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06/04/2006 | FRANCE | N°02NC01104

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 06 avril 2006, 02NC01104


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 avril 2004, complétée par mémoire enregistré le 21 septembre 2005, présentée pour M. Alain X, son épouse Mme Anne-Marie X et leur fils, M. Stéphane X, élisant domicile ..., par Mes Debré et Weber, avocats ; les consorts X demandent à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation des hôpitaux universitaires de Strasbourg à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont subis en

raison des fautes commises par le service public hospitalier dans la pri...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 avril 2004, complétée par mémoire enregistré le 21 septembre 2005, présentée pour M. Alain X, son épouse Mme Anne-Marie X et leur fils, M. Stéphane X, élisant domicile ..., par Mes Debré et Weber, avocats ; les consorts X demandent à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation des hôpitaux universitaires de Strasbourg à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices qu'ils ont subis en raison des fautes commises par le service public hospitalier dans la prise en charge au cours de l'année 1995 de la pathologie présentée par M. Alain X ;

2) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à verser respectivement à Mme X et à son fils une somme de 76 000 € au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

3) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à verser à M. Alain X une somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts ;

4) d'enjoindre à l'intimé de produire la lettre du Pr Y contenant des propos injurieux à l'égard de M. X ;

5) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à leur payer une somme 1 500 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la responsabilité des hôpitaux universitaires de Strasbourg est engagée sur le fondement de la faute de service caractérisée par une erreur de diagnostic doublée d'une erreur dans le choix thérapeutique ;

- d'une part, le diagnostic posé par les services des hôpitaux universitaires de Strasbourg était incorrect et inexact ; ils n'ont jamais diagnostiqué la psychose maniaco-dépressive dont souffre M. X, alors que sa famille les avait alertés sur la nécessité de donner des soins adaptés à son état de santé et que cette affection avait été diagnostiquée par des médecins indépendants dès 1989 et qu'elle est attestée par l'expertise du Dr Z commis par le tribunal ; en outre, ce diagnostic a été précipité et posé sans examen suffisamment approfondi ;

- d'autre part, le choix thérapeutique était erroné ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'intéressé avait fait l'objet avant comme après 1995 d'hospitalisations de plusieurs mois ;

- le tribunal ne pouvait estimer que M. X n'avait subi aucun traitement psychiatrique de son arrivée à Strasbourg à l'année 1995, compte tenu des particularités de l'affection en cause ;

- plusieurs documents médicaux, et notamment le rapport d'expertise du Dr Z et les certificats du Dr A, attestent l'existence d'une psychose maniaco-dépressive ;

- le consentement de l'intéressé, très dépressif, ne saurait être une circonstance exonératoire de la responsabilité des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui ont procédé à une expérimentation qui présentait des risques ;

- le préjudice subi par M. X et sa famille est établi et considérable ;

- les fautes de l'administration ont entraîné de graves conséquences pour l'intéressé qui, ainsi livré à lui-même, a agi de façon inconséquente et inconsidérée, notamment en matière d'endettement ; son préjudice matériel et moral doit être considéré comme très important ;

- les graves troubles de comportement de l'intéressé ont eu des retentissements sur sa famille, qui a subi un grave préjudice moral et matériel, ainsi que des troubles dans les conditions d'existence très importants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2003, présenté pour les hôpitaux universitaires de Strasbourg, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat ;

Ils concluent au rejet de la requête ;

Ils soutiennent que :

- les requérants ne justifient d'aucun préjudice imputable aux prétendus manquements du service public hospitalier ;

- une erreur de diagnostic n'est fautive que si elle traduit une méconnaissance des règles de l'art ; or, en l'espèce, l'erreur de diagnostic n'a jamais été établie ; en toute hypothèse, une erreur ne pourrait pas, en l'état de la contradiction entre les deux rapports des experts commis par le tribunal, être considéré comme fautive ;

- le choix de la thérapeutique proposée par les services et l'absence d'internement prolongé ne sauraient être, dans les circonstances de l'espèce, regardés comme fautifs alors que l'intéressé a fait l'objet d'un suivi régulier et sérieux adapté à son état ;

- en tout état de cause, M. X qui ne faisait pas l'objet d'une protection particulière en septembre 1995, était à même de donner valablement son consentement à l'application du protocole de recherche, nonobstant son état dépressif et la manifestation de troubles psychiques ; aucun texte n'exigeait l'avis de son épouse ;

- la situation financière difficile de la famille liée aux dépenses inconsidérées de l'intéressé est sans relation aucune avec les manquements reprochés aux hôpitaux universitaires de Strasbourg ; le préjudice matériel subi par M. Alain X n'est pas établi ;

- l'indemnisation au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence n'est fondée ni dans son principe ni dans son quantum, dès lors que les nombreux gestes inconsidérés de M. X existaient bien avant la prise en charge de celui-ci par les hôpitaux universitaires de Strasbourg et sont en relation exclusive et directe avec sa pathologie ; il n'est pas allégué ni a fortiori prouvé qu'une autre thérapeutique aurait permis avec certitude d'obtenir de meilleurs résultats dans le traitement de la maladie ; ainsi, la situation douloureuse dans laquelle se retrouvent les proches de M. X a pour origine la pathologie et l'évolution naturelle de la maladie de ce dernier ;

- à titre très subsidiaire, le montant des indemnités est manifestement excessif ;

Vu la mise en demeure du 21 octobre 2003 adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg aux fins de produire des observations en réponse à la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Steinmetz, pour le cabinet Debré et Weber, avocat des consorts X,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Alain X a été hospitalisé au sein des hôpitaux universitaires de Strasbourg au cours de l'année 1995, le 22 juillet, du 9 au 10 août, du 29 août au 22 septembre 1995 et du 24 novembre au 4 décembre, en raison de divers troubles du comportement ; que, d'une part, selon les requérants, qui s'appuient à cet effet sur le rapport d'expertise établi par le Dr Z, second expert désigné par le président du tribunal, M. X souffre d'une psychose maniaco-dépressive qui n'a pas été diagnostiquée par les services des hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui se sont bornés à relever l'état névrotique de l'intéressé, et n'a pu de ce fait bénéficier de la part des hôpitaux universitaires de Strasbourg des soins adaptés à sa pathologie ; qu'à supposer même, comme le prétendent les requérants sans cependant l'établir, que l'existence d'une psychose maniaco-dépressive aurait été évoquée avant 1995, il est constant que l'interprétation des troubles présentés par le requérant a donné lieu avant comme après ladite période à des avis divergents de la part des différents médecins libéraux ou hospitaliers ayant traité son cas ; qu'en particulier, le diagnostic de psychose maniaco-dépressive a été écarté par le rapport établi par le Dr B à l'issue de la première expertise diligentée par les premiers juges, lequel évoque des graves troubles caractéristiques d'une personnalité dite « borderline » ; qu'enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, si l'hospitalisation entre le 24 novembre et le 4 décembre 1995 a eu pour objet essentiel la mise en oeuvre avec le consentement du patient d'un sevrage alcoolique avec état dépressif surajouté, les services ne se sont pas limités à soigner les crises d'éthylisme dont souffrait l'intéressé mais ont également, à la suite d'examens médicaux sérieux, traité la symptomatologie psychique de l'intéressé ; que, dans ces conditions, eu égard à l'ambiguïté et à la complexité des symptômes et en l'absence de signes évidents en faveur d'une psychose maniaco-dépressive, à supposer même établie la circonstance que l'intéressé aurait présenté une telle affection lors de son hospitalisation, ni le fait pour les services des hôpitaux universitaires de Strasbourg de n'avoir pas diagnostiqué cette pathologie ni les modalités selon lesquelles a été examiné l'intéressé, ne sauraient, dans les circonstances de l'espèce, caractériser une erreur de diagnostic constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les refus d'hospitalisation opposés à M. X, notamment les 22 et 29 juillet et 30 octobre 1995, auraient été injustifiés sur le plan médical ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction et, notamment, du second rapport d'expertise, que le traitement de l'intéressé eût nécessité à partir de juillet 1995 un internement prolongé sur plusieurs mois ; qu'il n'est d'ailleurs pas même allégué que l'indication d'une psychose maniaco-dépressive eût justifié une décision d'internement ; qu'au demeurant, tant avant qu'après 1995, les mesures d'internement concernant M. X n'ont été que ponctuelles et d'une durée limitée ; que si les hospitalisations au sein des hôpitaux universitaires de Strasbourg ont été brèves, le patient a fait l'objet au cours de ces séjours d'un suivi régulier consistant en un traitement chimiothérapique à visée anti-dépressive accompagné d'un suivi psychothérapeutique externe et de soins infirmiers ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants qui invoquent sur ce point une erreur de choix thérapeutique, la seule circonstance que l'intéressé a essuyé des refus d'hospitalisation et n'a pas fait l'objet d'un internement prolongé au cours de la période litigieuse n'est pas par elle-même constitutive d'une faute médicale ;

Considérant en troisième lieu, qu'il est constant que M. X, majeur capable ne faisant à l'époque des faits l'objet d'aucune mesure de sauvegarde de justice, a donné son consentement par écrit le 1er septembre 1995 pour participer à un protocole de recherche sur un nouveau médicament anti-dépresseur et à la réalisation d'une cassette-vidéo à finalité pédagogique sur les troubles dont il était atteint ; que si les requérants font état de ce que le malade était dans un état dépressif, il n'est pas contesté que les dispositions prévues aux articles L. 1122-1 et L. 1122-2 du code de la santé publique relatives au consentement de la personne participant à une recherche bio-médicale ont été observées par les hôpitaux universitaires de Strasbourg ; qu'en tout état de cause, comme le reconnaît d'ailleurs le Dr Z, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la participation à cette expérimentation ait pu compromettre les chances de voir l'état du patient s'améliorer, alors surtout qu'il résulte de l'instruction que les évaluations cliniques ont montré une évolution favorable des affects dépressifs présentés lors de cette hospitalisation en septembre 1995 ; qu'ainsi, à supposer même, comme le relève le rapport du Dr Z que l'indication de cette expérimentation, d'ailleurs arrêtée du fait du retrait volontaire du patient le 22 septembre, fût maladroite au regard de la réactivité caractérielle et du comportement imprévisible de celui-ci, les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que les conditions dans lesquelles M. X a participé audit protocole sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction demandée par les requérants, que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser à M. Alain X, à Mme Anne-Marie X et à M. Stéphane X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête susvisée de M. et Mme Alain X et de M. Stéphane X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain X, Mme Anne-Marie X, M. Stéphane X, aux hôpitaux universitaires de Strasbourg et à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg.

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N°02NC01104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01104
Date de la décision : 06/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : DEBRE ET WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-04-06;02nc01104 ?
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