Vu la requête enregistrée au greffe le 2 juillet 2004, complétée par mémoire enregistré le 18 août 2005, présentés pour M. Jean-Patrick B, élisant domicile ..., agissant es qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de M. Pierre C, par Me Larzillière ; M. B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-605 du 20 avril 2004 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il emporte condamnation de M. C au profit du département de la Marne ;
2°) de rejeter la demande du département de la Marne en tant qu'elle est dirigée contre M. C ;
3°) de mettre à la charge du département de la Marne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que M. C était entrepreneur exerçant en nom personnel et non en société ;
- que la condamnation prononcée à l'encontre de la «société C», personne morale inexistante, doit être déclarée nulle et, en tout état de cause, lui est inopposable en tant que liquidateur de M. C ;
- que, subsidiairement, l'origine de la créance étant antérieure à l'ouverture de la procédure collective, la créance alléguée du département de la Marne est éteinte, dès lors que ce dernier n'a pas déclaré sa créance au représentant des créanciers dans les délais impartis, ni n'a demandé un relevé de forclusion ;
- que, plus subsidiairement, l'ouverture d'une procédure collective entraînant la suspension des poursuites individuelles, le tribunal ne pouvait prononcer une condamnation, mais, tout au plus, fixer le montant de la créance ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2004, présenté pour Mme Renée D, veuve de M. AYX, M. Loïc AYX, Mlle Marie-Pierre AYX et Mme Anne-Soizic AYX épouse Z, par Me Barre ;
Les consorts AYX concluent :
- en premier lieu, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de MM. C et B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
A cet effet, ils soutiennent qu'aucun des moyens énoncés par M. B n'est fondé :
- en second lieu, par voie d'appel incident et provoqué, à être déchargés de toute condamnation prononcée contre eux et, subsidiairement, à la condamnation de M. C à les relever de toute condamnation ;
A cet effet, ils soutiennent :
- que la responsabilité de l'architecte n'ayant qu'un caractère subsidiaire, celle-ci doit être écartée en l'espèce, compte tenu d'une faute caractérisée de M. C ;
- que leur recours en garantie, formé à titre subsidiaire contre la société Chiquet et M. C, est recevable et fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2005, présenté pour le département de la Marne par Me Sammut ;
Le département de la Marne conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les moyens énoncés par M. B ne sont pas fondés ;
Vu la correspondance en date du 31 janvier 2006 par laquelle le président de la première chambre de la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions incidentes des consorts AYX ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 27 février 2006, présenté pour le département de la Marne, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense, au rejet des conclusions incidentes des consorts AYX et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise solidairement à la charge de M. B et des consorts AYX au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient en outre que les conclusions incidentes des consorts AYX sont irrecevables et, subsidiairement, infondées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2006 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 20 avril 2004, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, condamné solidairement les ayants droit de M. AYX, architecte, et M. C, entrepreneur de charpente-couverture-zingerie, à verser une somme de 75 816,60 euros au département de la Marne sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, d'autre part, rejeté les conclusions d'appel en garantie formées par les ayants droit de M. AYX à l'encontre de M. C ; que M. B, mandataire à la liquidation judiciaire de M. C, conclut à l'annulation dudit jugement en tant qu'il emporte condamnation de ce dernier, cependant que, par voie d'appel incident et provoqué, les ayants droit de M. AYX concluent à être déchargés de toute condamnation envers le département de la Marne et, subsidiairement, à être garantis par M. C des condamnations prononcées contre eux ;
Sur l'appel principal de M. B :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, si les premiers juges ont retenu la responsabilité de la «société C» aux lieu et place de M. C, entrepreneur individuel, qui n'a jamais exercé son activité sous forme de société, l'erreur matérielle ainsi commise, qui n'a engendré aucune ambiguïté sur l'identité de la personne condamnée, est sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, aujourd'hui codifiées aux articles L. 621-40 à L. 621-46 du code de commerce, d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés ne comportent aucune dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer éventuellement sur l'admission ou la non-admission des créances produites ; que, par suite, la circonstance que le département de la Marne, dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés lors des travaux de réfection d'un ouvrage effectués pour son compte par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle entre les mains du représentant des créanciers dans le délai imparti à cet effet et n'aurait pas demandé à être relevé de cette forclusion, est sans incidence sur la recevabilité de ces conclusions, dès lors qu'elles ne sont par elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est borné, dans l'exercice de sa compétence propre, à rechercher si le département de la Marne était en droit d'invoquer, à l'encontre de M. C, les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et, après avoir admis le droit à réparation du département, à fixer le montant des indemnités dues par l'intéressé, et ce sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient ce faisant indûment substitués à l'autorité judiciaire à laquelle il incombe de déterminer les modalités de règlement des créances en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, manque en fait ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. B n'est pas fondé, à l'appui des seuls moyens susénoncés, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déclaré engagée la responsabilité de M. C à l'égard du département de la Marne et fixé le montant de la créance de ce dernier à l'encontre de l'intéressé ;
Sur l'appel incident et provoqué des consorts AYX :
Considérant, en premier lieu, que les consorts AYX concluent à être déchargés de toute condamnation au profit du département de la Marne ; que leur situation n'étant pas aggravée par l'exercice de l'appel principal de M. B, dont la requête est rejetée, ces conclusions d'appel provoqué ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, en second lieu, que les consorts AYX concluent également, à titre subsidiaire, à être garantis par M. C des condamnations prononcées à leur encontre ; que de telles conclusions soulèvent un litige distinct de celui que pose à juger l'appel principal de M. B, qui conteste le bien-fondé de la condamnation d'un constructeur au bénéfice du maître d'ouvrage ; qu'il s'ensuit que ces conclusions ne sont pas recevables et ne peuvent ainsi, en tout état de cause, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Marne, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B, qui n'est pas partie perdante au regard des conclusions des consorts AYX énoncées à son encontre, la somme que ces derniers demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge de M. B et des consorts AYX une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le département de la Marne et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B est rejetée, ainsi que les conclusions d'appel incident et provoqué des consorts AYX.
Article 2 : M. B versera au département de la Marne une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les consorts AYX verseront au département de la Marne une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Patrick B, au département de la Marne, à Mme Renée D, veuve AYX, à M. Loïc AYX, à Mlle Marie-Pierre AYX, à Mme Anne-Soizic AYX, épouse Z et Me. E, administrateur de la SA Atelier Chiquet.
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N° 04NC00583