arrêt.

Article 6 : Le SYTEVOM de Haute-Saône versera à la société ITISA une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions du SYTEVOM de Haute-Saône et de la société CNIM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. Riccardi, liquidateur de la société ITISA, au SYTEVOM de Haute-Saône et à la société CNIM.

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N° 02NC01237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02NC01237
Date de la décision : 07/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : SCP SARTORIO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-07;02nc01237 ?
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