Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2003, présenté pour M. Richard X, élisant domicile ..., par Me Thibaut, avocat au barreau de Nancy ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1287 du 29 août 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer des impositions qui lui sont réclamées en qualité d'héritier de M. Pol X, par quatre commandements de payer émis par le Trésorier Principal de Maxéville le 29 mars 2002 ;
2°) de lui accorder la décharge de cette obligation de payer les impositions sus-mentionnées, portant sur un montant total de 101 214,89 € ;
3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 2 000 €, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part en raison de l'absence des signatures et des mentions complètes de l'identité des signataires, en méconnaissance de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et du nouveau code de procédure civile, d'autre part, à cause de visas incomplets relatifs aux dispositions appliquées, en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'admettre que le délai de prescription régi par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales et les articles 2219 et suivants du code civil, n'avait pas joué au cas d'espèce ; ce délai n'a pu être interrompu ni par des avis à tiers détenteurs émis à l'encontre du service des Domaines, alors chargé de gérer la succession vacante, et inopposables aux héritiers, ni par un courrier du 27 décembre 2001 du requérant, n'ayant pas valeur de reconnaissance de dette ;
- la curatelle confiée aux Domaines a eu pour effet de rendre inapplicable à la dette successorale le privilège régi par les articles 1926 et 1929 du code civil, et donc d'exclure la procédure d'avis à tiers détenteur ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 18 mars 2004, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la demande introductive d'instance auprès du Tribunal administratif de Nancy a été déposée hors délai, compte tenu des dispositions des articles L. 274 et R. 281-2 du livre des procédures fiscales, applicables en l'espèce ;
- à titre subsidiaire, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne sont pas fondés ;
- la chronologie des poursuites permet d'établir que le délai de prescription régi par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré à la date des commandements de payer contestés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller ;
- les observations de Me Thibaut, avocat de M. X ;
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, définit son champ d'application en son article 1er, aux termes duquel : « Sont considérées comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif… » ; que les juridictions administratives ne sont pas incluses dans cette énumération et, contrairement à ce qu'allègue l'appelant, ne peuvent être qualifiées d'administrations de l'Etat au sens de ces dispositions ; qu'il suit, de là, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nancy n'aurait pas respecté les conditions de forme liées à l'identité de ses auteurs, régies par l'article 4 de cette loi, est inopérant ; que, sur ce point, le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions du nouveau code de procédure civile, inapplicables aux jugements des tribunaux administratifs ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative régissant les mentions obligatoires des jugements : « La décision… contient… les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application » ; qu'il est constant que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nancy vise expressément le livre des procédures fiscales, dont il applique ensuite certaines dispositions ; que ce jugement respecte ainsi la règle de forme prévue par l'article R. 741-2 précité, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que les premiers juges se seraient référés à des dispositions inappropriées au litige qui leur était soumis ;
Sur la prescription des droits du Trésor Public :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrecevabilité de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nancy, invoquée par le ministre :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la succession de M. Pol X, décédé le 26 août 1994, demeurait débitrice envers le Trésor Public de cotisations d'impôt sur le revenu, et de contribution sociale généralisée au titre des années 1989 à 1991, ainsi que de taxes foncières sur les propriétés bâties, au titre des années 1993 à 2000, pour un montant total de 716 773 F (101 214 €) ; que, par un acte du 29 août 1997, M. Richard X a renoncé à la succession de son père, tout comme les autres héritiers ; qu'en conséquence, la curatelle de cette succession vacante a été confiée au service des Domaines par une décision judiciaire du 11 mai 1998 ; que, par un nouvel acte du 18 avril 2001, M. Richard X a rétracté sa renonciation à la succession ; qu'en conséquence, par quatre commandements de payer en date du 29 mars 2002, le Trésorier Principal de Maxéville lui a réclamé le paiement de la dette fiscale sus-évoquée, pour le montant actualisé de 110 938,99 € ; que M. Richard X fait appel du jugement du 29 août 2003, par lequel le Tribunal administratif de Nancy a refusé de lui accorder la décharge de l'obligation de payer ces impositions ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales seul applicable à la dette fiscale litigieuse : « Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. » ; qu'au cas d'espèce, les impositions en litige ont été mises en recouvrement respectivement : le 28 février 1994 pour l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1989 à 1991, le 30 novembre 1994 pour la contribution sociale généralisée due au titre des mêmes années et, le 31 août de chacune des années 1993 à 2000, en ce qui concerne les taxes foncières ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la chronologie des procédures de recouvrement sus-rappelée, que le délai régi par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales n'était, en tout état de cause, pas expiré à la date d'émission des commandements de payer du 29 mars 2002, en ce qui concerne les taxes foncières des années 1998, 1999 et 2000 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'instruction que les services du Trésor ont établi un premier procès-verbal de saisie sur les biens de la succession le 7 juillet 1994, interrompant ainsi le délai de prescription qui courait depuis le 31 août 1993 pour la plus ancienne de ces dettes fiscales, correspondant à la taxe foncière de l'année 1993 ; que ce délai s'est trouvé à nouveau interrompu par une nouvelle procédure de saisie opérée le 29 novembre 1996 et par trois avis à tiers détenteurs émis à l'encontre du service curateur de la succession ; que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, le premier avis en date du 23 janvier 1998 concernait l'ensemble des impositions demeurées impayées et n'était pas limité, comme les suivants, à des taxes foncières déterminées ; que le délai a été ensuite prorogé par la lettre adressée par M. X au trésorier principal de Maxéville, le 27 décembre 2001, dans laquelle l'intéressé déclare se trouver dans l'impossibilité de faire face au paiement des sommes réclamées, et qui doit être regardée comme une reconnaisance de sa dette par le contribuable, au sens des dispositions de l'article L. 274 précité ; que ce délai n'était, dès lors, pas expiré à la date du 29 mars 2002 d'émission des commandements de payer contestés ; que M. X, qui avait auparavant rétracté se renonciation à la succession, le 18 avril 2001, avait ainsi retrouvé sa qualité de débiteur solidaire des impositions mises à la charge du de cujus ; que, contrairement à ce qu'il soutient, les actes de poursuites accomplis envers le débiteur principal, dont la succession vacante était, en l'espèce, gérée sous un régime de curatelle, sont opposables aux débiteurs solidaires ; que, par ailleurs, le requérant ne peut utilement alléguer d'éventuels vices de forme des avis à tiers détenteurs émis par le Trésor Public, un tel moyen étant irrecevable devant les juridictions administratives qui ne sont pas compétentes pour en connaître ; que le moyen tiré de ce que le délai régi par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales aurait été expiré lorsque le Trésor Public a réclamé au requérant le paiement de la dette fiscale du de cujus, doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu que, par sa nature, la créance du Trésor est régie par les dispositions sus-analysées du livre des procédures fiscales, en particulier celles relatives aux délais de prescription ; que la circonstance que la succession vacante a été gérée sous un régime de curatelle régi par le code civil, reste sans incidence sur ce délai de prescription, spécifique aux poursuites exercées par le trésor public ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les impositions mises à la charge du requérant seraient atteintes par la prescription en vertu des dispositions du code civil est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions du requérant tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Richard X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N°03NC01085