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15/06/2006 | FRANCE | N°04NC00803

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 15 juin 2006, 04NC00803


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 août 2004, présentée pour Mme Sylviane Y, élisant domicile ..., par la SELARL d'avocats Derowski ; Mme Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 16 mars 2004 en tant qu'il a, d'une part, déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne à réparer le préjudice moral qu'elle a subi du fait du décès de son enfant François au sein de cet établissement et

a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions tendant à la réparati...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 août 2004, présentée pour Mme Sylviane Y, élisant domicile ..., par la SELARL d'avocats Derowski ; Mme Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 16 mars 2004 en tant qu'il a, d'une part, déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne à réparer le préjudice moral qu'elle a subi du fait du décès de son enfant François au sein de cet établissement et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions tendant à la réparation de son préjudice matériel ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne à lui verser, en sus de la somme de 60 000 F reçue en application de l'acte du 22 mai 2000, les sommes de 15 250 € au titre de son préjudice moral et de 15 250 € au titre de son préjudice matériel ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne à lui verser une somme de 3 050 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en estimant que l'acte du 22 mai 2000 est une transaction ayant autorité de chose jugée, le tribunal a méconnu les dispositions des articles 2044 et suivants du code civil ;

- les concessions du centre hospitalier sont, compte tenu de la demande initiale d'indemnité formulée par l'intéressée, dérisoires alors que Mme Y a, pour sa part, abandonné une grande partie de ses droits, si bien que la transaction du 22 mai 2000 ne comporte pas de concessions réciproques ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la requérante n'a pas manifesté une volonté claire et non équivoque de renoncer à agir en justice ou à contester l'accord du 22 mai 2000, mais seulement le besoin d'une avance financière sur l'indemnisation de son préjudice ;

- le tribunal a, en outre, méconnu les articles 1109, 1112 et 2053 du code civil ; l'accord est entaché d'un vice du consentement dans la mesure où la requérante a été contrainte de signer sous la violence ; il y a eu erreur sur la substance car la requérante, qui était dans un état dépressif et n'a pas été assistée par une personne qualifiée sur le plan médical, n'était pas en mesure d'apprécier l'étendue de ses droits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les observations, enregistrées le 4 octobre 2004, présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, qui informe la Cour qu'elle n'établira pas de mémoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2004, présenté par M. Gilles , qui informe la Cour que, conformément à son désistement de première instance, il n'entend pas produire de conclusions ou de mémoires en défense ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2006, présenté pour le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne par Me Clément, avocat ;

Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de Mme Y à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a considéré que les transactions entre les parties ont mis fin au litige et rendu sans objet les conclusions des demandeurs ;

- la réalité des concessions réciproques doit s'apprécier non pas en fonction des demandes formulées par la requérante, qui étaient manifestement excessives, mais par rapport aux sommes accordées par la jurisprudence dans les litiges similaires ; or, les sommes que le centre hospitalier a accepté de verser constituent de véritables concessions ;

- il ressort des termes mêmes de la transaction et des courriers échangés que l'accord des parties a bien porté sur l'indemnisation définitive du préjudice moral subi par la requérante, étant précisé que les frais d'obsèques étaient réglés parallèlement ;

- la requérante ne saurait soutenir qu'elle a été victime d'une violence au sens de l'article 1109 du code civil, alors qu'il y a eu négociation entre l'inspecteur de l'assureur du centre hospitalier et l'avocat de Mme Y ;

- le moyen tiré de l'erreur sur l'objet de la contestation n'est pas fondé et la jurisprudence citée par la requérante sur la nécessité d'une expertise médicale est totalement inapplicable au litige ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2006, présenté pour la société mutualiste du personnel de la police nationale (SMPPN), par le cabinet d'avocats Remy Le Bonnois ;

La société mutualiste du personnel de la police nationale conclut :

1°) à l'annulation du jugement susvisé en ce qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement des prestations servies à la requérante ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme totale de 28 863,70 € au titre des frais médicaux et de l'indemnisation pour perte de salaire ;

Vu la décision du 8 octobre 2004 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Dupleix pour la SCP Lagrange, Philippot, Clément, Zillig, Vautrin, avocate du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de Mme Y :

Considérant que par jugement du 16 mars 2004, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a considéré que le décès, in utero, de l'enfant de Mme Y survenu lors de l'accouchement de celle-ci le 5 juin 1995 était imputable à une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier général de Châlons-en-Champagne ; que Mme Y demande l'annulation dudit jugement en tant qu'il a, d'une part, déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la réparation de son préjudice moral et a, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice matériel ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de sa demande d'indemnisation devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, Mme Y, agissant en son nom personnel, a signé le 22 mai 2000 un protocole transactionnel conclu avec l'assureur du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, aux termes duquel Mme Y « déclare être, dès à présent, en possession de tous les éléments permettant de transiger sur le préjudice résultant du décès accidentel de M. Y François survenu le 6 juin 1995 » et « déclare accepter » l'indemnité de 60 000 F proposée « et sous réserve du paiement (…) n'avoir plus rien à réclamer du fait de cet accident » ; qu'en exécution de ce protocole de transaction, une somme de 60 000 F a été versée à l'intéressée ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des termes mêmes du procès-verbal de transaction, qui ne soulève pas de difficulté d'interprétation sur l'intention des parties et exprime la volonté claire et non équivoque de Mme Y de renoncer à agir en justice, que l'accord a pour objet de terminer la contestation portant sur l'indemnisation du préjudice moral et ne saurait être regardé comme tendant à octroyer seulement une avance financière sur l'indemnisation de son préjudice ;

Considérant, d'autre part, que si la requérante argue de ce que l'offre du centre hospitalier est nettement moindre que l'évaluation du chef du préjudice qu'elle a faite dans sa demande initiale d'indemnité, cette seule circonstance ne saurait, par elle-même, établir que la transaction du 22 mai 2000 ne comporterait pas de concessions réciproques ; qu'alors qu'il est constant que la transaction dont s'agit a fait l'objet d'une négociation menée par son avocat, la requérante n'apporte pas le moindre commencement de preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles son consentement aurait été vicié par une erreur sur la substance, du fait de son état de santé ou par une violence au sens de l'article 1109 du code civil ; qu'ainsi, les moyens soulevés par Mme Y à l'encontre de la validité de cette transaction, qui ne présentent aucune difficulté sérieuse de nature à soulever une question préjudicielle, ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il suit de là que la créance que Mme Y entendait faire valoir devant le juge a été éteinte par cette transaction, qui n'est contraire à aucune règle d'ordre public ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme Y tendant à l'indemnisation de son préjudice moral ;

Considérant, en second lieu, que, d'une part, Mme Y n'apporte aucun élément permettant d'établir le préjudice économique ou financier qui serait directement imputable aux agissements du service public hospitalier ; que, d'autre part, si la transaction du 22 mai 2000 ne portait que sur le préjudice moral subi par Mme Y, celle-ci ne conteste pas que le préjudice matériel constitué par les frais d'obsèques a également, par ailleurs, fait l'objet d'un accord de nature transactionnelle conclu entre les époux Y et l'assureur du centre hospitalier avant l'introduction de leur demande devant le tribunal et donné lieu à une indemnisation effective pour un montant de 38 536 F ; que, dès lors, la requérante, qui d'ailleurs ne conteste pas l'irrecevabilité opposée à sa demande par le tribunal, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice matériel ainsi allégué ;

Sur les conclusions de la société mutualiste du personnel de la police nationale :

Considérant que la société mutualiste du personnel de la police nationale (SMPPN), qui d'ailleurs ne conteste pas les motifs par lesquels les premiers juges ont rejeté sa demande tendant au remboursement de ses débours, n'établit, en tout état de cause, pas le lien de causalité direct entre les prestations versées à la requérante et les agissements du service public hospitalier ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin de remboursement de ses débours ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme Y la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne la somme qu'il réclame à ce titre ;

DECIDE

Article 1er : La requête susvisée de Mme Y et les conclusions de la société mutualiste du personnel de la police nationale sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylviane Y, au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, à la société mutualiste du personnel de la police nationale, au centre de sécurité sociale du ministère de l'intérieur, à M. Gilles et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

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N°04NC00803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00803
Date de la décision : 15/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-06-15;04nc00803 ?
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