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04/08/2006 | FRANCE | N°02NC01354

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 04 août 2006, 02NC01354


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 1er juillet 2003, présentée pour la SOCIETE CROSSAIR, dont le siège est CH-4002 à Bale (4002), SUISSE, par Me Jean-Luc Demarche, avocat du Groupement strasbourgeois d'avocats ; la SOCIETE CROSSAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9807022-0001548-0202336 en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assu

jettie au titre des exercices clos de 1992 à 1994 et en 1997 et 1998 ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 1er juillet 2003, présentée pour la SOCIETE CROSSAIR, dont le siège est CH-4002 à Bale (4002), SUISSE, par Me Jean-Luc Demarche, avocat du Groupement strasbourgeois d'avocats ; la SOCIETE CROSSAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9807022-0001548-0202336 en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1992 à 1994 et en 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

Elle soutient que :

- elle est soumise à la législation suisse dans le cadre de son activité aéronautique et ses résultats d'exploitation sont soumis à la seule fiscalité suisse ;

- ses activités de maintenance des appareils et de formation des pilotes, exercées dans le secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, sont connexes à son activité principale d'exploitation des aéronefs au regard de la logique économique et de la convention internationale de 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui prévaut sur l'article 5 de la convention fiscale franco-suisse de 1966, et ne sont dès lors, au même titre que celle-ci, taxables qu'en Suisse ;

- ces activités sont accessoires et marginales par rapport à son activité principale et doivent être soumises au même régime fiscal que celle-ci en application du principe qui veut que l'accessoire suit le principal ;

- ces activités sont nécessaires à l'activité principale d'exploitation des aéronefs au regard de la convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale et du code français de l'aviation civile ;

- ces activités ne constituent pas juridiquement une entreprise autonome ;

- la part de ces activités effectuée au profit de tiers permet de les justifier et maintenir économiquement ;

- elle n'a pas d'établissement stable, au sens de la doctrine, pour la part de ces activités effectuée au profit de tiers ;

- l'interprétation des conventions donnée par le tribunal administratif aboutit à une double imposition qu'a voulu justement éviter la convention de 1966 ;

- cette analyse est confirmée par une réponse ministérielle à M. X, député, le 2 novembre 1998 ;

- la position de l'administration est contraire à la Convention de Vienne de 1949 ;

- elle n'a pas bénéficié d'une procédure équitable au regard des stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- une lettre de Mme Y, secrétaire d'Etat au budget, en date du 17 janvier 2002, adressée à M. Jean-Marie Z, député, démontre que son imposition à l'impôt français est loin d'être évidente ;

- la convention franco-suisse de 1966 a été modifiée par avenant du 22 juillet 1997 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par les motifs qu'aucun des moyens présentés par la SOCIETE CROSSAIR n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse à Blotzheim ;

Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, publiée par décret n° 67-879 du 13 septembre 1967, modifiée par avenant du 22 juillet 1997, publié par décret n° 98-747 du 20 août 1998 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société de droit helvétique SOCIETE CROSSAIR, dont le siège social est à Bâle (Suisse), exerce des activités de transport aérien international à partir d'installations dont elle dispose dans le secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, situé sur le territoire français ; que, suite à une vérification de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1993, du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1994 et du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, la SOCIETE CROSSAIR s'est vue réclamer des cotisations à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos de 1992 à 1994, 1997 et 1998, pour les seuls bénéfices tirés d'activités de prestations de formation de pilotes et de maintenance d'appareils, proposées à d'autres compagnies ; que la SOCIETE CROSSAIR, devenue la société SWISS INTERNATIONAL AIR LINES AG, fait régulièrement appel du jugement en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquelles elle a été ainsi assujettie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse à Blotzheim : «La législation et la réglementation françaises sont seules applicables dans l'enceinte de l'aéroport, sauf les dérogations expresses apportées à ce principe par la présente Convention et ses annexes» ; qu'aux termes de l'article 14 de l'annexe II à cette même convention, tel que modifié suite à un échange de notes des 20 juillet et 21 novembre 1960, publiées par décret du 19 octobre 1961 : «1. Les conditions d'application des impôts et taxes français à la charge de l'aéroport, des compagnies de navigation aérienne et des entreprises chargées de l'exécution de travaux immobiliers pour l'aéroport, feront l'objet d'un accord entre les deux gouvernements (…)» ; qu'aux termes de l'article 12 de l'annexe II à ladite convention : «Les commerces annexes installés par l'aéroport ou ses sous-traitants sur l'aéroport sont soumis au droit français» ;

Considérant que les activités exercées par la SOCIETE CROSSAIR en matière de formation de pilotes et de maintenance d'appareils, proposées à d'autres compagnies, ne peuvent être regardées comme un «commerce annexe installé par l'aéroport ou ses sous-traitants» au sens des stipulations susmentionnées de l'article 12 de l'annexe II à la convention du 4 juillet 1949 ;

Considérant qu'il résulte cependant des stipulations précitées de l'article 6 de cette convention du 4 juillet 1949 que les compagnies de navigation aérienne, même si elles exercent leur activité dans le secteur douanier suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui est entièrement situé sur le territoire français, sont, sauf dérogation expresse, soumises à la législation et la réglementation françaises ; qu'aucune stipulation de la convention ou de ses annexes ne prévoit l'application dérogatoire de la loi fiscale suisse aux entreprises exerçant une activité dans ce secteur de l'aéroport ; que les stipulations précitées de l'article 14 de l'annexe II à cette même convention, qui prévoient un accord entre la France et la Suisse sur les conditions d'application des impôts et taxes français à la charge, notamment, des compagnies de navigation aériennes, n'ont ni pour objet ni pour effet de subordonner à l'intervention d'un tel accord l'assujettissement de ces compagnies à la loi fiscale française ; que la circonstance que la convention confie, par ailleurs, aux autorités suisses des prérogatives particulières dans le secteur douanier suisse de l'aéroport, en matière notamment de réglementation commerciale et de polices des frontières et sanitaire, n'est pas, en elle-même, de nature à faire échec à l'application de la loi fiscale française dans ledit secteur ; qu'il s'ensuit que ce sont les dispositions de la loi fiscale française qui trouvent à s'y appliquer, en matière notamment d'impôt sur les sociétés, sous réserve des stipulations de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : «I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (…) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions» ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée : «1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement (…)» ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention fiscale franco-suisse : «Au sens de la présente convention, l'expression « établissement stable» désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression «établissement stable» comprend notamment : (…) c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier (…) g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois (…)» ; qu'aux termes de l'article 8 de cette convention : «1. Les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat contractant où le siège de la direction effective de l'entreprise est situé (…)» ;

Considérant que, pour l'application de ces stipulations de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, ne peut être considéré comme un établissement stable d'une société qu'un établissement disposant, en droit ou en fait, d'une autonomie de gestion et de pouvoirs lui permettant d'engager la société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de celle-ci ; qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, la SOCIETE CROSSAIR exerce à titre principal une activité de transport aérien international ; que, dès lors que son siège est situé en Suisse, elle n'est pas soumise en France à l'impôt sur les sociétés, en application des stipulations de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, ni pour cette activité proprement dite, ni pour ses activités d'entretien de ses propres appareils et de formation de ses propres pilotes, qui sont indissociables de la précédente ; que, si la SOCIETE CROSSAIR propose également sur le site de l'aéroport de Bâle-Mulhouse de semblables prestations d'entretien d'appareils et de formation de pilotes à des compagnies tierces, le service n'établit pas que cette dernière activité est exercée dans le cadre d'une structure juridique disposant habituellement, en droit ou en fait, de pouvoirs lui permettant d'engager la société et présentant d'une manière générale une autonomie de gestion de nature à lui conférer le caractère d'un «établissement stable» au sens des stipulations sus-rappelées de l'article 7 de ladite convention ; que, dès lors, la SOCIETE CROSSAIR ne pouvait pas être soumise à l'impôt sur les sociétés en France pour cette activité d'entretien d'appareils et de formation de pilotes à destination d'autres compagnies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CROSSAIR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 19 novembre 2002, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 1992 à 1994, 1997 et 1998 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 novembre 2002 est annulé.

Article 2 : La SOCIETE CROSSAIR est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 1992, 1993, 1994, 1997 et 1998.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SWISS INTERNATIONAL AIR LINES AG (ANCIENNEMENT CROSSAIR) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 02NC01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01354
Date de la décision : 04/08/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A. ; GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A. ; GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-08-04;02nc01354 ?
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