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04/05/2006 | FRANCE | N°04NC00377

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 04 mai 2006, 04NC00377


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 avril 2004, complétée par mémoire enregistré le 13 mai 2004, présentée pour M. Jean-Michel X, élisant domicile ..., Mme Claude Y, élisant domicile ..., Mlles Nadine et Stéphanie X, élisant domicile ... (51000), par la SCP d'avocats Billy ;

Les consorts X et Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement public de santé départemental de la Marne à leur vers

er diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont subis consécutiv...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 avril 2004, complétée par mémoire enregistré le 13 mai 2004, présentée pour M. Jean-Michel X, élisant domicile ..., Mme Claude Y, élisant domicile ..., Mlles Nadine et Stéphanie X, élisant domicile ... (51000), par la SCP d'avocats Billy ;

Les consorts X et Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement public de santé départemental de la Marne à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont subis consécutivement au décès de Mme Denise X survenu le 28 septembre 1992 au sein dudit établissement ;

2°) de condamner l'Etablissement public de santé départemental de la Marne à verser à M. X une somme de 30 000 € au titre du préjudice moral, une somme de 1 359,36 € au titre des frais funéraires et une somme de 27 000 € au titre du préjudice matériel et économique, à verser à Mme Claude Y une somme de 7 500 € au titre de son préjudice moral et à verser respectivement à Mlles Nadine et Stéphanie X une somme de 15 000 € au titre de leur préjudice moral ;

3°) de condamner l'Etablissement public de santé départemental de la Marne à leur payer une somme 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal leur a opposé l'exception de prescription quadriennale alors que les consorts X avaient formé devant les tribunaux de l'ordre judiciaire un recours qui avait interrompu le délai de prescription prévu par la loi du 31 décembre 1968 ; la plainte déposée entre les mains du procureur de la République justifiait à elle-seule la suspension de toute prescription ; en effet, les requérants ne sont pas simplement intervenus en qualité de partie civile et l'action devant le juge pénal était dirigée non seulement contre les médecins concernés mais également contre l'Etat, appelé en la cause par le truchement de l'agent judiciaire du Trésor ; en outre, ce n'est qu'à la suite de l'arrêt du 21 janvier 1999 de la cour d'appel de Reims que la responsabilité pénale du Dr Z a été consacrée et a permis d'établir les fautes du service public hospitalier ; la décision d'incompétence du juge judiciaire a bien interrompu le délai comme le prévoit la loi de 1968 ;

- le mari de la requérante a subi un préjudice moral considérable et a en outre dû élever seul ses deux enfants ; les charges supplémentaires en matière d'éducation et d'entretien des enfants entraînent un préjudice économique évalué à 27 000 € ;

- Mme Y, demi-soeur de la victime à l'origine des poursuites judiciaires, et les deux enfants de la victime ont subi un préjudice moral important ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2006, présenté pour l'Etablissement public de santé départemental de la Marne par Me Clément, de la SCP d'avocats Lagrange, Philippot, Clément, Zillig, Vautrin ;

L'Etablissement public de santé départemental de la Marne conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation des requérants à lui payer une somme de 800 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal a opposé l'exception de prescription quadriennale à la demande d'indemnité des requérants ; le dépôt d'une plainte pénale ne suffit pas à interrompre le délai de prescription quadriennale ; aucune collectivité publique n'a été mise en cause dans la procédure pénale engagée devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne et la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Reims ; l'agent judiciaire du Trésor n'est pas une collectivité publique au sens de la loi de 1968 et ne saurait être substitué au centre hospitalier de la Marne, établissement public administratif doté d'un conseil d'administration propre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 101 ;

Vu le code de la santé publique et notamment l'article L. 1142-28 ;

Vu le code de la sécurité sociale

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Dupleix de la SCP Lagrance, Philippot, Clément, Zillig, Vautrin, avocat du centre hospitalier spécialisé de Châlons-en-Champagne,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 applicable à la présente espèce : « Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. » ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Denise X, admise le 12 mai 1992 à l'Etablissement public de santé départemental de la Marne afin d'y suivre un traitement neuroleptique, a été atteinte de graves troubles intestinaux qui ont rendu nécessaire le 27 septembre 1992 son transfert au service des urgences au centre hospitalier général de Châlons- en-Champagne ; que la patiente est décédée le lendemain des suites d'un choc septique lié à un syndrome occlusif avec colite nécrosante ; que les conséquences dommageables du décès de Mme Denise X pour ses ayants-droits étaient pleinement apparues dès la date du décès de celle-ci ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, leur créance ne trouve pas son origine dans l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 21 janvier 1999 qui a, d'une part, confirmé la condamnation pénale prononcée par le jugement du tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne en date du 18 février 1998 à l'encontre du docteur Z, médecin traitant de la victime et, d'autre part, jugé que les juridictions judiciaires étaient incompétentes pour statuer sur leur demande en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait de ce décès au motif que les fautes imputées au médecin n'étaient pas détachables du service ; que dès lors, en l'absence d'invocation par les intéressés de tout autre élément de nature à les faire légitimement regarder comme ignorant l'existence de leur créance à l'égard du centre hospitalier au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précitée, le délai de prescription relatif à leur action dirigée contre l'Etablissement public de santé départemental de la Marne tendant à la réparation dudit préjudice a commencé de courir à compter du 1er janvier 1993 ;

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance . Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour suivant l'année cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. » ; que ces dispositions subordonnent l'interruption du délai de prescription qu'elles prévoient en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d'une collectivité publique ou d'un établissement public ;

Considérant que M. Jean-Michel X, mari de la victime agissant en son nom personnel et celui de ses enfants Nadine et Stéphanie, et Mme Claude Y, demi-soeur de la victime, ont déposé plainte et se sont constitués partie civile dans l'action pénale pour homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention et manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, engagée contre les docteurs A et Z, médecins hospitaliers en charge du traitement psychiatrique de Mme X, respectivement chef de service et médecin traitant ; que cette action pénale, qui n'était dirigée ni expressément ni directement contre ledit centre hospitalier et au cours de laquelle ce dernier n'a pas été mis en cause, n'a pas eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale ; qu'il est vrai que les requérants font valoir qu'ils ont en outre formé une assignation aux fins d'intervention forcée de l'Etat, représenté par l'agent judiciaire du Trésor ; que si, contrairement à ce que soutient l'Etablissement public de santé départemental de la Marne, en appelant l'Etat devant le juge judiciaire en déclaration de jugement commun, les requérants doivent être regardés comme ayant mis en cause une collectivité publique au sens des dispositions de l'article précité, il résulte toutefois de l'instruction que cette action n'a été formée que le 3 novembre 1997 et ne pouvait par suite valablement interrompre le délai de prescription quadriennale qui était arrivé à expiration le 31 décembre 1996 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu' en application des dispositions précitées des articles 1 et 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 susvisée, le délai de prescription quadriennale était venu à expiration à la date à laquelle les requérants avaient saisi par courrier du 7 avril 1999 le centre hospitalier d'une demande d'indemnité tendant à la réparation des préjudices qu'ils ont subis ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par une décision du 12 octobre 1999, le directeur de l'Etablissement public de santé départemental de la Marne a opposé la prescription quadriennale à leur demande préalable d'indemnité et que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur cette exception pour rejeter leur demande d'indemnité présentée le 6 octobre 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l' Etablissement public de santé départemental de la Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à l'Etablissement public de santé départemental de la Marne la somme qu'il réclame à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. Jean-Michel X, Mme Claude Y, Mlle Nadine X et Mlle Stéphanie X, ainsi que les conclusions de l'Etablissement public de santé départemental de la Marne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel X, à Mme Claude Y, à Mlle Nadine X, à Mlle Stéphanie X, au centre hospitalier spécialisé de Châlons-en-Champagne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.

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N° 04NC00377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00377
Date de la décision : 04/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-04;04nc00377 ?
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