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28/09/2006 | FRANCE | N°04NC01069

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 28 septembre 2006, 04NC01069


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2004, présentée pour M. Pascal, X, élisant domicile ..., par la SELAFA Cabinet Cassel, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201141 du 5 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à condamner solidairement l'Etat et la commune de Rancenay à lui verser la somme de 45 800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inconstructibilité de son terrain ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 800 euros ;

3°) de mettre à la cha

rge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2004, présentée pour M. Pascal, X, élisant domicile ..., par la SELAFA Cabinet Cassel, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201141 du 5 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à condamner solidairement l'Etat et la commune de Rancenay à lui verser la somme de 45 800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inconstructibilité de son terrain ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 800 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute n'avait été commise dès lors que le certificat d'urbanisme positif devait faire mention du sursis à statuer susceptible d'être opposé à la demande ultérieure de permis de construire, le projet d'extension du cimetière ayant été établi auparavant ;

- que c'est également à tort que le tribunal a estimé que la commune n'avait pas fourni de faux renseignements au notaire ;

- que l'administration a également commis une faute en ne mentionnant pas l'existence du droit de préemption dans les demandes de renseignement des 19 mars et 4 avril 2001 ;

- que les fautes commises par le maire au nom de l'Etat et par la direction départementale de l'équipement sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat pour le préjudice subi du fait de l'acquisition des parcelles, qu'il n'aurait sinon pas achetées, et du fait de l'impossibilité dans laquelle il se trouve aujourd'hui de les revendre ;

- que son préjudice consiste en la perte de valeur vénale de son bien ainsi qu'en les troubles subis dans la jouissance et la libre disposition de son immeuble, s'élevant à 45 800 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2006, présenté par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens énoncés par M. X ne sont pas fondés ;

Vu, enregistrées le 23 août 2006, les observations présentées par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : «Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain… ledit terrain peut : a) être affecté à la construction… Si la demande formulée en vue de réaliser l'opération projetée sur le terrain, notamment la demande de permis de construire prévue à l'article L. 421-1… est déposée dans le délai d'un an à compter de la délivrance du certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause» ; qu'en vertu de l'article L. 123-5 dudit code, dans sa version alors applicable : «Lorsque l'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit… l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan…» ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 410-16 du même code : «Au cas où un sursis à statuer serait opposable à une demande d'autorisation tendant à affecter le terrain à la construction ou à y réaliser une opération déterminée, le certificat d'urbanisme en fait état» ;

Considérant que, par délibération en date du 31 mars 2000, le conseil municipal de Rancenay a prescrit l'élaboration du plan d'occupation des sols de la commune ; que, par une nouvelle délibération du 15 septembre 2000, le conseil municipal a précisé, à l'occasion d'une demande de certificat d'urbanisme déposée par le propriétaire de la parcelle n° 562, que la commune entendait conserver la possibilité d'exercer son droit de préemption sur cette parcelle en vue d'un éventuel agrandissement du cimetière ; que, toutefois, le préfet du Doubs, sollicité à cet effet par une personne agissant pour le compte de M. X, lequel envisageait d'acquérir cette parcelle, a délivré le 1er décembre 2000 un certificat d'urbanisme positif déclarant constructible une superficie d'environ 1 800 m² sur un terrain d'une surface totale de 5 385 m² englobant notamment ladite parcelle en ne mentionnant pas l'éventualité ci-dessus rappelée parmi les observations et réserves relatives à la constructibilité dudit terrain ; que, par note de renseignements complétée le 4 avril 2001 concernant la constructibilité d'une fraction dudit terrain incluant également la parcelle n° 562, le maire de Rancenay, agissant au nom de l'Etat, a uniquement indiqué qu'un plan d'occupation des sols était en cours d'élaboration ; que M. X a acquis le 27 juin 2001 le terrain faisant l'objet de la demande de renseignements précitée et l'a revendu le 18 juillet 2001 à un tiers sous diverses conditions suspensives, dont une relative à sa constructibilité ; que, sur demande de l'ancien propriétaire formée le 26 juin 2001, le préfet du Doubs a délivré le 26 juillet 2001 un certificat d'urbanisme mentionnant que ledit terrain était localisé dans une zone du futur plan local d'urbanisme non destinée à la construction et pouvant de surcroît faire l'objet d'une réservation pour équipement public en vue de l'extension du cimetière et qu'ainsi une demande de permis de construire pourrait se voir opposer une décision de sursis à statuer par application des dispositions précitées de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme ; que, par décision du 10 décembre 2001, ledit préfet a sursis à statuer sur la demande de permis de construire déposée par l'acquéreur du terrain, notamment au motif tiré de ce que, selon les dispositions du plan local d'urbanisme prescrit le 31 mars 2000, le projet serait situé dans une zone inconstructible faisant de surcroît l'objet d'une réservation pour équipement public ; que, consécutivement à cette décision, l'intéressé a renoncé à l'acquisition du terrain, demeuré ainsi la propriété de M. X ;

Considérant qu'il résulte du contenu de la délibération susrappelée du 15 septembre 2000 que l'élaboration du futur plan d'occupation des sols était suffisamment avancée pour permettre de faire état, dès la délivrance le 1er décembre 2000 du premier certificat d'urbanisme susmentionné, de l'éventualité de la création d'un emplacement réservé pour agrandissement du cimetière communal de nature à faire obstacle à l'édification d'une construction sur la parcelle dont M. X envisageait l'acquisition ; qu'en s'abstenant de toute mention à cet égard, alors qu'il y était tenu en vertu des dispositions précitées de l'article R. 410-16 du code de l'urbanisme, le préfet du Doubs a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que le maire de Rancenay, agissant au nom de l'Etat, a de même commis une faute en ne rédigeant le 4 avril 2001 qu'une note de renseignements incomplète s'agissant de la constructibilité du terrain dont M. X désirait se porter acquéreur, dont il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'équipement, il englobait notamment la parcelle n° 562, expressément mentionnée dans la délibération du 15 septembre 2000, comme il a été dit ci-dessus ;

Considérant toutefois que, dûment averti par la note de renseignements du 4 avril 2001 qu'un plan d'occupation des sols était en cours d'élaboration et n'ayant de surcroît pas attendu la réponse du préfet à la nouvelle demande de certificat d'urbanisme formulée par l'ancien propriétaire du terrain avant d'en faire l'acquisition, M. X a lui-même commis une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat à son égard ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à réparer les deux tiers des conséquences dommageables subies par le requérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions en responsabilité dirigées contre l'Etat ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il est constant que M. X n'avait acquis les parcelles litigieuses qu'en vue de les revendre en tant que terrain constructible ; que, par suite, l'intéressé est fondé à demander l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'acquisition dudit terrain, à laquelle il n'a procédé que dans la certitude de pouvoir le revendre en tant que tel ; que si le plan local d'urbanisme adopté par la commune a maintenu en zone constructible les parcelles déclarées comme telles par le certificat d'urbanisme délivré le 1er décembre 2000, il résulte de l'instruction, et notamment de l'estimation pratiquée par le service des domaines en mars 2005 que leur valeur vénale doit en être réduite compte tenu de la proximité du cimetière, dont l'extension programmée a d'ailleurs conduit la commune à envisager l'acquisition d'une parcelle supplémentaire par rapport à celles faisant l'objet d'un emplacement réservé à cet effet ; qu'eu égard, d'une part, au prix de 44 210 euros d'acquisition desdites parcelles par M. X le 27 juin 2001, auquel il convient d'ajouter les droits afférents à l'acte correspondant, dès lors que l'intéressé aurait renoncé à l'acquisition du terrain s'il avait été informé des projets de la commune, d'autre part, à l'estimation précitée de leur valeur vénale par le service des domaines, arrêtée à 27 037 euros, et à la hausse vraisemblable du prix des terrains entre 2001 et 2005 dans une commune en expansion démographique et proche d'une importante agglomération urbaine, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X en le fixant à une somme de 25 000 euros ; qu'ainsi, après application du partage de responsabilité, l'Etat doit être condamné à verser à M. X une somme de 16 667 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme susvisée de 16 667 euros à compter de la date de réception par le préfet du Doubs de sa demande préalable en date du 7 mai 2002 ; que la capitalisation a été demandée le 3 décembre 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a ainsi lieu de faire droit à cette demande à cette dernière date ainsi qu'à chacune des échéances annuelles à compter de celle-ci ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 5 octobre 2004 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme de 16 667 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable du 7 mai 2002, lesdits intérêts étant en outre capitalisés à compter du 3 décembre 2004 ainsi qu'à chacune des échéances annuelles à compter de cette date.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pascal X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

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N° 04NC01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC01069
Date de la décision : 28/09/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-09-28;04nc01069 ?
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