Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2004 et complétée par un mémoire enregistré le 13 mai 2005, présentée pour M. Laurent X, élisant domicile ..., par Me Jean-Claude Oswald, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 98933 et 985011, en date du 3 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Il soutient que :
- les redressements qui lui ont été appliqués ont un caractère arbitraire ;
- le niveau des rémunérations versées par la S.A. MARKI à ses dirigeants a été arrêté par le conseil d'administration et n'a pas été remis en cause par de précédents contrôles fiscaux, ni même par le contrôle en litige pour ce qui concerne l'année 1992 ;
- le niveau de ses rémunérations correspond à la volonté du conseil d'administration de favoriser les fonctions « acheteur » et est justifié par la part déterminante qu'il a prise dans la réussite de l'entreprise ;
- l'administration, qui se fonde sur des comparaisons non pertinentes avec les rémunérations du président-directeur-général et des VRP de la société, ainsi que sur la situation d'autres sociétés qui ne sont pas comparables, n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que ses salaires ne sont pas en rapport avec le service rendu et sont constitutifs d'une décision anormale de gestion ;
- par un jugement en date du 3 juin 2003, ayant force de chose jugée, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des rappels d'impôt sur le revenu auxquels avait été assujetti pour le même motif M. Y, autre dirigeant de la société ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2005, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens présentés par M. X n'est fondé ;
Vu le mémoire présenté le 16 septembre 2005 pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :
- le rapport de M. Montsec, président,
- les observations de Me Oswald, avocat de M. X,
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1992 au 30 novembre 1995, dont a fait l'objet la S.A. MARKI, qui exerce à Folschviller (Moselle) une activité d'import-export de jouets, articles de bazar et bimbeloterie, l'administration fiscale a regardé comme excessive la rémunération versée à M. Laurent X, directeur général et directeur du service des achats ; qu'elle a, par suite, considéré qu'une partie des salaires de ce dernier, à hauteur de 1 112 638 F au titre de l'année 1993 et de 1 158 309 F au titre de l'année 1994, était constitutive d'un revenu distribué qu'elle a en conséquence réintégré dans ses revenus imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non plus dans celle des traitements et salaires ; que M. X fait appel du jugement en date du 3 juillet 2001, qui ne lui avait pas été régulièrement notifié, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été en conséquence assujetti au titre de ces deux années 1993 et 1994 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) d) La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu de l'article 39-1-1° (…) » ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (…). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (…) » ;
Considérant que, s'il appartient au contribuable de justifier du caractère effectif du travail réalisé, il appartient à l'administration d'apporter la preuve du caractère excessif des rémunérations versées, en critiquant notamment les modalités de leur détermination ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X percevait, en tant que directeur général, une rémunération brute mensuelle fixe de 10 800 F et, en tant que directeur des achats, une rémunération égale à 1,1 % du chiffre d'affaires de la société ; qu'ainsi calculée, sa rémunération annuelle s'est élevée à un total de 2 237 020 F en 1993 et 1 998 234 F en 1994, suivant ainsi l'évolution du chiffre d'affaires de la société ; que, pour estimer excessive cette rémunération et n'admettre sa déductibilité sur le fondement de l'article 39-1-1° du code général des impôts que pour une part égale à 1 124 382 F pour l'année 1993 et à 839 925 F pour l'année 1994, l'administration fiscale, qui ne conteste ni le principe de son indexation sur le chiffre d'affaires réalisé, ni le taux retenu, s'est fondée d'une part sur des éléments internes à l'entreprise, en la comparant à celle du président-directeur-général et des V.R.P. de la société, ainsi qu'à la masse salariale de celle-ci, et, d'autre part, sur des éléments externes à l'entreprise, en la comparant à celles versées pour des fonctions équivalentes dans quatre sociétés du même secteur d'activité ;
Considérant, en premier lieu, que le ministre ne conteste pas le caractère effectif et l'importance stratégique du travail réalisé par M. X, qui exerce une part significative de son activité sur le terrain, dans le secteur des achats, en particulier dans les pays du sud-est asiatique ;
Considérant, en second lieu, que, si M. X a perçu, pendant les deux années en cause, une rémunération globale 2,7 fois plus importante que celle du président-directeur-général de la société et entre 2,6 et 2,9 fois plus importante que la rémunération moyenne des V.R.P., dont certains étaient cependant « multicartes », ces circonstances ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère excessif de la rémunération de M. X, eu égard à la part importante qu'il prenait dans le fonctionnement de l'entreprise, même s'il pouvait être secondé par un cadre administratif pour la fonction import, et alors que sa rémunération ne représente qu'environ 13,5 % de la masse salariale de l'entreprise ; qu'en outre, même si elle appartient au même secteur d'activité, la société MARKI présente des différences sensibles avec les quatre sociétés utilisées par l'administration comme termes de comparaison, pour lesquelles les modalités de détermination des rémunérations du personnel ne sont d'ailleurs pas précisées ; que, notamment, la société MARKI a atteint un chiffre d'affaires d'une fois et demi supérieur à celui moyen de ces quatre sociétés, avec un effectif en personnel d'un tiers inférieur ; qu'elle a réalisé, pour chacune des années en cause, un bénéfice presque trois fois plus important ; que les cinq personnes les mieux rémunérées perçoivent ensemble des rémunérations constituant une part moindre des bénéfices que dans les quatre entreprises de référence ; qu'ainsi, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère excessif de la rémunération de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 3 juillet 2001, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 juillet 2001 est annulé.
Article 2 : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
4
04NC00945