Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 décembre 2002, présentée pour Mme Fabienne X, élisant domicile ..., par Me Durrieu ;Diebolt, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0005206 en date du 10 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions administratives l'ayant placée en congé pour raisons de santé à compter du 17 avril 2 000 et à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle aurait subis du fait de ces décisions ;
2°) d'annuler les décisions l'ayant placée en congés pour raison de santé ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer les sommes suivantes :
- 13 165,04 € au titre des reliquats de salaires et primes dus pour la période du 18 avril 2000 au 31 août 2001, avec les intérêts légaux à compter de chaque reliquat impayé ;
- 8 533,20 € correspondant à 110 jours de permission, avec les intérêts légaux à compter de chaque reliquat impayé ;
- 3 500 € en réparation du préjudice moral avec les intérêts légaux à compter de l'arrêt rendu par la Cour ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les textes réglementaires et ne saurait invoquer le fait que l'agent a accepté sa situation alors que celui-ci a été désinformé sur ses droits en matière de congé ;
- le placement en congé pour raisons de santé et sa prolongation sont dépourvus de base légale ; en effet, la requérante, qui a contracté la maladie de Crohn lors de sa grossesse, avait droit à un congé de longue maladie avec solde entière la première année, conformément à l'instruction du 25 juin 1984 relative aux congés qui le prévoit expressément dans son article 23.1 ; à tout le moins, ainsi que le préconisait le médecin-chef, la requérante aurait dû être affectée en activité classée G 3 ;
- la requérante avait déclaré sa grossesse alors qu'elle n'était pas encore placée en congé pour raisons de santé ;
- les décisions accordant un congé pour raisons de santé du 17 avril au 17 juillet 2000 et portant prolongation dudit congé sont irrégulières car la requérante n'a fait l'objet d'aucun examen médical ; les certificats médicaux sur lesquels se fonde l'administration ne sont pas valables ;
- la requérante a perdu plus des deux cinquièmes de son salaire depuis le 18 avril 2000 ;
- les préjudices financier et moral de la requérante sont établis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2005, présenté par le ministre de la défense ;
Le ministre conclut au rejet de la requête de Mme X ;
Il soutient que :
- la demande indemnitaire devant le tribunal n'est pas recevable dans la mesure où l'agent n'a pas présenté de demande d'indemnité préalable auprès de l'administration ; la fin de non-recevoir avait été soulevée à titre principal par le ministre, lequel n'a répondu au fond qu'à titre subsidiaire ;
- les conclusions en annulation n'ont été présentées devant le tribunal que le 6 mars 2002 et sont donc tardives car les décisions attaquées ont été respectivement notifiées à l'agent les 28 juillet et 7 novembre 2000 et le 3 avril 2001 ;
- en l'absence de diagnostic certain de la maladie de Crohn, la requérante ne pouvait pas être placée en congé de longue maladie ; compte tenu de son inaptitude au service, elle a été légalement placée en congé pour raisons de santé à l'expiration de ses droits à congé de maladie ordinaire ;
- l'avis du médecin-chef de corps proposant un congé pour raisons de santé d'une durée de trois mois ne liait pas l'autorité militaire ; par conséquent, l'attribution d'un congé d'une durée supérieure de six mois était légalement possible ;
- la requérante ne saurait utilement prétendre qu'elle était apte à reprendre le service à la date du 17 juillet 2000 alors que son inaptitude a été constatée les 4 avril et 29 septembre 2000 et le 5 mars 2001 ;
- c'est à tort que la requérante invoque l'absence de visite médicale préalablement à l'octroi, par décision du 12 octobre 2000, de la deuxième période de congé pour raisons de santé ; en raison de l'impossibilité pour l'intéressée de se déplacer, le médecin-chef de corps s'est prononcé au vu du dossier médical de l'agent ;
- le moyen tiré de ce que la requérante, qui avait déclaré sa grossesse antérieurement à son placement en congé pour raisons de santé, avait droit à un congé de maternité à compter du 18 juillet 2000 est inopérant ; la requérante, qui se trouvait en position de non-activité du fait de son placement en congé pour raisons de santé, ne pouvait être placée en congé de maternité sans avoir été au préalable réintégrée dans ses fonctions après avis médical ;
- en l'absence d'illégalité, et donc de faute, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées ; le préjudice lié à la succession des examens médicaux résulte de son état de santé et non de sa hiérarchie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, notamment son article 34 ;
Vu le décret n° 74-338 du 22 avril 1974 relatif aux positions statutaires des militaires de carrière, et notamment ses articles 5 et 26 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : «l'activité est la position du militaire qui occupe un emploi de son grade. Reste dans cette position le militaire de carrière qui obtient : 1) des congés de maladie, avec solde, d'une durée maximum de six mois pendant une période de douze mois consécutifs ; 2) des congés pour maternité (…) d'une durée égale à celle prévue par la législation sur la sécurité sociale (…)» ; que selon l'article 58 de la même loi, le militaire de carrière atteint de certaines affections limitativement énumérées a droit à un congé de longue durée pour maladie ; qu'aux termes de l'article 59 de ladite loi : «Le militaire de carrière atteint d'infirmité ou de maladie autres que celles visées à l'article précédent, dans l'impossibilité d'occuper un emploi après avoir épuisé les congés de maladie prévus à l'article 53-1 est, après avis médical, placé en congé pour raisons de santé. Le militaire perçoit, pendant une durée maximum de trois ans, une solde réduite des deux cinquièmes s'il est lieutenant, sous-lieutenant ou sous-officier ou une solde réduite de moitié s'il détient un autre grade ...» ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, gendarme affectée à la légion de gendarmerie départementale d'Alsace, a été placée en congé de maladie du 1er novembre 1999 au 16 avril 2000 ; que l'intéressée, ayant ainsi épuisé ses droits à congé de maladie, le médecin-chef de la légion de gendarmerie départementale d'Alsace a proposé, dans un avis du 4 mars 2000, le placement de celle-ci en congé pour raisons de santé d'une durée de trois mois ; que, considérée comme inapte à reprendre son service, la requérante a été placée en congé pour raisons de santé pour une durée de six mois à compter du 18 avril 2000 avec réduction des 2/5ème de sa solde par décision du ministre de la défense en date du 14 juin 2000 notifiée le 28 juillet suivant ; que ce congé a été renouvelé à deux reprises par décisions du ministre de la défense en date du 12 octobre 2000 et du 22 mars 2001, notifiées respectivement le 7 novembre 2000 et le 3 avril 2001 ;
Considérant, en premier lieu, que, d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision susvisée du 14 juin 2000 la plaçant en congé pour raisons de santé a été prise après l'avis médical en date du 4 avril 2000 émis par le Dr Y, médecin en chef de la légion de gendarmerie départementale d'Alsace ; que la circonstance, à la supposer même établie, que l'intéressée n'aurait pas fait l'objet ce jour là d'un examen clinique, n'est, en tout état de cause, pas de nature à vicier la procédure, dès lors qu'il est constant que le même praticien avait examiné la requérante lors des visites effectuées les 20 octobre et 20 décembre 1999 et les 26 janvier et 21 février 2000 et qu'il a émis son avis au vu du livret médical de l'intéressée et notamment des expertises du Pr Z et du Dr A ; que ce certificat du 4 avril 2000, d'ailleurs circonstancié, pouvait ainsi régulièrement tenir lieu de l'avis médical prescrit par les dispositions de l'article 59 précité ; que, d'autre part, par une note du 18 juillet 2000, le médecin-chef a été invité à convoquer Mme X en vue des examens pour un éventuel renouvellement de son congé pour raisons de santé arrivé à expiration le 18 octobre 2000 ; que, convoquée pour le 21 septembre 2000, Mme X a alors fait parvenir un certificat médical en date du 19 septembre 2000 émanant du service de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier de Sélestat attestant que l'état de grossesse de la requérante contre-indiquait les trajets en voiture ; qu'eu égard à l'impossibilité de procéder à l'examen de l'intéressée, le médecin-chef de la légion de gendarmerie départementale d'Alsace s'est prononcé au vu de son dossier médical et a, par certificat du 29 septembre 2000, proposé de prolonger le congé pour raisons de santé ; qu'ainsi, la première prolongation du congé pour raisons de santé a été prise après l'avis médical exigé par l'article 59 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 ; qu'enfin, il est constant que la requérante a fait l'objet d'un examen médical préalablement à la décision du 22 mars 2001 renouvelant pour six mois le congé pour raisons de santé ; que, dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision accordant un congé pour raisons de santé du 17 avril au 17 juillet 2000 et celles portant prolongation dudit congé sont irrégulières au motif que l'autorité militaire aurait méconnu les dispositions susmentionnées relatives à l'examen médical ; que si la requérante prétend que certains des certificats médicaux sur lesquels se fonde l'administration ne sont pas valables ou seraient des faux, elle n'apporte aucun élément précis au soutien de ses allégations ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'avis du médecin-chef de corps en date du 4 avril 2000, qui avait proposé d'accorder à l'intéressée un congé pour raisons de santé d'une durée de trois mois du 19 avril au 17 juillet 2000, ne liait pas l'autorité militaire qui pouvait légalement par sa décision du 14 juin 2000 précitée attribuer un congé d'une durée supérieure dans les limites posées par l'article 26 du décret du 22 avril 1974 susvisé ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante, qui indique avoir contracté la maladie de Crohn lors de son deuxième accouchement en juillet 1999, fait valoir qu'elle avait droit, à l'expiration de son congé de maladie ou à la date du 17 juillet 2000, à un congé de longue maladie avec solde entière la première année ou, à tout le moins, qu'elle aurait dû être affectée dans une activité sédentaire ; que, cependant, d'une part, il résulte de l'ensemble de pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis les 4 avril et 29 septembre 2000 et le 5 mars 2001, et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que l'intéressée était, pendant la période du 17 avril 2000 jusqu'à sa reprise du travail en mai 2001, inapte à reprendre le service ; que, d'autre part, il résulte également de l'instruction que le diagnostic de la maladie de Crohn n'avait pu être arrêté avec certitude ; que, dans ces conditions, l'autorité militaire a pu, à bon droit, placer l'intéressée en congé pour raisons de santé ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article 53 précité de la loi du 13 juillet 1972 que le droit au congé de maternité, qui permet à l'agent de cesser temporairement son service pendant une période entourant la date présumée de l'accouchement, est conféré uniquement au militaire féminin qui se trouve en position d'activité ; que, dès lors, la requérante, qui se trouvait depuis le 18 avril 2000 du fait de son congé pour raisons de santé en position non-activité, ne saurait utilement faire valoir qu'elle aurait pu être placée en congé de maternité ; que la circonstance que l'intéressée a fait sa déclaration de grossesse avant son placement en congé pour raisons de santé ne faisait pas obstacle à l'application par l'autorité militaire des dispositions de l'article 59 de la loi du 13 juillet 1972 ;
Considérant qu'il suit de là que le ministre de la défense n'a pas méconnu les dispositions statutaires applicables à Mme X en la plaçant, par décisions des 14 juin et 12 octobre 2000 et du 22 mars 2001, en congé pour raisons de santé du 18 avril 2000 au 17 octobre 2001 ni commis de faute en prenant ces décisions ; que, par suite, les conclusions de Mme X dirigées contre les décisions susmentionnées ainsi que ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les conséquences dommageables de ces décisions doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense à la demande de première instance, que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg, qui a examiné l'ensemble des moyens soulevés par l'intéressée, a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fabienne X et au ministre de la défense.
2
N° 02NC01320