Vu la requête, enregistrée le 9 août 2004, complétée par mémoires enregistrés les 17 janvier et 2 mai 2006, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, représenté par le président du conseil général, à ce dûment habilité par délibération de la commission permanente du conseil général en date du 4 octobre 2004, élisant domicile en cette qualité à l'Hôtel du département, 1 rue du Pont Moreau, BP 11096 à Metz Cedex 1 (57036), par Me Roth, avocat ; le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0202737 du 1er juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de Mme Y, annulé la décision du 5 février 2002 par laquelle le président du conseil général l'a licenciée ainsi que la décision implicite confirmant ladite décision sur recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande de Mme Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre une somme de 600 euros à la charge de Mme Y au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit et de fait en considérant que le délai de convocation était insuffisant sans justifier des circonstances qui nécessitaient en l'espèce un délai plus long et sans vérifier la nature du dispositif légal ;
- que le tribunal a, quant au bien-fondé de la décision, indûment substitué son appréciation, limitée au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, à celle de l'administration, sans indiquer en quoi celle-ci aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- que les dispositions des articles L. 773-7 et L. 773-12 du code du travail mettent en oeuvre une simple faculté pour l'employeur, laquelle ne s'apparente pas à une sanction ;
- qu'il s'est conformé à la loi en communiquant les motifs du licenciement préalablement par écrit et au cours de l'entretien ;
- que les premiers juges ont inexactement considéré que les motifs du licenciement devaient être communiqués simultanément à la convocation à l'entretien préalable ;
- que la requérante doit être regardée comme ayant implicitement acquiescé à la décision de ne plus se voir confier d'enfant en n'ayant donné aucune suite à la demande de renouvellement de son agrément ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2005 et complété par mémoire enregistré le 20 février 2006, présentés pour Mme Y par Me Schrekenberg ;
Mme Y conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens invoqués par le département requérant ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 2 mai 2006 à 16 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2006, présenté pour Mme Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- les observations de Me Paveau, substituant Me Roth, avocat du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, et de Me Kappler, avocat de Mme Y ;
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Y, recrutée en 1989 comme assistante maternelle par le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, s'est vu, en raison de son arrêt pour maladie, retirer en janvier 2001 l'accueil de deux jeunes mineures qui lui avait été attribué en 1996 ; que, toutefois, aucun enfant ne lui ayant plus été confié à son retour de congé de maladie en octobre 2001, l'intéressée a été licenciée le 5 février 2002 ; que le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ladite décision ainsi que la décision implicite par laquelle le président du conseil général a rejeté le recours gracieux introduit par l'intéressée contre ladite décision ;
Sur la légalité de la décision du 5 février 2002 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 773-12 du code du travail, rendu applicable aux assistantes maternelles employées par des personnes morales de droit public par l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : «… L'employeur qui n'a pas confié d'enfant à une assistante maternelle pendant une durée de trois mois consécutifs est tenu de lui adresser la lettre recommandée prévue à l'article L. 773-7 du présent code. L'employeur ne peut toutefois adresser cette lettre qu'après avoir convoqué par écrit et reçu l'assistante maternelle à un entretien au cours duquel il lui indique le motif pour lequel il ne lui confie plus d'enfant. L'employeur est en outre tenu d'indiquer ce motif dans la lettre prévue à l'article L. 773-7» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y n'a été conviée que par lettre recommandée du 30 janvier 2002, présentée à son domicile le 31 janvier, à un entretien devant avoir lieu ce même jour à 10 heures ; que si les dispositions précitées ne prévoient aucun délai minimal entre la convocation à l'entretien et le déroulement de ce dernier, l'assistante maternelle doit en être avertie suffisamment à l'avance afin de pouvoir accéder le cas échéant à son dossier et préparer son argumentation ; qu'ainsi la décision susrappelée du 5 février 2002 a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; que la circonstance que l'intéressée ait été informée auparavant par téléphone de sa convocation à un entretien, à une date au demeurant inconnue, est sans incidence sur ce qui précède, la lettre recommandée devant être regardée comme une formalité substantielle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé ladite décision pour méconnaissance des dispositions précitées ;
Sur la légalité de la décision implicite de rejet du recours gracieux :
Considérant que la décision la décision de rejet du recours gracieux de Mme Y doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision susrappelée du 5 février 2002 ; que, par suite, le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a également annulé la décision du président du conseil général confirmant implicitement ladite décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Y, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE la somme de 1 000 euros que demande Mme Y au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE est rejeté.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE versera à Mme Y la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE LA MOSELLE et à Mme Annick Y.
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N° 04NC00756