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09/11/2006 | FRANCE | N°05NC00042

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2006, 05NC00042


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2005, complétée par les mémoires enregistrés le 24 février 2005 et le 3 octobre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE par Me Zillig, avocat ;

Le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0100761 en date du 19 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la SNC Bail Industrie, de la Safège, de la société Babillon TP et de la société Fondasol Est à lui verser une somme d

e 1 333 653,98 €, ladite somme étant assortie des intérêts légaux en réparatio...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 janvier 2005, complétée par les mémoires enregistrés le 24 février 2005 et le 3 octobre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE par Me Zillig, avocat ;

Le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0100761 en date du 19 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la SNC Bail Industrie, de la Safège, de la société Babillon TP et de la société Fondasol Est à lui verser une somme de 1 333 653,98 €, ladite somme étant assortie des intérêts légaux en réparation des préjudices consécutifs aux désordres constatés sur la route départementale 171 A entre Lexy et Rehon ;

2) à titre principal, de condamner l'Etat, la SNC Bail Industrie, la société Safège, la société Babillon TP et la société Fondasol Est à lui verser une somme de 1 333 653,98 €, ladite somme devant être assortie des intérêts légaux, ceux-ci étant capitalisés au 1er avril 2002, 1er avril 2003 et

1er avril 2004 ;

3) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, le SNC Bail Industrie, la société Safège, la société Babillon TP et la société Fondasol Est à lui verser la somme de 542 245,69 €, outre intérêts de droit, ceux-ci étant capitalisés du 1er avril 2002, 1er avril 2003 et 1er avril 2004 ;

4) en tout état de cause, de condamner l'Etat, la SNC Bail Industrie, la société Safège, la société Babillon TP et la société Fondasol Est à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE soutient que :

- les travaux conduits par le conseil général pour la construction d'une nouvelle voie permettant à nouveau la circulation sont imputables aux auteurs des désordres ;

- en aucune façon, le tribunal ne pouvait conclure qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le préjudice invoqué et les désordres en cause dont l'imputabilité n'est pas discutée et devait tout au plus trancher le débat sur le quantum du préjudice indemnisable ;

- à supposer qu'il faille ne retenir que la solution de la création d'une butte, n'ont pas été pris en compte les coûts d'étude relatifs au glissement ;

- l'expert a estimé les travaux nécessaires au rétablissement de l'ancienne route à

3 410 000 Frs, soit 519 651,14 € ;

- cette solution a, par ailleurs, nécessité des coûts d'étude qui ont été omis, soit 22 434, 55 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2005, présenté pour la société Safège par Me Robinet, avocat ; la société Safège conclut au rejet de la requête, subsidiairement à déclarer qu'elle n'encourt aucune part de responsabilité, plus subsidiairement à ce que le montant des travaux soit arrêté à une somme de 519 851,15 € et à ce que la part de responsabilité qui lui incombe n'excède pas 5% et à la condamnation du DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE à lui verser une somme de 4 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Safège soutient que :

- l'objet de la réclamation ne concernait pas la remise en état de la voie ;

- le département ne soulève aucun moyen de nature à infirmer la position retenue ;

- la société Fondasol Est est responsable des désordres en ne réalisant pas les essais de manière à formuler les recommandations, mesures et précautions à prendre pour pallier l'instabilité du sol d'assise des canalisations ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée, le marché étant suffisamment précis ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2005, présenté pour la société Babillon TP par Me Lebon, avocat; la société Babillon TP conclut au rejet de la requête, subsidiairement à prononcer sa mise hors de cause, dire que la part de responsabilité qui lui incombe n'excède pas 1%, à la condamnation de l'Etat, de la SNC Bail Industrie, de la société Safège et de la société Fondasol Est à la garantir de toute condamnation à intervenir tant en principal qu'intérêts, dire que la condamnation ne saurait excéder la somme de 519 851,15 € et à la condamnation du DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE à lui verser une somme de 4000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Babillon TP soutient que :

- la demande du département est irrecevable tant devant le tribunal que la cour, faute de préciser le fondement juridique du recours ;

- les dégradations de l'ancienne route départementale sont sans lien de causalité avec la décision de construire une nouvelle route ;

- elle n'a aucune responsabilité dans la survenance des désordres ;

- ayant été dans l'ignorance des études de sol antérieures, elle n'avait pas à émettre de doutes sur la nature des travaux demandés ;

- aucun défaut de mise en oeuvre n'a été constaté et le maître d'oeuvre a donné son aval au commencement des travaux ;

- les fautes étant individualisées, toute demande de condamnation in solidum doit être écartée ;

- une partie des travaux constitue un enrichissement sans cause qui ne saurait être supporté par les défendeurs ;

- en tout état de cause, l'indemnisation doit se faire nécessairement hors taxe ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2005, présenté pour la société Fondasol Est par Me Carrière, avocat; la société Fondasol Est conclut au rejet de la requête, subsidiairement à déclarer qu'elle n'encourt aucune part de responsabilité, à la condamnation in solidum de SNC Bail Industrie, de la société Safège, de l'Etat et de la société Babillon TP à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais et accessoires et à la condamnation de toutes les parties responsables à lui verser une somme de 3000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Fondasol Est soutient que :

- la demande introductive d'instance étant irrecevable, faute de préciser le fondement juridique du recours, ne l'est pas plus en appel ;

- la création de la nouvelle route constitue une plus-value décidée unilatéralement par le département pour répondre à des intérêts économiques et politiques ;

- les désordres résultent de la succession des modifications intervenues sur le talus ;

- l'exposante n'a commis aucune faute ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2005, présenté pour SNC Bail Industrie par la SCP d'avocats Colbus Born-Colbus Fittante; la SNC Bail Industrie conclut au rejet de la requête, subsidiairement à sa mise hors de cause, plus subsidiairement à la condamnation in solidum de l'Etat, de la société Safège, de la société Fondasol Est et de la société Babillon TP à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts et frais, en tout état de cause à la condamnation in solidum de l'Etat, de la société Safège, de la société Fondasol Est et de la société Babillon TP à lui verser une somme de 9512,82 € outre intérêts à compter du 30 juin 1993 et à la condamnation du DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE et subsidiairement de l'Etat, la société Safège, la société Fondasol Est et la société Babillon TP à lui verser une somme de 5000 € au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

La SNC Bail Industrie soutient que :

- la requête, irrecevable devant les premiers juges, l'est devant la Cour ;

- il est constant que les dégradations de l'ancienne route départementale sont sans lien de causalité avec la décision de construire une nouvelle route ;

- le débat portant sur le lien de causalité et non sur le quantum du préjudice, la Cour ne peut rejeter la demande tendant à l'indemnisation des travaux de remise en état ;

- les responsabilités respectives ont été établies par l'expertise ;

- il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir fait réaliser les travaux en 1987 ;

- elle est fondée à solliciter le remboursement des travaux qu'elle a engagés sur recommandation de la DDE en 1993 ;

- le département doit justifier de l'impossibilité de récupérer la TVA ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2005, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le département ne doit pas, en conséquence du dommage qu'il a subi, obtenir un enrichissement ;

- le département n'a pas recherché la solution strictement adaptée à la solution définitive des désordres ;

- le tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit en rejetant la réclamation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Zillig de la SCP Lagrange-Philippot-Clement-Zillig, avocat du DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE, de Me Larère de la SCP Lebon et Mennegand, avocat de la SA Babillon TP, de Me Robinet, avocat de la société Safège, de Me Colbus, avocat de SNC Bail Industrie, et de Me Carrière, avocat de la Sté Fondasol Est,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la société Babillon TP, la société Fondasol Est et la SNC Bail industrie :

Considérant qu'à la suite de la pose d'un collecteur d'eaux usées mis en place pour réaliser à l'initiative du Syndicat Intercommunal d'Assainissement de l'Agglomération de Longwy (SIAAL)

le réseau d'assainissement de la vallée de la Chiers entre Longlaville et Lexy, en septembre 1992, des fissures importantes et des glissements de voirie ont été constatés sur la route départementale 171 A, entre Lexy et Rehon ; qu'au vu de ces désordres, le DÉPARTEMENT DE MEURTHE-ET-MOSELLE, après avoir, dans un premier temps, interdit la circulation sur cette voie, a décidé, au lieu de conforter l'existant, de modifier le tracé de la RD 171 A et a exposé à cette fin une dépense de 8 748 193,63 Frs (1 333 653,98 €) ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande présentée par le DÉPARTEMENT DE MEURTHE-ET-MOSELLE tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, de la Snc Bail Industrie, de la société Safège, de la société Babillon TP et de la société Fondasol Est à lui verser ladite somme de 1 333 653,98 € qui correspond au coût de réalisation d'une nouvelle voie ;

Considérant que si les tiers victimes de dommages causés par des travaux publics à leurs biens ont droit à l'entière réparation du préjudice, le préjudice indemnisable ne peut excéder le coût des travaux nécessaires pour que le bien endommagé soit remis dans son état antérieur ; qu' il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, ainsi que l'a relevé le tribunal, que la mise en place d'une butée en terre de 48 400 m3, avec réfection de la chaussée endommagée, aurait été suffisante pour stabiliser le talus et rendre la route départementale 171 A ouverte à la circulation ; qu'ainsi, la création d'un nouveau tracé en fond de vallée, qui a eu un coût largement supérieur à celui de réalisation de la butée de pied avec réfection de la chaussée existante, n'était pas nécessaire pour remédier aux désordres ayant affecté la route départementale 171 A ; que, par suite, quand bien même la décision de réaliser un nouveau tracé pour le tronçon de la RD 171 A entre Lexy et Rehon serait consécutive aux désordres survenus en 1992, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation présentée par le DÉPARTEMENT DE MEURTHE-ET-MOSELLE, dès lors qu'il n'y a pas de lien de causalité direct entre lesdits désordres et le préjudice allégué ;

Considérant que si, à titre subsidiaire, le département demande en appel le remboursement de la somme de 3 410 000 Frs (519 851,15 €), correspondant au coût des travaux évalués par l'expert pour la remise en état de la voie existante, il est constant que lesdits travaux n'ont pas été réalisés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que le DÉPARTEMENT DE MEURTHE-ET-MOSELLE, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la demande présentée sur ce fondement par la société Fondasol Est, n'étant pas dirigée contre la partie perdante, ne peut qu'être rejetée ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le DÉPARTEMENT DE MEURTHE-ET-MOSELLE à payer respectivement à la société Safège, à la société Babillon TP et la SNC Bail Industrie, une somme de 1000 € à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Fondasol Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE versera respectivement à la société Safège, à la société Babillon TP et la SNC Bail Industrie une somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE MEURTHE ET MOSELLE, à la société Safège, à la société Fondasol Est, à la société Babillon TP, à SNC Bail industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

2

05NC00042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00042
Date de la décision : 09/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-09;05nc00042 ?
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