La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2006 | FRANCE | N°04NC00031

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 19 juin 2006, 04NC00031


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 27 septembre 2004, 27 juin 2005 et 8 septembre 2005, présentée pour la société GETRÄNKE FARM, représentée par son gérant, ayant son siège 86 Grand Rue 6630 Wasserbillig - Luxembourg et pour la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, représentée par son représentant légal, ayant son siège 6 rue Albert Borschette 1246 Luxembourg, par Me Houver et Mathieu ;

La société GETRÄNKE FARM et la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES demandent à la Cour :r>
1°) de réformer le jugement en date du 4 novembre 2003 par lequel le Tribunal...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 27 septembre 2004, 27 juin 2005 et 8 septembre 2005, présentée pour la société GETRÄNKE FARM, représentée par son gérant, ayant son siège 86 Grand Rue 6630 Wasserbillig - Luxembourg et pour la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, représentée par son représentant légal, ayant son siège 6 rue Albert Borschette 1246 Luxembourg, par Me Houver et Mathieu ;

La société GETRÄNKE FARM et la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 4 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF) à verser à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES une indemnité de

36 806 euros, qu'elle estime insuffisante en réparation des préjudices qu'elle a subis, et prononcé le rejet des conclusions indemnitaires de la société GETRÄNKE FARM ;

2°) de condamner la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France à verser à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES une indemnité complémentaire de

20 961,90 € ;

3°) de condamner la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France à verser à la société GETRÄNKE FARM une somme de 5 200,80 € ;

4°) de condamner la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France à verser à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France à verser à la société GETRÄNKE FARM une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- le tribunal a omis de statuer sur les conclusions de la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES tendant à l'indemnisation des sommes versées aux autres conducteurs impliqués dans l'accident ;

- le verglas n'était pas signalé et le sablage est intervenu tardivement, ainsi qu'il résulte du constat des enquêteurs et de la survenance d'un autre accident pour les mêmes causes ;

- le verglas, annoncé par le service météo qui prévoyait des gelées blanches et -2 à -5 degrés au sol, a donné lieu à une alerte du service sécurité de la SANEF le 4 novembre à 21h24, or le sablage n'a commencé que le 5 novembre à 6h09 et la signalisation n'a été mise en place qu'à compter de 6h15 ;

- aucune faute de la victime n'est à l'origine de l'accident, le camion roulait à 90 km/h et l'usure des pneus n'était pas anormale ;

- le tribunal a refusé à tort d'indemniser la Société GETRÄNKE FARM de la franchise d'assurance restée à sa charge et l'immobilisation du camion qui a nécessité la location d'un autre véhicule pendant un mois justifiera l'application d'un tarif syndical de 700F/jour ;

- la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES a droit au remboursement des sommes versées à la compagnie d'assurances Guardian Risques devenue «Le continent Assurances» en application de la loi du 5 juillet 1985 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 26 avril 2004 et 24 juin 2005, présentés pour la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France ayant son siège 87 rue du Général Metman à Metz (57000), par Me Trillat, avocat ;

La Société des autoroutes du nord et de l'est de la France demande à la Cour de rejeter la requête susvisée, d'autre part, par la voie du recours incident, d'annuler le jugement attaqué et de la décharger des condamnations prononcées à son encontre, à titre subsidiaire de procéder à un partage de responsabilité ;

Elle soutient que :

- aucun défaut d'entretien normal ne peut être retenu : la circonstance, reprise par les gendarmes, que des «conditions climatiques défavorables» aient été annoncées par le service météo n'a aucune signification ni implication particulière en terme de mesures de sécurité ;

- les relevés de température n'impliquaient pas de sablage. Il y avait +3° à 3h00 et les températures étaient encore positives à 4h00 au point 109 mais négatives au sol, ce qui a justifié la mise en oeuvre de la procédure de vérification de verglas ;

- 4 vérifications sur place ont été effectuées entre 23h50 et 5h30 montrant une chaussée mouillée sans givre entre les PR 85 et 107. Les opérations de sablage ont débuté dés le constat de la présence de givre au point 108. L'accident est concomitant à l'apparition du risque ;

- l'accident est imputable à une faute de la victime roulant à une vitesse excessive compte tenu des conditions climatiques et dans une pente à 5-6% de nuit, ainsi qu'à l'usure déséquilibrée des pneus, de marques différentes, usés à 50% à droite et à 30 % à gauche, entraînant un déséquilibre de la remorque ;

- la franchise et la perte d'exploitation réclamées par la Société GETRÄNKE FARM ne sont pas justifiées ;

- la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES ne peut réclamer le remboursement des sommes versées au titres des autres véhicules impliqués dans l'accident, les montants ayant été arrêtés à la suite de transactions auxquelles elle n'a pas été associée. Ces versements ne prennent pas en compte les fautes commises par les conducteurs des autres véhicules et traduisent une reconnaissance par l'assureur de la faute de son assuré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2006 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Bequet, du cabinet Hascoet-Trillat, avocat de la société des autoroutes du nord et de l'est de la France,

- et les conclusions de M.Wallerich, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué en date du 4 novembre 2003, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée par la société défenderesse du défaut d'intérêt pour agir des sociétés requérantes, a considéré que l'accident litigieux avait pour cause un défaut d'entretien normal de l'autoroute imputable à la SANEF, a écarté le moyen en défense tiré d'une faute de la victime, rejeté la demande d'indemnisation de la Société GETRÄNKE FARM et limité celle accordée à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES à la somme de 36 806 € ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le jugement attaqué énonce que la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES ne saurait «prétendre au remboursement de sommes supérieures au montant de

241 431,56 F qu'elle a effectivement engagées pour prendre en charge les réparations du véhicule de son assuré, ainsi qu'en atteste la quittance subrogatoire produite à l'instance» ; que les premiers juges ont ainsi décidé de limiter l'indemnisation au seul montant dont le versement était justifié par la production d'une quittance subrogatoire ; que les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que le tribunal, qui les a rejetées pour ce motif, a omis de statuer sur les conclusions de la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES tendant à l'indemnisation des sommes versées à l'assureur des autres conducteurs impliqués dans l'accident ;

Sur la responsabilité :

Considérant que le 5 novembre 1998 vers 6 heures du matin alors qu'il circulait sur l'autoroute A4, M. X, chauffeur routier d'un camion appartenant à la Société GETRÄNKE FARM, a dérapé sur une plaque de verglas, dans une descente à 5-6% signalée par un panneau, à hauteur du point kilométrique 108 ; que son véhicule s'est mis en travers de la voie, arrachant la clôture, et a été percuté à l'arrière par deux automobiles ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête de gendarmerie qu'au moment de l'accident, il s'était formé au PK 108 une plaque de verglas sur une distance d'environ 1 km ; que des «conditions climatiques défavorables» avaient été annoncées par le service météo pour la nuit du 4 au 5 novembre avec des gelées blanches le matin du 5 novembre et des températures au sol de -2° à -5° localement ; qu'une alerte du service sécurité de la SANEF a été émise le 4 novembre à 21h24, une température faiblement positive de +1,2° dans l' air et de +1,4° sur la chaussée étant détectée au point 108, mais qui n'a pas été considérée comme dangereuse ; que le cadre d'astreinte, informé le 5 novembre d'une baisse des températures et d'un début de givre au PK 109 à partir de 4h00 s'est rendu sur place et, vers 5 h00, constatant que la bande d'arrêt d'urgence commençait à givrer, a donné à 5h38 l'ordre de salage, qui n'a commencé qu'à 6h09, 9 minutes après l'accident ; que la signalisation du verglas n'a été mise en place qu'à compter de 6h15 ;

Considérant que la formation de verglas étant ainsi probable, la SANEF, qui devait initier un traitement préventif ainsi qu'une signalisation adéquate sans attendre de constater son apparition, n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité sur le fondement du défaut d'entretien normal de la voie autoroutière ;

Sur la faute de la victime :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête de gendarmerie que, si la vitesse du camion qui circulait à 90 km/h ne peut être regardée comme excessive compte tenu des conditions de circulation apparentes, la remorque à trois essieux comportait des pneus qui, côté gauche, étaient usés à 50% et qui, côté droit, étaient usés à 30 % et de marque différente ; que les difficultés d'adhérence au sol résultant de ce défaut d'homogénéité de l'équipement pneumatique peuvent être retenues à la charge de la victime ; qu'il y a donc lieu de faire droit sur ce point aux conclusions incidentes de la SANEF et de mettre à la charge des sociétés requérantes un tiers du dommage subi ;

Sur le préjudice :

Considérant que si la Société GETRÄNKE FARM établit avoir dû supporter la franchise d'assurance, restée à sa charge pour un montant de 1 770,70 euros, elle ne produit aucun document justifiant la perte d'exploitation mise en compte pour le montant réclamé de 3 430,10 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité auquel il a été procédé ci-dessus, il y a donc lieu de condamner la SANEF à lui verser la somme de 1 180,52 euros ;

Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, il y a lieu de ramener à un montant de 24 538,56 euros la somme accordée par les premiers juges à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES au titre des frais de réparation du camion de son assurée ;

Considérant que la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES a droit au remboursement, diminué d'un tiers, des sommes, dont elle justifie le paiement par la production des avis correspondants, versées en application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 à la compagnie d'assurances «Guardian Risques» devenue «Le continent Assurances», assureur des deux véhicules ayant heurté le camion dans les conditions susévoquées ; que la SANEF, dont rien n'imposait qu'elle soit associée aux transactions conclues entre les victimes et leur assureur, n'établit pas les fautes alléguées des conducteurs de ces deux véhicules ; qu'il y a donc lieu de condamner la SANEF à verser à ce titre la somme de 13 975,29 euros à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la SANEF à verser à la Société GETRÄNKE FARM une somme de 1 180,52 euros et à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES une somme totale de 38 513,85 euros ; que le jugement du 4 novembre 2003 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être réformé en ce sens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la SANEF à payer à la Société GETRÄNKE FARM et à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, chacune, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Société GETRÄNKE FARM et la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnées à verser à la SANEF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme que la SANEF a été condamnée à verser à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est portée à

38 513,85 euros.

Article 2 : La SANEF est condamnée à verser à la Société GETRÄNKE FARM une somme de

1 180,52 euros (mille cent quatre-vingt euros et cinquante deux centimes).

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 novembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La SANEF est condamnée à verser à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La SANEF est condamnée à verser à la Société GETRÄNKE FARM une somme de

1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, de la Société GETRÄNKE FARM et de l'appel incident de La SANEF est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Société GETRÄNKE FARM, à la compagnie d'assurances LE FOYER ASSURANCES, à la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon.

2

N° 04NC00031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00031
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CABINET HOUVER - MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-19;04nc00031 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award