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18/05/2006 | FRANCE | N°01NC00948

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 18 mai 2006, 01NC00948


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2001 et complétée par des mémoires enregistrés les 21 avril 2004 et 18 octobre 2004, présentée pour la S.A. MARKI, dont le siège est Zone industrielle de Valmont à Folschviller (57730), représentée par son président, par Me Jean-Claude Oswald, avocat ;

La S.A. MARKI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98598, en date du 3 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a

été assujettie au titre des exercices 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer la décharge ...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2001 et complétée par des mémoires enregistrés les 21 avril 2004 et 18 octobre 2004, présentée pour la S.A. MARKI, dont le siège est Zone industrielle de Valmont à Folschviller (57730), représentée par son président, par Me Jean-Claude Oswald, avocat ;

La S.A. MARKI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98598, en date du 3 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

Elle soutient que :

- les redressements qui lui ont été appliqués ont un caractère arbitraire ;

- le niveau des rémunérations versées à ses dirigeants a été arrêté par le conseil d'administration et n'a pas été remis en cause par de précédents contrôles fiscaux, ni même par le contrôle en litige pour ce qui concerne l'année 1992 ;

- le niveau des rémunérations de MM. X et Y correspond à la volonté du conseil d'administration de favoriser les fonctions « acheteur » et « vendeur » et est justifié par la part déterminante prise par les intéressés dans la réussite de l'entreprise ;

- l'administration, qui se fonde sur des comparaisons non pertinentes avec les rémunérations du président-directeur-général et des VRP de la société, ainsi que sur la situation d'autres sociétés qui ne lui sont pas comparables, n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que les salaires en litige ne sont pas en rapport avec le service rendu et sont constitutifs d'une décision anormale de gestion ;

- par un jugement en date du 3 juin 2003, ayant force de chose jugée, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des rappels d'impôt sur le revenu dont avait été assujetti pour le même motif M. X ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 5 mars 2002, 15 mai 2002 et 9 juillet 2004, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens présentés par la S.A. MARKI n'est fondé ;

Vu le mémoire présenté le 10 février 2005 pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- les observations de Me Oswald pour la S.A. MARKI,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1992 au 30 novembre 1995, dont a fait l'objet la S.A. MARKI, qui exerce à Folschviller (Moselle) une activité d'import-export de jouets, articles de bazar et bimbeloterie, l'administration fiscale a regardé comme excessives les rémunérations versées à M. Roland X, directeur général, chef des ventes et chargé de la représentation pour les départements du nord de la France, et à

M. Laurent Y, directeur général et directeur du service des achats, et a procédé en conséquence au redressement des résultats de la société pour la part de ces salaires regardée comme excessive, soit au total 2 270 872 F au titre de l'exercice 1993 et 2 222 734 F au titre de l'exercice 1994 ; que la S.A. MARKI fait régulièrement appel du jugement en date du 3 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre de ces deux exercices 1993 et 1994 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (…). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (…). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a) Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées (…). / Pour l'application de ces dispositions, les personnes les mieux rémunérées s'entendent, suivant que l'effectif du personnel excède ou non deux cents salariés, des dix ou des cinq personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice. / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. / Lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou que leur montant excède celui de ces bénéfices, l'administration peut demander à l'entreprise de justifier qu'elles sont nécessitées par sa gestion (…) » ;

Considérant que, s'il appartient à la société de justifier du caractère effectif du travail réalisé par les intéressés, il appartient à l'administration d'apporter la preuve du caractère excessif des rémunérations versées, en critiquant notamment les modalités de leur détermination ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X et M. Y percevaient chacun, en tant que directeur général, une rémunération brute mensuelle fixe de 10 800 F et, en tant que directeur des ventes pour le premier et directeur des achats pour le second, une rémunération égale à 1,1 % du chiffre d'affaires de la société ; que M. X assumait en outre des fonctions de représentation pour les départements du nord de la France ; que leur rémunération annuelle s'est élevée à un total, pour M. X, de 2 384 834 F en 1993 et 1 988 343 F en 1994 et, pour

M. Y, de 2 237 020 F en 1993 et 1 998 234 F en 1994, suivant ainsi l'évolution du chiffre d'affaires de la société ; que, pour estimer excessives ces rémunérations et n'admettre leur déductibilité sur le fondement de l'article 39-1-1° du code général des impôts que pour une part égale, s'agissant de M. X, à 1 226 600 F pour l'année 1993 et 923 918 F pour l'année 1994 et, s'agissant de M. Y, à 1 124 382 F pour l'année 1993 et 839 925 F pour l'année 1994, l'administration fiscale, qui ne conteste ni le principe de leur indexation sur le chiffre d'affaires réalisé, ni le taux de 1,1 % retenu, s'est fondée d'une part sur des éléments internes à l'entreprise, en comparant ces rémunérations à celle du président-directeur-général et des V.R.P. de la société, ainsi qu'à la masse salariale de celle-ci, et, d'autre part, sur des éléments externes à l'entreprise, en comparant ces rémunérations à celles versées pour des fonctions équivalentes dans quatre sociétés du même secteur d'activité ;

Considérant, en premier lieu, que le ministre ne conteste pas le caractère effectif et l'importance stratégique du travail réalisé par M. X et M. Y, qui exercent une part significative de leur activité sur le terrain, dans les secteurs des ventes et des achats ;

Considérant, en second lieu, que, si M. X et M. Y ont perçu chacun, pendant les deux années en cause, une rémunération globale 2,7 fois plus importante que celle du président-directeur-général de la société et entre 2,6 et 2,9 fois plus importante que la rémunération moyenne des V.R.P., dont certains étaient cependant « multicartes », ces circonstances ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère excessif de leurs rémunérations, eu égard à la part importante qu'ils prenaient dans le fonctionnement de l'entreprise, même s'ils pouvaient être secondés par des cadres administratifs pour les fonctions export et import, et alors que leurs rémunérations ne représentent au total qu'environ 27 % de la masse salariale de l'entreprise ; qu'en outre, même si elle appartient au même secteur d'activité, la société MARKI présente des différences sensibles avec les quatre sociétés utilisées par l'administration comme termes de comparaison, pour lesquelles les modalités de détermination des rémunérations du personnel ne sont d'ailleurs pas précisées ; que, notamment, la société MARKI a atteint un chiffre d'affaires d'une fois et demi supérieur à celui moyen de ces quatre sociétés, avec un effectif en personnel d'un tiers inférieur ; qu'elle a réalisé, pour chacune des années en cause, un bénéfice presque trois fois plus important ; que les cinq personnes les mieux rémunérées dans la société MARKI, au nombre desquelles figurent MM. X et Y, perçoivent ensemble des rémunérations constituant une part moindre des bénéfices que dans les quatre entreprises de référence ; qu'ainsi, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère excessif des rémunérations versées à M. X et à M. Y ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. MARKI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 3 juillet 2001, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1993 et 1994, à concurrence de, respectivement, 904 056 F (137 822,45 euros) et 803 653 F (122 516,11 euros) ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 juillet 2001 est annulé.

Article 2 : La S.A. MARKI est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1993 et 1994, à concurrence de, respectivement, 904 056 F (137 822,45 euros) et 803 653 F (122 516,11 euros).

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. MARKI et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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01NC00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00948
Date de la décision : 18/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: M. Jean-Claude LUZI
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : OSWALD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-18;01nc00948 ?
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