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29/06/2006 | FRANCE | N°02NC01059

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 29 juin 2006, 02NC01059


Vu le recours, enregistré le 23 septembre 2002, complété par des mémoires enregistrés les 3 septembre 2003 et 12 juillet 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 98-06927 du 23 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SNC du Centre médical du Baggersee au titre de la période du 1er

février 1993 au 30 septembre 1995 et condamné l'Etat à verser une somme de ...

Vu le recours, enregistré le 23 septembre 2002, complété par des mémoires enregistrés les 3 septembre 2003 et 12 juillet 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 98-06927 du 23 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SNC du Centre médical du Baggersee au titre de la période du 1er février 1993 au 30 septembre 1995 et condamné l'Etat à verser une somme de 800 euros à la SNC Centre médical du Baggersee ;

2°) de remettre l'imposition contestée à la charge de SNC Centre médical du Baggersee ;

Il soutient que le motif tenant à l'exclusion du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée des locations réalisées par la SNC Centre médical du Baggersee doit être substitué au motif retenu par le vérificateur pour asseoir son rappel ; que la substitution de base légale ne prive la société d'aucune garantie, le nouveau motif portant sur une question de droit qui ne relève pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'administration n'a pas procédé à une seconde vérification pour les mêmes impôts au titre de la même période ; que les locations qui concernaient des locaux nus et non des locaux aménagés ne pouvaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée que sur option ; que la sous location de locaux nus à usage professionnel n'est pas une location du droit de jouissance sur ces locaux ; qu'à défaut d'option, la société n'était pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée et ne pouvait exercer de droits à déduction sur les dépenses qu'il convenait d'affecter à ce secteur d'activité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 mars 2003, complété par un mémoire enregistré le 12 janvier 2004 présenté pour la SNC Centre médical du Baggersee par Me X..., avocat, qui conclut au rejet de la requête et demande par la voie de l'appel incident que soit ordonné le remboursement des frais de garantie bancaire qu'elle a engagés soit une somme de 4 113,40 euros ; la société fait valoir que les moyens invoqués par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne sont pas fondés ; que la substitution de base légale n'est pas possible, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été consultée ; que cette substitution implique une nouvelle vérification pour la même période et le même impôt ; qu'elle a exercé une option pour le régime de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'opération doit s'analyser comme une location du droit de jouissance soumise de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire enregistré le 26 juillet 2004 présenté pour la SNC Centre médical du Baggersee ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement,

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SNC Centre médical du Baggersee, l'administration a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le coût des travaux d'aménagement réalisés dans des locaux pris en location pour être affectés à l'usage de cabinet médical au motif que la société n'avait effectué aucune opération ouvrant droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée depuis sa création ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que la SNC Centre médical du Baggersee n'ayant jamais renoncé à son intention de réaliser des opérations imposables en dépit du fait que cette intention n'avait pu se concrétiser que près de sept ans après l'exécution des travaux d'aménagement, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces travaux était déductible et il a déchargé la SNC Centre médical du Baggersee du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er février 1993 au 30 septembre 1995 ;

Sur le recours du ministre :

Considérant que le ministre demande en appel qu'au motif initialement retenu pour remettre en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée soit substitué celui tenant à l'exclusion du champ d'application des locations réalisées par la SNC Centre médical du Baggersee qui, dans la mesure où elles concernaient des locaux nus, ne pouvaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée que sur option ;

Considérant que l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit à tout moment de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer ; que, toutefois, cette substitution ne peut pas avoir pour effet, sauf à entraîner la décharge de l'imposition, de priver le contribuable des garanties attachées à ce nouveau fondement et dont il aurait pu bénéficier s'il avait été initialement retenu par l'administration ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la SNC Centre médical du Baggersee n'est privée d'aucune garantie du fait de cette substitution dès lors que les redressements ont été effectués selon une procédure contradictoire, sans que le vérificateur ait procédé à un second contrôle au titre de la même période, contrairement à ce qui est soutenu en défense, et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour examiner le litige qui tenait à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ... 2° les locations de terrains non aménagés et de locaux nus ... ; qu'aux termes de l'article 260, dans sa rédaction applicable : « Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : - …2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins d'un preneur non assujetti… » ; que, d'une part doit être regardée comme une location de locaux nus celle qui porte sur des locaux qui ne sont pas munis de l'essentiel des équipements immobiliers et mobiliers et du matériel nécessaires à l'exploitation à laquelle ils sont destinés ; que, d'autre part, la location visée par ces dispositions s'entend de la concession faite à un preneur, pour une durée et moyennant une rémunération convenues, du droit d'occuper des locaux à titre exclusif, quelle que soit la qualité en laquelle le donneur a la faculté d'accorder ce droit ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un avenant au bail passé avec la société alsacienne de supermarchés en date du 24 juin 1994, la SNC Centre médical du Baggersee a été autorisée à sous louer tout ou partie des locaux sur lesquels elle avait effectué des travaux d'aménagement à la SCM Centre médical du Baggersee ; qu'elle a ainsi exercé une activité de location ; que les locaux n'étant pas munis des équipements nécessaires à l'activité médicale ou paramédicale à laquelle ils étaient destinés, la location doit être regardée comme une location de locaux nus, qui n'est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée que par l'exercice de l'option prévue par l'article 260 du code général des impôts susmentionné ; que contrairement à ce que soutient la SNC Centre médical du Baggersee, l'option, qui devait faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration selon les modalités prévues par les dispositions combinées de l'article 286 du code général des impôts et des articles 191 à 195 de son annexe II, ne pouvait résulter de la déclaration d'existence souscrite auprès du centre de formalités des entreprises pour l'exercice d'une activité de prestations de services techniques et administratifs dans le domaine de la santé, sur laquelle la société avait indiqué relever du régime réel normal d'imposition pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, la SNC Centre médical du Baggersee n'ayant pu établir avoir opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour son activité de location de locaux nus, cette activité n'était pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée et ne pouvait, dès lors, ouvrir droit à déduction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le motif ci-dessus rapporté pour accorder à la SNC Centre médical du Baggersee la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par la SNC Centre médical du Baggersee devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'en première instance la SNC Centre médical du Baggersee soutenait qu'elle avait réalisé des prestations techniques et administratives imposables ; qu'une telle argumentation est devenue inopérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SNC Centre médical du Baggersee du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er février 1993 au 30 septembre 1995 et par voie de conséquence l'annulation de l'article 2 du jugement qui condamne l'Etat à verser la somme de 800 euros à la SNC Centre médical du Baggersee ;

Sur l'appel incident de la SNC Centre médical du Baggersee :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Centre médical du Baggersee n'est plus déchargée des suppléments d'imposition pour lesquels elle a bénéficié d'un sursis de paiement ; qu'elle n'est dès lors, pas fondée, en tout état de cause, à demander par la voie de l'appel incident le remboursement des frais de garantie bancaire qu'elle a engagés ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°9806927 du Tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dont la décharge a été accordée par le tribunal administratif au titre de la période du 1er février 1993 au 30 septembre 1995 à concurrence de 192 564,76 euros et les pénalités y afférents sont remis à la charge de la SNC Centre médical du Baggersee.

Article 3 : Les conclusions en appel incident de la SNC Centre médical du Baggersee sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la SNC Centre médical du Baggersee.

4

02NC01059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01059
Date de la décision : 29/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : SELASA J.L.A

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-29;02nc01059 ?
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