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19/06/2006 | FRANCE | N°05NC00162

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme f°/4eme chbre, 19 juin 2006, 05NC00162


Vu l'ordonnance en date du 25 janvier 2005, enregistrée au greffe de la Cour le 11 février 2005, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application des articles R. 322-1 et R. 776-19 du code de justice administrative, la requête présentée par le PREFET DE L'AUBE ;

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'AUBE ; Le PREFET DE L'AUBE demande au juge d'appel :

1°) d'annuler le jugement n° 040183R du 21 décembre 2004 par lequel l

e président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son...

Vu l'ordonnance en date du 25 janvier 2005, enregistrée au greffe de la Cour le 11 février 2005, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application des articles R. 322-1 et R. 776-19 du code de justice administrative, la requête présentée par le PREFET DE L'AUBE ;

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 janvier 2005, présentée par le PREFET DE L'AUBE ; Le PREFET DE L'AUBE demande au juge d'appel :

1°) d'annuler le jugement n° 040183R du 21 décembre 2004 par lequel le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 19 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Houria X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir été rendu le 21 décembre 2004 et non à l'issue de l'audience du 15 décembre 2004 ;

- Mme X ne remplit pas la condition de production d'un visa de long séjour prévue par les articles 4, 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour obtenir un titre de séjour ;

- elle ne peut bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au sens des articles 6 et 7 bis de l'accord précité ;

- la requérante ne peut se prévaloir de sa qualité de conjointe d'un ressortissant étranger vivant régulièrement sur le territoire français pour bénéficier de la procédure du regroupement familial qui exige une condition d'extranéité ;

- compte tenu du caractère récent du mariage, de la brièveté du séjour de la requérante et de ses attaches familiales en Algérie sa décision n'a pas, contrairement à ce que soutient le tribunal, porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de celle-ci ;

- la requérante n'établit pas la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour en Algérie ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière, qui ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;

- la requérante n'attaque pas la décision fixant le pays de renvoi ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa décision fixant le pays de renvoi a exclu la possibilité d'éloigner la requérante vers un autre pays que celui dont elle a la nationalité ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 22 septembre 2005 et 20 janvier 2006, présentés pour Mme Houria X, élisant domicile, ..., par Me Barraud, avocat au barreau de Nancy ;

Mme X conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est tardive ;

- le jugement est régulier dans la mesure où le préfet d'une part, n'était ni présent ni représenté à l'audience, d'autre part il a régulièrement reçu notification du jugement ;

- le préfet lui a refusé à tort un titre de séjour, dès lors qu'il pouvait, en vertu de la circulaire du 1er mars 2000 relative au regroupement familial, examiner la demande de regroupement familial sur place, et qu'elle pouvait, en vertu des dispositions de l'article 15 du décret du 6 juillet 1999, bénéficier d'une telle procédure dans la mesure où à la date de son mariage elle était en situation régulière, son époux est un ressortissant étranger qui vit régulièrement en France et elle encourt des risques de représailles familiales en cas de retour en Algérie ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne peut pas formuler de demande de regroupement familial depuis l'Algérie dans la mesure où elle encourt des représailles en cas de retour ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 octobre 2005, présenté par le PREFET DE L'AUBE et tendant aux mêmes fins que la requête ;

Il fait valoir que :

- la requête n'est pas tardive ;

- Mme X relève des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et non du décret du 6 juillet 1999 pris en application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Vu la décision en date du 24 juin 2005 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy, section administrative d'appel, admettant Mme X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et ses avenants ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2006 :

- le rapport de M. Sage, président,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme X :

Considérant que si Mme X soutient que la requête d'appel est tardive, il ressort toutefois des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE L'AUBE le 23 décembre 2004 et sa requête d'appel enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 janvier 2005 avant d'être transmise à la Cour, par ordonnance du 25 janvier 2005 ; que par suite le moyen tiré de la tardiveté doit être écarté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'article R. 776-14 du code de justice administrative énonce que les jugements rendus sur les recours en annulation dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers sont prononcés à l'audience ; que l'article R. 776-17, qui s'applique au même contentieux, dispose que «le dispositif du jugement prononcé dans les conditions prévues à l'article R. 776-14, assorti de la formule exécutoire (…), est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception. S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée.» ; que le respect de ces dispositions, qui ont pour finalité de permettre aux parties d'avoir accès au dispositif du jugement avant la fin de l'audience à laquelle elles sont présentes, constitue une formalité substantielle ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que l'audience publique a eu lieu le 15 décembre 2004 et que le jugement n'a été prononcé que le 21 décembre suivant ; que, dès lors, ce jugement doit être regardé comme entaché d'une irrégularité substantielle et doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si Mme X invoque les risques que comporterait pour elle son retour dans son pays d'origine, ce moyen n'est, en tout état de cause, assorti d'aucune justification permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, née en 1962, entrée régulièrement en France le 19 septembre 2001, s'est mariée le 16 février 2004 avec un ressortissant algérien résidant régulièrement sur le territoire français depuis cinquante ans ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, du caractère récent de son mariage à la date de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière et du défaut de justification quant à l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, la mesure de reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le PREFET DE L'AUBE a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le refus de titre de séjour a régulièrement été notifié à Mme X le 15 octobre 2004 ; que Mme X n'établit ni même allègue avoir attaqué ce refus dans le délai du recours contentieux qui expirait le 15 décembre 2004 ; qu'elle n'est dès lors pas recevable à invoquer, par voie d'exception dans son mémoire enregistré le 22 septembre 2005, l'illégalité de cette décision non réglementaire devenue définitive ;

Sur les conclusions à fin d'assignation à résidence :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de faire oeuvre d'administrateur ; qu'ainsi, les conclusions de Mme X tendant à ce qu'elle soit assignée à résidence chez son époux ne sauraient être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'AUBE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 19 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 040183R du 21 décembre 2004 du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'AUBE, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mme Houria X.

Copie pour information à M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Troyes.

2

N° 05NC00162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme f°/4eme chbre
Numéro d'arrêt : 05NC00162
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul SAGE
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : BARRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-19;05nc00162 ?
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